Si le mois de février n’avait pas été avare en sensations chorégraphiques, on avait tout de même l’impression que le froid hivernal avait engourdi l’actualité perpétuellement débordante du ballet en Russie. Les fidèles du ballet russe peuvent se réjouir : le mois de mars s’avère palpitant en la matière. Retour sur une succession de semaines chargées.

Les premières du mois 

Le mois de mars signe le retour sur la scène du Mariinsky du Cavalier de bronze (Rotislav Zakharov), ballet soviétique inspiré d’un poème de Pouchkine. L’oeuvre datée de 1949 était tombée dans l’oubli depuis 1983. Une reprise par Youri Smekalov de cette grande fresque historico-politique sera donnée au Mariinsky dès le 31 mars prochain. Le ballet sera dépolitisé et l’accent sera mis sur la dimension romanesque de l’ouvrage. Les pré-distributions ont été publiées sur le site du Mariinsky, avec notamment Viktoria Tereshkina. Une vidéo des répétitions est déjà disponible en ligne.

Le Ballet du Bolchoï s’ouvre petit à petit à la danse contemporaine, considérée comme un moyen d’expression artistique complémentaire au classique. Les danseurs et danseuses ont ainsi pu adopter le vocabulaire des chorégraphes stars d’Amsterdam Sol Leon, Paul Lightfoot, Hans van Manen et Jiří Kylián lors d’une soirée dédiée à la danse contemporaine. Découvrez quelques extraits dans cette charmante vidéo.

Le diptyque Iolanta/Casse-Noisette, né au Mariinsky le 18 décembre 1892, est revenu à Paris le 11 mars dernier dans une version qui a saisi le prétexte de la modernité pour altérer le propos original. Comment le metteur en scène Dmitri Tchernyakov a-t-il lié les deux oeuvres ? Pour l’heure, les critiques demeurent très tièdes en ce qui concerne le ballet, qui n’a pas les attributs d’une oeuvre chorégraphique. La soirée sera diffusée gratuitement sur Culturebox dès le 25 mars, à 19 heures.

Les évènements diplomatiques du mois

Les objectifs des appareils photos se sont agités autour d’Harper Ortlieb, jeune ballerine américaine admise à l’académie du ballet du Bolchoï. À 15 ans, cette résidente quitte l’Oregon pour la lointaine Moscovie. Immergez-vous dans les coulisses de la pouponnière du Ballet du Bolchoï grâce au diaporama publié par The Moscow Times.

Le journal La Russie francophone publie une interview du danseur Antoine Maltsev, soliste du Saint-Pétersbourg Ballet Théâtre, formé à l’académie du Ballet du Bolchoï. Artiste russe très francophile, il évoque avec une franchise très slave les divergences et les convergences du ballet russe et du ballet français. Vu de la scène, le public des capitales nationales lui apparait plus blasé et réservé que le public de province. Il note aussi une tendance à la perfection technique en Russie, au détriment du développement artistique et narratif des personnages des ballets. La notion de jeu a disparu selon lui. À l’heure où la critique française ressasse régulièrement la tendance à l’exubérance des danseur-se-s russes, les remarques d’Antoine Maltsev sont particulièrement étonnantes.

L’Opéra de Bavière à Munich a dévoilé sa nouvelle saison 2016-2017. Son directeur, l’ancien danseur Igor Zelenski, rompu à la direction artistique de grandes compagnies russes, a annoncé l’entrée au répertoire de Spartacus (Youri Grigorovitch). Ce ballet phare de l’ère soviétique s’exporte pour la première fois en Occident. Comment la troupe munichoise s’appropriera-t-elle l’héroïsme cinglant de Spartacus ? En invitant des artistes russes, probablement.

La France sera dignement représentée lors de la prochaine édition des Benois de la danse à Moscou. Marie-Agnès Gillot dans le jury, Benjamin Millepied pour la chorégraphie et Hannah O’Neill ainsi qu’ Hugo Marchand pour la danse participeront du rayonnement du ballet français en terres russes.

La nouvelle administrative du mois

Alors que Makhar Vaziev prend les rênes de la direction de la danse au Bolchoï ce mois-ci, Sergueï Filine devient responsable d’un atelier chorégraphique propre à la compagnie. Les chorégraphes en vogue comme Alexeï Ratmanski ou Youri Possokhov ont quitté le bercail il y a bien longtemps et leurs oeuvres ne sont pas l’apanage du Bolchoï. Il existe donc bel et bien un enjeu de création maison. Les partis pris audacieux de Sergueï Filine trouveront une réalisation certaine dans ce nouveau programme.

L’arrivée de Makhar Vaziev, ancien directeur artistique du Mariinsky et de La Scala, signera-t-elle le renouveau du répertoire dit conservateur du Bolchoï ? C’est ce que laisse entendre Laura Cappelle dans un article en anglais pour Dance Magazine

 

Le point Zakharova du mois, ministre officieuse de la Culture

L’immanquable point mensuel sur l’activité divine de la Tsarine Svetlana Zakharova se décline aujourd’hui sous la forme d’une vidéo qui a le mérite d’allier le visuel à l’auditif, tout en confinant au sublime, comme toujours. Travail, famille, patrie, tout y passe en version accélérée. Attention, seul-e-s les russophones pourront savourer la sainte parole.

