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Brûlent nos cœurs insoumis de Christian et François Ben Aïm – Biennale de danse du Val-de-Marne

Que reste-t-il d’une pièce une fois sorti-e d’un théâtre quand le prosaïsme de la vie a repris ses droits ? Un titre qui claque comme un étendard. Une composition musicale qui distille longtemps ses notes entêtantes. Des images d’un quatuor d’hommes écartelés entre unisson et polyphonie. Explorant une “fraternité à double tranchant“, à la fois libératrice et et oppressante, Brûlent nos cœurs insoumis, la dernière création des chorégraphes Christian et François Ben Aïm, imprime la mémoire par la qualité esthétique de sa proposition.

Brûlent nos cœurs insoumis de François et Christian Ben Aïm – Biennale du Val-de-Marne

Les frères Ben Aïm travaillent ensemble depuis vingt ans et ont à leur actif chorégraphique presque autant de pièces. Pour ce nouvel opus, créé en partenariat avec le CDC-Les Hivernales dans le cadre du festival Les Hivernales (84) en février 2017 et présenté en version live à la dernière Biennale de danse du Val-de-Marne, ils ont collaboré avec le compositeur et musicien Ibrahim Maalouf et l’auteur dramaturge Guillaume Poix. Pour incarner ce quatuor de cœurs insoumis, ils ont aussi décidé d’être tous les deux sur le plateau avec deux autres danseurs, Fabien Almakiewicz et Félix Héaulme. De ce quatuor, on ne perçoit pas d’emblée la matérialité. Baigné dans un clair-obscur mystérieux, les danseurs apparaissent et disparaissent dans un décor dépouillé. Une sorte de pièce exigüe circonscrite par des murs, une porte… Peut-être une fenêtre ? Les quatre hommes déroulent le fil de leur rencontre, s’apprivoisent, cohabitent. Mais à peine prend-on le temps de décrypter chaque détail des tableaux auxquels ils donnent vie, que l’obscurité tombe. Puis la lumière revient.

S’enchaîne ainsi une série d’instantanés chorégraphiques. On les retrouve attablés, couchés, formant une chaîne humaine ou une farandole, alternant les moments de joie ou d’abattement. À chaque passage au noir, l’histoire semble continuer. On en reprend le cours. Le quatuor gagne en consistance. Par moments uni, par moments en rupture ou en opposition.

Brûlent nos cœurs insoumis de François et Christian Ben Aïm – Biennale du Val-de-Marne

Comment exister l’un par rapport à l’autre ? Comment faire un pas de côté, par rapport au groupe ? Comment trouver sa propre liberté dans le collectif ? Ce questionnement s’incarne chaque mouvement dans ses quatre danseurs. La tension monte peu à peu. De cette chaîne humaine qu’ils formaient, les quatre danseurs deviennent soudain des maillons qui se détachent. La fraternité se fissure, la tendresse vire à la violence.

Dans la deuxième partie, le cadre intime s’ouvre, l’obscurité protectrice laisse la place à une lumière plus crue, la rage plus rentrée explose à grands flots de poudre rouge. On se perd parfois dans la dramaturgie, la pièce s’étire un peu en longueur. Mais la musique entre cordes déchirantes et percussions martelées maintient la tension dramatique.

Brûlent nos cœurs insoumis de François et Christian Ben Aïm – Biennale du Val-de-Marne

Du huit-clos resserré, chacun tente de prendre son envol, vite rattrapé par le groupe. La danse se fait abrupte et rude. Les binômes se reforment parfois, puis se repoussent. Et comme un leitmotiv, revient ce mouvement d’une émotion infinie où l’un des deux danseurs-combattants laisse tomber sa tête sur l’épaule puis le buste de l’autre, dans une douceur presque soumise, un abandon fraternel.

 

Brûlent nos cœurs insoumis de Christian et François Ben Aïm à la Maison des arts de Créteil, dans le cadre de la Biennale de danse du Val-de-Marne. Avec  Fabien Almakiewicz, Christian Ben Aïm, François Ben Aïm, Félix Héaulme. Vendredi 24 mars 2017. A voir le 19 avril au Théâtre des Bergeries à Noisy-le-Sec (93) et le 12 mai au Théâtre de Châtillon (92).

 

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