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Marie Chouinard à la MAC – Le Sacre du Printemps / Henri Michaux : Mouvements

La compagnie Marie Chouinard présente deux pièces à la Maison des arts de Créteil. D’une part Le Sacre du printemps, créé en 1993, devenu depuis un des grands classiques de la chorégraphe. D’autre part le moins connu Henri Michaux : Mouvements, créé en 2011. Une soirée qui enthousiasme par la grande inventivité des chorégraphies et l’énergie des interprètes, à la hauteur des œuvres si fortes dont Marie Chouinard s’est inspirée – la partition mille fois chorégraphiée d’Igor Stravinsky, et le poème étourdissant d’Henri Michaux.

Le Sacre du Printemps de Marie Chouinard - Carol Prieur et James Viveiros

Le Sacre du Printemps de Marie Chouinard – Carol Prieur et James Viveiros

Rien de sacrificiel dans le Sacre de Marie Chouinard, mais une exploration de ce que signifie pour elle l’énergie vitale commune à l’homme et l’animal, peut-être même à tout ce qu’il y a de vivant : “Il n’y a pas d’histoire dans mon Sacre, pas de déroulement, pas de cause à effet. Seulement de la synchronicité. C’est comme si j’avais abordé la première seconde suivant l’instant de l’apparition de la vie dans la matière. Le spectacle, c’est le déploiement de cette seconde.Sous des faisceaux de lumière qui brisent le noir profond de la scène, les danseur.se.s, presque nu.e.s, s’éveillent à l’ivresse du mouvement.

D’abord seul.e.s ou en duo, ils et elles s’étirent puissamment, sautent, se découvrent mutuellement. Leurs gestes, parfois sexuels, parfois animaux, parfois empruntés au Faune de Nijinsky, sont si amples qu’on oublie qu’ils ne se déploient le plus souvent que sous un faisceau de lumière, sans déplacement sur le plateau. Les maquillages et coiffures donnent aux interprètes des airs de créatures surnaturelles, ou plutôt à la frontière entre les espèces. Il en va de même de ces étranges prothèses – à la fois griffes, cornes, défenses et plumes – que certain.e.s portent aux bras, aux doigts, aux jambes, au visage ou au sexe.

Certes, la chorégraphie ne rend pas compte du rythme tragique de la partition, mais elle permet d’installer un univers fort, où l’énergie commune émane de l’intensité de chaque interprète, singularisé.e par ses propres gestes. Mis à nu, leurs corps de danseur.se.s apparaissent dans toute leur beauté.

Le Sacre du Printemps de Marie Chouinard - Dominique Porte

Le Sacre du Printemps de Marie Chouinard – Dominique Porte

C’est la même énergie qui explose dans Henri Michaux : Mouvements. Marie Chouinard fait danser le magnifique poème écrit en 1951 par Henri Michaux, et quelques unes des 64 pages de calligraphies qui l’accompagnent. Presque entièrement recouverte d’un long justaucorps noir, Carol Prieur entre en scène. Elle s’étonne du dessin projeté en fond de scène, noir sur fond blanc, et cherche à produire le mouvement qui a laissé cette trace. Sur la musique électronique de Louis Defort, les danseur.se.s apparaissent les un.e.s après les autres. De plus en plus rapides, de plus en plus interdépendant.e.s, ils mettent en corps les dessins d’un texte dédié au mouvement.

“Mouvements d’écartèlement et d’exaspération intérieure plus que mouvements de la marche mouvements d’explosion, de refus, d’étirement en tous sens d’attractions malsaines, d’envies impossibles, d’assouvissement de la chair frappée à la nuque mouvements sans tête à quoi bon la tête quand on est débordé ?” (Henri Michaux, Mouvements)

La chorégraphie de Marie Chouinard aurait pu entrer en concurrence avec la force du poème. Bien au contraire, elle donne encore plus de sens à la combinaison des dessins et du texte – dont Carol Prieur récite aussi une longue partie. La danse s’amplifie, le rythme s’accélère, jusqu’à ce que le noir se fasse, et que les dessins resurgissent. Mais blancs sur noir, comme sur la couverture du livre. Aux bruits / au rugissement, si l’on donnait un corps !… : sous une lumière stroboscopique, les interprètes désormais à nu déchaînent le flux du poème, apothéose d’une soirée toute en éclats de vigueur et d’imagination.

Mouvements de Marie Chouinard

Mouvements de Marie Chouinard

 

Le Sacre du Printemps et Henri Michaux : Mouvements de Marie Chouinard à La Maison des Arts de Créteil. Avec Sébastien Cossette-Masse, Paige Culley, Valeria Galluccio, Leon Kupferschmid, Lucy M. May, Mariusz Ostrowski, Sacha Ouellette-Deguire, Carol Prieur, James Viveiros et Megan Walbaum. Vendredi 11 mars 2016. À voir le 22 mars à Niort.

 

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