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En répétition – Un avant-goût de Sleepless de Jirí Kylián par le Ballet de l’Opéra de Lyon

Entre Jirí Kylián et le Ballet de l’Opéra de Lyon, c’est une histoire qui dure. Au point que le chorégraphe tchèque devient pour trois saisons artiste associé à cette troupe de danse contemporaine d’excellence. La compagnie place donc sa programmation au coeur de son répertoire. Et cela démarre par l’entrée au répertoire de Sleepless, associé à I New Then Johan Inger (aussi entrée au répertoire) lors d’un programme donné du 10 au 14 avril au Toboggan de Décines. Danses avec la plume a pu glisser à une répétition, quelques jours avant la première.

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En cet après-midi de début avril, le grand studio de l’Opéra de Lyon est baigné de lumière. Les représentations du programme Jirí Kylián/Johan Inger démarrent dans une semaine. Après avoir répété le matin I New Then, une vingtaine de danseurs et danseuses sont présent.e.s pour SleeplessUrtzi Aranburu, ancien danseur du NDT qu’a dirigé Jirí Kylián, dirige les répétitions de cette entrée au répertoire. Il demande d’abord à la première distribution de faire un filage, avant de leur donner quelques corrections. Le deuxième casting enchaîne ensuite sur le même système. Sur la scène, il y aura un rideau de scène inspiré par le travail de l’artiste Lucio Fontana, avec lequel jouent les interprètes. Pour cette répétition en studio, pas d’accessoire. Mais le miroir est dissimulé par un grand rideau noir, la scène n’est plus très loin.

Deux danseuses démarrent le ballet, bientôt suivi par deux danseurs. Petit à petit, le groupe se met en place. À l’image de sa musique abstraite, Sleepless apparaît comme une pièce aux multiples déconstructions. Le groupe de six d’interprètes ne cesse de se dissoudre pour laisser la place à plusieurs et superbes pas de deux ou trio, où chaque porté (parfois périlleux) semble être différent du précédent. Il y a encore quelques accrochages, quelques hésitations, mais les interprètes jouent le jeu du filage. Parfois l’un interpelle son voisin en chuchotant, s’excuse d’un mouvement un peu trop violent. Sur les côtés, les autres danseurs et danseuses s’échauffent, s’étirent, ou marquent leurs parties. Assis adossé au miroir, Urtzi Aranburu ne fait aucun commentaire mais n’en perd pas une miette. Sans perdre des yeux ce qui se passe sur le plateau, il gribouille sa feuille blanche de multiples réflexions (selon la grande méthode qui consiste à écrire lisiblement sans pour autant lâcher les danseurs et danseuses du regard).

Sleepless de Jirí Kylián – Le Ballet de l’Opéra de Lyon en répétition

Sleepless dure une vingtaine de minutes, sans temps morts, que ce soit dans les gestes ou la certaine puissance émotionnelle qui s’en dégage. “Très bien. Vraiment très bien“, lance d’emblée Urtzi Aranburu. “Et merci d’être resté concentré malgré le bruit dehors“, une manifestation ayant en effet commencé sur le parvis de l’Opéra. Remontant toutes les corrections notées sur sa feuille, le répétiteur passe de groupe en groupe pour apporter ses corrections. À une semaine de la première, le ballet est acquis. Le travail se fait sur des infimes détails, des positions de mains à rectifier, des regards à légèrement modifier, des accents à intensifier. À une danseuse, il lui rectifie ainsi la position de la paume de sa main, sa façon de poser son bras dans l’espace. La chorégraphie se révèle dans toute sa complexité, même si les interprètes du Ballet de l’Opéra de Lyon lui donnent une sorte de spontanéité. Et derrière les pas contemporains, une certaine base classique apparaît : un tour attitude par là, un développé seconde, un temps de suspension en l’air. 

Si le geste est changé, c’est pour marquer un peu plus une intention. “Place plus ton regard vers ta main, sinon on ne sait pas où tu vas. Et après ton demi-plié, ne bouge plus, exagère le mouvement“, lance ainsi Urtzi Aranburu à une danseuse ; “Quand tu tends ton bras, ton intention va vraiment loin, pas en bas. Et tu dois vraiment rebondir dès qu’il te touche” à une autre. Les corrections portent la plupart du temps sur les pas de deux, la façon dont les deux danseur.se.s bougent ensemble, et quelques passages techniques sur des portés plus compliqués. “Tu dois garder cette position, elle est magique, on doit la voir. Là, les mains plus refermées, pas ouverte. Et dans cette position, il y a plus de volume“. Urtzi Aranburu parle beaucoup d’énergie : tout doit être un peu plus fort, un peu plus accentué, un peu plus tranchant. Son regard ne laisse rien passer, mais l’ambiance est détendue. “Very nice, very good“, revient ainsi souvent. 

Sleepless de Jirí Kylián – Le Ballet de l’Opéra de Lyon en répétition

À la fin de la séance, Urtzi Aranburu donne quelques directives générales. “Pensez à tout ce que nous avons dit, à la chorégraphie, à l’esprit. Il faut faire ressentir quelque chose de spécial. Et profitez du moment !“. Le plus difficile pour lui dans ce ballet ? “La concentration, explique-t-il. “Il faut avoir une certaine tranquillité pour proposer une grande qualité dans le mouvement“. À l’origine, Sleepless a été créé pour le NDTII, une troupe de jeunes danseurs et danseuses. Ce ballet montrait un peu leurs inspirations d’artistes en devenir, leurs espoirs. Pour une troupe plus mature, le rendu n’est forcément pas le même, mais il doit rester une ambiance particulière. “Il y a une atmosphère spéciale dans ce ballet. Chaque mouvement doit être particulier“, conclut Urtzi Aranburu.

 

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