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La IX Symphonie de Maurice Béjart – Béjart Ballet Lausanne et Tokyo Ballet

La foule se presse en ce début de mois de janvier devant le Forest National de Bruxelles. Un concert de rock d’une star internationale en vue ? Un spectacle de danse plutôt. Maurice Béjart est peut-être le seul à pouvoir faire ça aujourd’hui : remplir une salle de quelques milliers de places sur son nom, avec aussi bien des habitué.e.s du monde du ballet que des néophytes venu.e.s passer un moment de spectacle. Créée en 1964, La IX Symphonie voulait justement porter un grand élan populaire, parler à chacun d’un sentiment de fraternité. Le Béjart Ballet Lausanne a souhaité remonter cette oeuvre en 2014 pour ses 50 ans de création, entouré pour l’occasion du Tokyo Ballet qui soufflait également ses 50 bougies. La pièce n’a pas vieilli, même si les tics du chorégraphe s’y voient comme jamais, et continue de séduire par sa beauté pure et la force de ses ensembles. Un message d’autant plus important que le spectacle, programmé à l’origine au printemps 2016, avait été reporté suite aux attentats de Bruxelles. 

La IX Symphonie de Maurice Béjart – Béjart Ballet Lausanne et Tokyo Ballet

80 danseurs et danseuses, 120 musicien.ne.s et choristes, un tapis de scène de près de 300 m², qui de fait ne peut être posé que dans de grosses salles, la musique grandiose de Beethoven… Tout amène dans La IX Symphonie une certaine grandiloquence. Maurice Béjart voulait pourtant porter un message simple, en suivant et s’inspirant profondément de la musique : l’amour entre les peuples, la beauté qui naît de la fraternité, le passage de la souffrance à la joie, de la peur à l’espoir. Le chemin de l’ombre à la lumière, des accords tonnants du premier mouvement de la symphonie à son choeur final éclatant, porté par la danse. Un parcours qui n’amène pas vraiment une danse intimiste, mais Maurice Béjart n’a jamais eu peur d’en faire trop. Et c’est ce qui explique aussi le succès de cette oeuvre, décennie après décennie, et la grande beauté qui s’en dégage.

Les quatre mouvements deviennent quatre actes d’une épopée superlative. Un groupe puissant naît des ténèbres, habite la scène. Un couple émerge (toujours formidables Elisabet Ros et Julien Favreau), tout en blanc, vague de pureté après une danse plus terrienne. Petit à petit, le groupe lui répond, s’éclaircit, jusqu’à devenir une grande vague de lumière et d’énergie inarrêtable, qui secoue le public et chaque chaise de la salle. Pour l’occasion, le Béjart Ballet Lausanne et le Tokyo Ballet (qui a souvent collaboré avec Maurice Béjart) se mélangent pour une troupe melting-pot qui porte d’autant plus l’oeuvre. Les solistes de la deuxième troupe se détachent néanmoins un peu moins facilement, trouvant plus de force dans l’énergie de groupe. Les solo et duos du premier mouvement perdent ainsi un peu de leurs forces, tandis que le quatrième mouvement prend une ampleur impressionnante.

La IX Symphonie de Maurice Béjart – Béjart Ballet Lausanne et Tokyo Ballet

La IX Symphonie est d’autant plus fascinante que tous les défauts de Maurice Béjart s’y voient. La chorégraphie n’évite pas des effets faciles et vus maintes fois. La danse est parfois outrancière – aussi un marque de fabrique du chorégraphe – trop appuyée. La recherche du mouvement compte moins que l’effet que produit le groupe sur le public. Mais c’est aussi ce que défendait Maurice Béjart : une danse simple qui prend toute sa dimension par ses interprètes, des pas faciles (dans la recherche, pas dans la technique) transcendés par ses danseurs et danseuses. Trop simple La IX Symphonie ? Peut-être un peu. Mais force est de constater que sa force rassembleuse n’a non seulement rien perdu de sa puissance, mais donne aussi à voir un spectacle d’une grande beauté. 

 

La IX Symphonie de Maurice Béjart par le Béjart Ballet Lausanne, le Tokyo Ballet, l’orchestre La Passione et le choeur deChorale au Forest National de Bruxelles. Avec Gil Roman en narrateur, les percussionnistes Thierry Hochstätter et jB Meier (prologue), Mizuka Ueno, Kanako Oki, Kanako Nihei, Yurika Mikumo, Dan Tsukamoto, Akimoto Yasuomi, Hideo Kishimoto et Iori Nittono (premier mouvement), Kateryna Shalkina et Masayoshi Onuki (deuxième mouvement), Elisabet Ros, Julien Favreau, Lisa Cano, Gabriel Arenas Ruiz, Carme Andres et Jiayong Sun (troisième mouvement), Connor Barlow, Dan Tsukamoto, Masayoshi Onuki, Julien Favreau, Hideo Kishimoto, Kathleen Thilhelm, Svetlana Siplatova, Mari Ohashi, Kwinten Guilliams, Chiara Posca, Lawrence Rigg et Alanna Archibald (quatrième mouvement). Vendredi 6 janvier 2017. 

 



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