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Gris de Myriam Gourfink au Centre Pompidou

Sur la scène, quelques projecteurs posés au sol découpent de leurs faisceaux un petit carré où bougent quatre danseuses, Carole Garriga, Margot Dorléans, Deborah Lary et Véronique Weil. Toute la moitié droite de l’espace est occupée par les compositeurs en musique électroacoustique Kasper T. Toeplitz et Philippe Foch, leurs grandes tables remplies d’outillage pour émettre des sons (pierres à frotter, frapper, faire crisser), et leurs ordinateurs pour les retravailler. Chacun est éclairé par un simple projecteur. Comme l’indique le titre de la pièce, l’ambiance est donc au Gris, tranché par quelques rais alternant d’une douce lumière jaune à un blanc très froid. Chaleur d’une danse intime à l’extrême lenteur, froid d’une musique mimant, parfois jusqu’à l’assourdissement, des déferlements de vagues.

Myriam Gourfink, Gris (en répétition)

Myriam Gourfink – Gris (en répétition)

La danse de Myriam Gourfink, formée à l’analyse du mouvement de Laban et à des techniques comme le yoga, révèle une très grande intelligence du mouvement. Toujours appuyées les unes contre les autres, le plus souvent à deux, les danseuses évoluent comme sur un tatami, concentrées en elles-mêmes et sur la manière dont le poids impulse naturellement le mouvement. Très lentement, elles utilisent toutes les parties de leurs corps, aussi bien leur dos que leurs bras, leurs jambes, leur tête, pour se mouvoir dans toutes les directions, et passent ainsi, sans le moindre effort apparent, des positions les plus simples à des postures acrobatiques. Il y a quelque chose de l’androgyne du Banquet de Platon (mais d’un androgyne qui serait uniquement féminin) dans ces mouvements qui font disparaître l’individuation des corps.

Myriam Gourfink - Gris (en répétition)

Myriam Gourfink – Gris (en répétition)

Mais, en tant que spectacle et non pas simple démonstration d’une technique de mouvement, Gris déçoit, voire agace par son absence de communication avec le public. Danseuses et musiciens, pourtant présent.e.s sur la même scène, n’interagissent jamais, sans que cette indifférence mutuelle prenne sens. La musique électroacoustique, dans sa répétitivité et son âpreté, est parfois pénible à supporter et empêche de s’absorber dans le mouvement des danseuses. Rien n’apparaît de ce qu’annonce le programme : “Transparentes, elles laissent voir non sans humour et distance leurs peurs, leurs enfers […]. Elles dissolvent toute apparence trompeuse, dans l’optique de n’être qu’elles-mêmes avec tous leurs monstres.

Si la sensualité des rapports entre les danseuses a quelque chose de beau, ce ne sont pas les émotions qui semblent les guider, mais plutôt l’exploration des lois du mouvement. Dans la dernière demi-heure, le spectacle s’étire en longueur, jusqu’à ce que peu à peu les six interprètes quittent la scène (pour ne pas revenir saluer). Les lumières se rallument doucement, mais un son continue de se distendre, jusqu’à ce que les spectateur.rice.s, incertain.e.s, se décident à marquer par leurs applaudissements la fin d’un spectacle décevant.

 

Gris de Myriam Gourfink au Centre Pompidou. Avec Carole Garriga, Margot Dorléans, Deborah Lary et Véronique Weil. Mercredi 10 février 2016.

 

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