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Triptyque par les 7 Doigts de la main – Quand les chorégraphes font leur cirque

Triptyque, c’est le titre générique d’un spectacle qui ne l’est pas. Samuel Tréteault a voulu en effet tenter une expérience originale mais qui allait presque de soi : faire se rencontrer des chorégraphes contemporains et le monde du cirque. En l’occurrence celui de la compagnie dont il est le directeur artistique, Les 7 Doigts de la main, qui a déjà à son actif des spectacles majeurs qui ont contribué à forger l’identité du nouveau cirque. Une démarche naturelle pour Simon Tréteault, qui a toujours été passionné par la danse, et aussi parce que les artistes de sa compagnie sont parfaitement formé.e.s à cet art. Mais une idée aussi excellente soit-elle ne donne pas forcément un bon spectacle. Il y a des moments superbes dans Triptyque qui en soi méritent qu’on s’y arrête. Mais l’éclectisme de la représentation nuit à sa cohérence. C’est un peu comme si on voyait trois courts spectacles où se perd et se dilue l’identité des 7 Doigts de la main.

Anne et Samuel de Marie Chouinard – Triptyque 

C’est la plus connue des trois chorégraphes, Marie Chouinard qui ouvre  le bal de Triptyque avec Anne et SamuelElle le fait sur un duo qui veut développer la relation ambigüe entre deux êtres dépendants affectivement et physiquement l’un de l’autre. C’est ce que dit la note d’intention et cela se traduit par un tête à tête où les deux interprètes bougent, sautent, rampent aidés de simples béquilles, évoluant dans un rectangle de lumière. Samuel Tréteault et Sara Harton sont constamment à l’unisson dans ce corps-à-corps, jusqu’à l’image finale où libérés de leurs béquilles, accroupi.e.s et enlacé.e.s,  ils tournent telle une toupie jusqu’au fondu au noir. C’est puissant et la chorégraphie est totalement maitrisée, mais je reste dubitatif, comme un peu extérieur à ce qui se joue devant nous. Et le dialogue promis entre cirque et danse ne s’esquisse jamais.

La seconde pièce Variations9.81 signée Victor Quijada est celle qui de loin relève le mieux ce défi. Sans doute parce que ce chorégraphe qui vient du hip-hop a su rester simple. Il allie ainsi son savoir-faire chorégraphique et le talent d’équilibristes de cinq membres de la compagnie. Ils dansent littéralement sur un jeu de cannes d’équilibres en perpétuel mouvement. Les corps passent d’une canne à l’autre, se renversent, tournent. À ce moment, la promesse de départ semble remplie. Danse et cirque se conjuguent parfaitement même si la pièce n’est pas exempte de redites.

Variations9.81. de Victor Quijada – Triptyque

Le chorégraphe espagnol Marcos Morau referme ce Triptyque pour une œuvre plus longue et plus ambitieuse. Intitulée Nocturnes, elle fait appel à l’ensemble de la troupe et convoque plusieurs disciplines circassiennes. L’accessoire central est un lit  qui sert tout au long de la pièce de balançoire acrobatique. Tout cela est noyé dans un collage de textes et de musiques dont on peine à comprendre le sens. Parfois émergent des moments de bonheur lorsque, enfin, la virtuosité des artistes des 7 Doigts de la main se retrouve, débarrassée d’un discours qui les encombre plus qu’il ne les fait valoir.

Et c’est tout le problème de ce spectacle : jamais on ne retrouve le plaisir enfantin et immédiat du cirque. C’est comme si leurs talents multiples étaient constamment bridés. La juxtaposition de  ces trois pièces ne fait pas un ensemble et c’est davantage un atelier de recherche pour un spectacle à venir. Mais il y a toujours le droit à l’erreur. Et l’idée d’explorer ce que des chorégraphes peuvent apporter au monde du cirque est une idée à creuser, Samuel Tétreault a eu bien raison de tenter l’expérience. On ne souhaite qu’une chose : qu’il y revienne très vite avec un projet plus abouti, moins éclectique où un chorégraphe utiliserait enfin tout l’art immense de cette compagnie unique.

Nocturnes de Marcos Morau – Triptyque

 

Triptyque de Samuel Tétreault et Isabelle Chassé par Les 7 Doigts de la main à la Maison des Arts de Créteil. Anne et Samuel de Marie Chouinard, Variations9.81 de Victor Quijada et Nocturnes de Marcos Morau. Samedi 21 janvier 2017. En tournée jusqu’au 18 mars

 

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