Svetlana Zakharova va donner la deuxième édition du festival (qui porte son prénom) de 500 jeunes talents russes de la danse le 29 mars prochain à Moscou. Elle a récemment confirmé lors d’un passage – de plus – à la télévision russe qu’elle dansera tout de même une variation sur scène, même si l’objet officiel du festival est de promouvoir l’art chorégraphique auprès des enfants et adolescent-e-s russes. Rappelons que la Tsarine a été députée du parti Russie Unie à la Douma et a principalement en charge des affaires culturelles.  Si Svetlana Zakharova n’occupe plus de poste politique aujourd’hui, sa fille et son mari étant devenus prioritaires après le ballet, il semble évident qu’elle poursuit son investissement en faveur d’un véritable soutien d’Etat à la danse.

Les jeunes artistes venu-e-s de toute la Russie interpréteront des variations classiques mais également folkloriques et contemporaines. Eclectique, Svetlana Zakharova. Au sujet de la modernisation du répertoire du Ballet du Bolchoï, la Tsarine admet que la danse contemporaine permet à un artiste de sortir du cadre relativement strict du ballet classique. Mais elle souligne, très justement d’ailleurs, que les chorégraphies contemporaines sont “comme des expériences“. C’est “intéressant de les voir une fois“. Puis cette nouveauté, fin en soi, appelle une nouvelle création qui n’a elle-même pas forcément vocation à durer dans le temps.

 

L’interview du mois – Renata Shakirova

Renata, 19 ans, a intégré le Ballet du Mariinski à peine sortie de l’école de danse Vaganova. Elle compte parmi les danseuses préférées de Nikolaï Tsiskaridzé et son ascension est fulgurante. Elle a récemment remporté la dernière édition du concours télévisé Bolshoi Ballet aux côtés de la star confirmée Kimin Kim et connait des prises de rôle étonnantes, Juliette étant la dernière en date. La jeune danseuse, étonnement fougueuse pour une ballerine pétersbourgeoise, est déjà deuxième soliste du Mariinsky. Elle raconte à Russian Ballet Insider sa préparation des pas de deux de l’émission, ses débuts de carrière et son partenariat avec Kimin Kim (en russe).

Les co-lauréats du concours, Inna Billash et Nikita Tchetverikov, deux jeunes perles du Ballet de Perm, se confient également à la presse locale.

Elle a marqué les esprits dans Le Lac des cygnes reconstruit par Alexeï Ratmansky. Ses lignes, son lyrisme et son intelligence scénique ont éclipsé les autres. L’Étoile russe du ballet de Zurich Viktorina Kapitonova, se dévoile (en anglais, qu’elle parle parfaitement) sur Gramilano. Une artiste aussi intéressante qu’attachante, à découvrir absolument.

Le portrait du mois – Anna Pavlova

La Russie francophone propose un portrait d’Anna Pavlova, ballerine mythique du ballet russe. Vue et revue ? Certains détails de sa vie vous ont peut-être échappé.

 

La vidéo du mois

L’école de danse russe, la majesté de ses ports de bras, le lyrisme du buste, la longueur infinie des jambes… La pouponnière de ce style envié a révélé une partie de ses mystères dans une vidéo enchanteresse. Découvrez le processus d’apprentissage de l’école Vaganova. Bonus : pas besoin de parler russe pour profiter de ce clip d’une dizaine de minutes.

 

Festival du mois – Le Masque d’or

Le festival culturel du Masque d’or se déroule chaque année à la même époque à Moscou. Parmi les nominations de la catégorie ballet, on retrouve Un Héros de notre temps (Youri Possokhov/Bolchoï), Up and Down de Boris Eifman mais aussi Tatiana (John Neumeier) ainsi que des créations de compagnies nationales russes, dont celles de Perm et de Ekaterinbourg. Résultats en avril sur la scène du Stanislavsky.

 

Rendez-vous du mois d’avril

La distribution du Festival de danse qui se tient chaque année au Mariinski a été dévoilée. La scène historique de ce théâtre impérial va accueillir les performances d’Héloïse Bourdon dans Le Lac des cygnes, de Hannah O’Neill dans La Bayadère et d’Evan McKie dans Giselle.

Ne manquez pas l’ouverture des réservations, le 12 avril, pour la tournée londonienne du Ballet du Bolchoï cet été au Royal Opera House.

Le 10 avril aura lieu la dernière retransmission en direct de la saison 2015-2016 Bolchoï-Pathé. Découvrez d’ores et déjà la bande-annonce de Don Quichotte, une espagnolade chatoyante qui est l’une des marques de fabrique du Bolchoï. Vous aurez le plaisir de voir l’incandescente rouquine Ekaterina Krissanova dans le rôle de Kitri et le raffiné Semen Tchoudine, étonnamment distribué en Basilio. En prime, la star montante du Bolchoï, Olga Smirnova, va interpréter la Reine des Dryades. La danseuse fera ses débuts en Kitri le 9 avril en matinée sur la scène du Bolchoï. Son répertoire a de moins en moins de limites.