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Made in Amsterdam I – Het Nationale Ballet

Le Het Nationale Ballet est une jeune compagnie à l’échelle de la danse (elle a été créée en 1961) dans un pays qui n’a pas une forte culture du ballet. Cela ne l’empêche pas de se poser la question du futur de cette technique académique et de son évolution au XXIe siècle. Les deux programmes Made in Amsterdam – dont les premières ont eu lieu en même temps qu’un week-end de colloque réunissant des directeur.rice.s artistiques du monde entier sur ces questions – tentent de montrer la voie que pourrait prendre spécifiquement le Het Nationale Ballet. Au programme : pas moins de huit chorégraphes, du pilier Hans van Manen à de jeunes trentenaires, pour autant de pièces créées spécifiquement pour la compagnie. La première soirée proposait quatre chorégraphies intéressantes, mais un peu trop dans la même énergie, proposant ainsi un tout manquant de contrastes. Les trois premiers créateurs se situaient dans la droite ligne de Hans van Manen, dont une de ses pièces clôturait la soirée. Et pas facile de dépasser le maître.

Frank Bridge Variations de Hans van Manen – Het Nationale Ballet

Peu connu en France du large public danse, Hans van Manen est le maître de la danse néo-classique néerlandaise (il faut voir les saluts infiniment respectueux des danseur.se.s lorsqu’il monte en scène et la standing-ovation du public), toujours créatif à bientôt 85 ans. Frank Bridge Variations, qui terminait ce programme Made in Amsterdam I, a été créé en 2005, alors qu’il redevenait chorégraphe résident de la compagnie. C’est donc un peu le retour aux basiques : costumes et décors au plus simple, mais émotions multiples d’un ballet tout en contrastes. Au détour des neuf passages du ballet, les danseurs et danseuses proposent une danse tour à tour pétillante, mélancolique, drôle ou dramatique, parfois même un peu absurde. De geste en geste, une narration se crée, une ambiance se dessine. Le tout est lié par une musicalité à toute épreuve et une danse précise, à la fois virtuose et sachant aller à l’essentiel. Une pièce d’un maître. 

Les trois autres chorégraphes du programme se situent dans cette même ligne, le revendiquant clairement, sans toutefois y insuffler autant d’esprit. Peut-être manque-t-il un peu de fond à ces trois œuvres, un peu de profondeur dans ce que l’on veut dire. Les ambiances sont différentes – ici un travail sur la foule, là une réflexion sur le duo – mais le tout se ressemble beaucoup, une danse néo-classique sur pointes pas désagréable mais manquant de surprise, d’un grain de folie. Insérés dans une soirée plus mixte, ces trois ballets auraient peut-être été plus remarqués, le fait est que de les mettre les uns derrière les autres les annule un peu. Même si chaque chorégraphe réussit à mettre leurs formidables interprètes en avant – et le Het Nationale Ballet en compte un certain nombre. Ce sont d’ailleurs eux et elles qui donnent la saveur de ces pièces, plus que la danse en elle-même.

Homo Ludens (playing man) de Juanjo Arqués – Het Nationale Ballet

Scène en forme de cube, projection bleu-vert, jeune et beaux danseur.se.s en scène, synergie de groupe… Homo Ludens (playing man), création mondiale de Juanjo Arqués qui ouvre le programme, a comme un petit goût de Clear, Loud, Bright, Forward de Benjamin Millepied. Le contrepoint vient du solo de flûte (joué par Sarah Ouakrat) représenté en scène par le jeune, bondissant et charismatique Young Gyu Choi (un peu notre François Alu). Le joueur, c’est lui. Et comme tout joueur, il aime dépasser les règles établies pour inventer les siennes. C’est lui l’impulseur. Le groupe se dirige par rapport à lui, parfois en le suivant, parfois en travaillant le contraste. Juanjo Arqués, qui ne doit pas être beaucoup plus âgé que cette jeune génération en scène, connaît bien les artistes qu’il a choisi.e.s, ayant dansé avec eux.elles jusqu’en 2012. Il leur propose un ballet sur-mesure pour leurs qualités, sachant offrir un petit moment à chacun.e. Visuellement, la surprise vient de l’utilisation de balançoires. C’est quelque fois vraiment surprenant, apportant une autre dynamique du geste, parfois plus gadget. L’idée serait néanmoins intéressante à creuser.

In Transit d’Ernst Meisnet travaille sur un groupe plus imposant et plus compact sur sa présence en scène. Voilà le début d’une journée. Vers quoi va-t-elle amener les personnes en scène ? Eux-elles mêmes ne le savent pas forcément. Chacun se laisse guider par l’énergie de groupe, puis prend un virage au dernier moment, change de direction, prend le sens du vent. Chacun.e se croise sans vraiment se voir, jusqu’à un couple qui se crée presque par hasard, profite d’un moment d’harmonie, avant que les deux protagonistes ne reprennent leur course folle. La pièce démarre d’une façon percutante et séduisante, mais s’essouffle un peu au fil des minutes. Même constat pour Romance de Ton Simons, même si la forme est tout autre. Le chorégraphe propose un beau duo à deux interprètes. Avant est projeté un film où ils sont en gros plan, juste avant de monter en scène, dernier échauffement et regard qui se concentre. Après les montre juste en sortant du plateau, revenant au calme. Au milieu, un pas de deux sensible, un beau cadeau à deux formidables interprètes (Erica Horwood et Matthew Pawlicki-Sinclair). Ils portent le ballet du bout de leurs jambes et bras interminables, mais l’esprit a du mal à se sentir concerné tout du long face à une chorégraphie qui manque de contrepoints. Le deuxième programme vu le lendemain proposait dans son ensemble plus de contrastes. Chronique à suivre.

Romance de Ton Simons – Het Nationale Ballet

 

Made in Amsterdam I par le Het Nationale Ballet à l’Opéra d’Amsterdam. Homo Ludens (playing man) de Juanjo Arqués avec Suzanna Kaic, Michaela DePrince, Nadia Yanowsky, Aya Okumura, Floor Eimers, Young Gyu Choi, Vito Mazzeo, James Stout, Jared Wright, Clemens Fröhlich et Nathan Brhane ; In Transit d’Ernst Meisnet avec Igone de Jongh et Daniel Camargo ; Romance de Ton Simons avec Erica Horwood et Matthew Pawlicki-Sinclair ; Frank Bridge Variations de Hans van Manen avec Igone de Jongh, Daniel Camargo, Qian Liu, Remi Wörtmeyer, Floor Eimers, Sem Sjouke, Pascalle Paerel, Matthew Pawlicki-Sinclair, Laura Rosillo et Daniel Montero Real. Samedi 11 février 2017. À voir jusqu’au 2 mars.

 

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