TOP

Meguri d’Ushio Amagatsu – Sankai Juku

Exubérance marine, tranquillité terrestre“, voilà le sous-titre de la pièce Meguri d’Ushio Amagatsu par Sankai Juku, une troupe japonaise dont le nom signifie “L’atelier de la montagne et de la mer”. Le ton est donné : c’est parti pour un voyage aux inspirations zen, en contact avec la nature. Inspirée du butô, le burlesque en moins mais une certaine esthétique visuelle en plus, la pièce surprend et désarçonne à ses débuts. Mais le cheminement, au fur et à mesure, absorbe et fascine, malgré quelques facilités chorégraphiques ou musicales. 

Meguri d’Ushio Amagatsu – Sankai Juku

Ushio Amagatsu fait partie de la deuxième génération des danseurs et danseuses de butô, une danse née au Japon dans les années 1960 suite aux profonds bouleversements socio-économiques du pays de cette époque. En 1975, à 27 ans, Ushio Amagatsu monte sa compagnie par le biais de longs stages de plusieurs mois. À la fin, il ne resta que des hommes, dont une compagnie toujours uniquement masculine de nos jours. Le sexe des interprètes importe peu cependant. Corps entièrement poudrés de blanc, allures et gestuelles volontairement androgynes, il n’y a pas d’homme sur scène. Plutôt des êtres de la nature, en tout cas pas entièrement humains, se pliant à leur propre rythme intérieur. Les gestes sont lents, posés, réfléchis. Le mouvement chorégraphique marche sur l’isolation, beaucoup sur la posture. Le tout part dans un long chemin initiatiqueMeguri signifie d’ailleurs la rotation, le cycle. La pièce se découpe en sept séquences ainsi en sept séquences traçant un chemin de vie : Voix du lointain, Métamorphoses au fond des mers, Deux surfaces, Présage – Quiétude – Vibration, Forêt de fossiles, Trame et Retour. Le tout devant un beau décor dentelé, inspiré des fossiles de crinoïdes, animaux aquatiques en forme de plantes  apparus il y a 300 millions d’années.

C’est donc à un drôle de voyage qu’invite Meguri. Comme souvent dans les spectacles butô, il faut prendre le temps de perdre son rythme pour se laisser embarquer par celui de la pièce, beaucoup plus lent de ce que nous avons l’habitude. Il faut aller outre une certaine impatience qu’il se passe quelque chose. Il faut aussi aller outre la musique pénible composée de longues plages de synthés des années 1980, qui tranche douloureusement avec une danse qui n’est pas datable. Une fois le rythme pris – et la musique partant aussi sur quelque chose de plus simple – la pièce laisse planer une étrange fascination, portée par huit danseurs engagés de toute leur âme. Petit à petit, une sorte de trame se glisse entre les poses. On y devine une naissance, une lutte, une victoire, une marche, une peur, un apaisement. On y perçoit aussi des personnalités différentes en scènes, différentes façons de se projeter dans cet univers hors du temps. Les contours du lieu, des êtres s’affinent, portés aussi par notre imagination qui se débride par rapport à ce qu’elle voit plutôt que d’en attendre quelque chose. Au-delà de la beauté esthétique de la pièce, ce genre de spectacle fait du bien aussi parce qu’il bouscule nos confortables habitudes de public. Meguri se termine comme il a commencé : à chacun.e de définir son point de départ et d’arrivée.

Meguri d’Ushio Amagatsu – Sankai Juku

 

Meguri d’Ushio Amagatsu par la compagnie Sankai Juku à la Maison de la Danse de Lyon. Avec Ushio Amagatsu, Semimaru, Toru Iwashita, Sho Takeuchi, Akihito Ichihara, Dai Matsuoka, Norihito Ishii et Shunsuke Momoki. Mercredi 18 janvier 2017. À voir à Clermont-Ferrand les 24 et 25 janvier et à Cergy-Pontoise le 3 février. 

 

Poster un commentaire