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Les Enfants du Paradis – Eve Grinsztajn et Yannick Bittencourt

Les Enfants du Paradis de José Martinez continue sa course dans le Paris de carte postale du Palais Garnier, avec le Ballet de l’Opéra de Paris. Le charme désuet qui se dégage de ce ballet est décidément séduisant. Mais la chorégraphie, sans trop de saveur et de personnalité, avec parfois un copier-coller un peu trop lisible, peine à mener toute la soirée. Les interprètes du soir, Eve Grinsztajn et Yannick Bittencourt, y ont pourtant mis tout leur coeur, sans parvenir toutefois à instaurer une tension dramatique suffisante pour tenir en haleine.

Les Enfants du Paradis - Ev Grinsztajn et Aurélien- Houette

Les Enfants du Paradis – Eve Grinsztajn et Aurélien- Houette

Les Enfants du Paradis dégage l’impression étrange que José Martinez s’est beaucoup plus attaché à la forme, et parfois avec talent, qu’au fond de sa chorégraphie. L’idée du théâtre dans le théâtre pour les décors donne ainsi une ambiance particulière, entre un Paris d’autrefois et un de bric et de broc propre aux loges des théâtres. Le Paris évoqué fleure bon le Paris pour touristes, mais l’ensemble n’est pourtant pas déplaisant. Un peu de cliché ne fait parfois pas de mal, surtout quand il est bien dessiné. Après tout, nous regardons bien Mad Men pour le mythe du New York des 60’s, Downton Abbey pour les clichés de l’aristocratie anglaise post-XIXe siècle ou Cabaret pour le fantasme du Berlin des années 1930.

L’idée d’utiliser les espaces publics du Palais Garnier est aussi judicieuse, apportant une proximité nouvelle entre artistes et publics, permettant un peu de se réapproprier le lieu. Comment personne n’avait eu l’idée jusqu’alors de créer le Théâtre du Grand escalier, tant le lieu est si propice au théâtre ? Les costumes bien dessinés, les ensembles gentiment foufous complètent cette note de charme. Jusqu’à se demander pourquoi José Martinez tient absolument à faire parler ses artistes, quand ses scènes sont tout ce qu’il y a de plus lisible. Les “Saperlipopette” et autre “Vl’a aut’chose” lancés lors du théâtre des funambules font sourire, le grand “Noooooon‘” du Comte lors du final provoque carrément un fou-rire (et ce n’est pas la faute d’Alexi Renaud, impeccable dans ce rôle).

Les Enfants du Paradis - Ev Grinsztajn et Aurélien- Houette

Les Enfants du Paradis – Ev Grinsztajn

Et au milieu de tout ça, la danse semble comme délaissée. José Martinez a emprunté de-ci de-là, parfois d’une façon tellement visible que c’en est gênant. La deuxième scène du deuxième acte est ainsi un copier-coller d’Onéguine, et n’a d’intérêt que de se dire qu’Eve Grinsztajn devrait effectivement être magnifique en Tatiana. La chorégraphie manque globalement de personnalité, de style, ne permettant pas ainsi une véritable tension dramatique. Tout se ressemble et s’enchaîne, d’une plutôt jolie façon (la danse est fluide et pas désagréable en soi à regarder) mais bien trop répétitive et monotone pour vraiment s’y intéresser.

Pour transcender cette terne chorégraphie, il faut des interprètes d’exception. Isabelle Ciaravola avait créé le rôle, sa gouaille, son allure, ses longues jambes et son regard unique avaient fait le reste. En partant du constat qu’il semble difficile de l’égaler dans ce personnge, Eve Grinsztajn s’empare d’une belle façon de Garance. Elle joue une femme séductrice et joueuse, très libre dans sa façon de vivre et sa sexualité. Elle ne joue pas avec les hommes, elle les charme sans conséquence et profite de la vie. La danseuse a ce regard en coin, une façon de s’amuser qui séduit. Yannick Bittencourt a aussi quelque chose de très touchant dans son allure dégingandée, ce poète aux habits trop grands pour lui. Son Baptiste est véritablement tétanisé par Garance, avant de prendre son courage à deux mains et de se battre pour elle. C’est le grand garçon adulant une femme, qui ne se rend pas compte des sentiments qu’elle provoque.

Les Enfants du Paradis - Yannick Bittencourt

Les Enfants du Paradis – Yannick Bittencourt

Le premier acte fonctionne ainsi assez bien. Le deuxième peine toutefois à être compréhensible. Si Eve Grinsztajn est remplie de lassitude face au Comte, cela semble plus en nostalgie de sa vie d’artiste et de femme libre. Les retrouvailles amoureuses avec Baptiste ont ainsi du mal à être crédibles. Yannick Bittencourt est investi dans le personnage, mais il semble avoir du mal à se libérer complètement, même si son personnage est construit.

Les pas de deux semblent ainsi bien sages et bien polis. Les scènes de groupe résistent mieux, même si l’oeil a du mal à se faire un chemin au milieu des dizaines de choses à voir. Le sel et le poivre de ce ballet sont finalement apportés par les rôles secondaires : Alessio Carbone cabot à souhait en Frédérick Lemaître, Caroline Bance truculente en Madame Hermine, Marine Ganio brillante en ballerine. Sans oublier les personnalités du corps de ballet (Hugo Vigliotti, Laurène Levy…) qui donnent du relief et rendent ce Paris de carte postal si vivant.

Les Enfants du Paradis - Alessio Carbone, Ev Grinsztajn et Yannick Bittencourt

Les Enfants du Paradis – Alessio Carbone, Ev Grinsztajn et Yannick Bittencourt

 

Les Enfants du Paradis de José Martinez par le Ballet de l’Opéra de Paris au Palais Garnier. Avec Eve Grinsztajn (Garance), Yannick Bittencourt (Baptiste), Alessio Carbone (Frédérick Lemaître), Aurélie Houette (Lacenaire), Mélanie Hurel (Nathalie), Caroline Bance (Madame Hermine), Alexis Renaud (le Comte), Marine Ganio (la Ballerine) et Charlotte Ranson (Desdémone). Mardi 2 juin 2015.

 

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