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L.A.Dance Project – Théâtre des Champs-Élysées

Quelques mois après son départ fracassant (alerte euphémisme) du Ballet de l’Opéra de Paris, Benjamin Millepied est de retour à Paris. Et dans un rôle qui lui va mieux : celui du directeur du L.A. Dance Project, petite troupe de danseurs et danseuses malléables à toutes formes de danse. Les spectacles de cette compagnie américaine sont toujours intéressants, par la qualité de ses interprètes d’abord, par la programmation éclectique aussi. Leur tournée 2016 ne déroge pas à la règle, avec notamment une nouvelle création plutôt séduisante de Benjamin Millepied.

On the Other side de Benjamin Millepied - L.A. Dance Project

On the Other side de Benjamin Millepied – L.A. Dance Project

Tout n’avait pourtant pas très bien commencé. Le L.A. Dance Projet démarrait avec la reprise de Quintett de William Forsythe, superbe pièce intimiste créée dans un moment de douleur du chorégraphe. La musique passe en boucle, lancinante, comme les erreurs que nous répétons dans la vie. Cette pièce est brute, parfois dure. Cinq interprètes se débattent avec contradictions sur scène, cherchant un chemin, une main, un peu englués dans des habitudes et le temps qui passe. La douceur, pourtant, s’insinue doucement, par un duo, un regard, par un porté toujours différent du précédent. L’espoir pointe toujours dans la danse de William Forsythe.

C’est donc ce qu’est censé être Quintett. Sauf que les danseurs et danseuse du L.A. Dance Project se contentent de rester dans la posture. Ils ont une danse magnifique et une technique déliée superbe, ils sont beaux et belles, elles ont les cheveux qui volent au vent, ils ont la parfaite barbe de trois jours. Pourquoi chercher plus loin quand tout est si facile ? La danse est somptueuse, mais l’esprit reste à la porte. Le travail des duos de William Forsythe fait toutefois son effet et un peu de profondeur arrive sur la fin. Mais si tard. C’est un peu le piège de ce chorégraphe : ses pièces sont tellement géniales que l’on peut se contenter de peu, cela passera toujours.

L.A. Dance Project

Quintett de William Forsythe – L.A. Dance Project

Le reste du programme est donc plus séduisant. La troupe propose d’abord un ballet inconnu en France d’une chorégraphe de moins en moins dansée en Europe : Duets de Martha Graham. Ces duos ont une histoire particulière. Martha Graham les a sortis de deux de ses ballets pour les besoins d’un documentaire, A Dancer’s World. Elle les a retravaillés pour la caméra. Pour la première fois, ces duos sont dansés sur scène tels qu’ils l’étaient dans le film. Et l’on se demande en voyant ces duos pourquoi Martha Graham est doucement mais sûrement en train de tomber dans l’oubli en Europe. Voilà une danse qui va à l’essentiel, qui va au plus juste du geste, sans fioriture, pure. La musique est comme un trampoline sur laquelle se crée une dynamique profonde. Tout est dans l’écoute, la profondeur, la largeur du geste, pour un résultat qui ne subit pas l’outrage du temps. Il est d’ailleurs troublant de constater que ces duos ressemblent à ce que font bon nombre de chorégraphes néo-classiques aujourd’hui. Duets a pourtant 60 ans.

Avec Helix, Justin Peck déploie ce qu’il sait faire : une belle danse portée par l’énergie à la fois folle et cool des années 2010. Forcément, cela va plutôt bien à l’esprit du L.A. Dance Project. Les interprètes défendent avec ardeur cette pièce efficace, le chorégraphe séduit toujours par son utilisation inventive du groupe. Mais il manque le travail de la pointe, avec lequel Justin Peck fait souvent la différence et crée l’originalité. Pièce indéniablement agréable, elle est toutefois un peu trop sage pour véritablement marquer.

La nouvelle création de Benjamin Millepied, On The Other Side, clôt la soirée. Le chorégraphe a pris ce qu’il aime : la musique de Philip Glass, de belles lumières chatoyantes. Il ne se met pas dans une zone d’inconfort, mais retrouve un parfum de liberté qui manquait clairement à ses dernières créations. Dès les premières secondes, la danse s’envole, comme sortie d’un carcan, jouant avec la musique et les lumières. Les danseurs et danseuses s’y plongent avec délice, s’amusant avec la virtuosité des pas, prenant leur élan sur la musique, s’y rattrapant à la dernière seconde, occupant l’espace avec une grande cohésion.

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On the Other side de Benjamin Millepied – L.A. Dance Project

La danse de Benjamin Millepied a aussi ses habituels travers. Il y a toujours l’impression que la pièce pourrait commencer et démarrer à un autre moment que ça ne changerait pas grand-chose. La recherche de la pose idéale – attention, c’est le moment de prendre la photo – se fait souvent trop sentir. Mais la façon du chorégraphe d’utiliser l’énergie du groupe, de le dispatcher dans l’espace et de mettre en avant les qualités de ses interprètes fait décidément mouche. En prime, un très beau travail sur le pas de deux, notamment un duo féminin tout en sobriété, précision et émotion, qui apporte de doux contre-points.

 

Le L.A. Dance Project au Théâtre des Champs-Élysées, dans le cadre de la saison TranscenDanses. Quintett de William Forsythe, avec Aaron Carr, Julia Eichten, Morgan Lugo, Nathan Makolandra et Rachelle Rafailedes ; Duets de Martha Graham avec Julia Eichten, Morgan Lugo, Rachelle Rafailedes, Nathan Makolandra, Stephanie Amurao et Aaron Carr ; Helix de Justin Peck avec Stephanie Amurao, Morgan Lugo, Nathan Makolandra, Robbie Moore, Rachelle Rafailedes et Lilija Rúriksdóttir ; On The Other Side de Benjamin Millepied avec Stephanie Amurao, Aaron Carr, Adrien Dantou, Julia Eichten, David Freeland, Morgan Lugo, Rachelle Rafailedes et Lilija Rúriksdóttir. Jeudi 15 septembre 2016. Le L.A. Dance Project est en tournée en France du 30 septembre au 18 octobre.

 

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