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Hope Japan au Théâtre des Champs-Elysées

Le Théâtre des Champs-Elysées s’est mis aux couleurs du Japon le mercredi 6 avril. Sous l’impulsion de Sylvie Guillem, de nombreux artistes de tous horizons se sont ainsi retrouvés hier sur cette scène, pour une grande soirée dédiée aux sinistré-e-s du Japon, intitulée Hope Japan.

HOPE JAPAN - SOIREE POUR LE JAPON -

Dans la salle, le mélange était aussi éclectique, avec évidemment un bon nombre Japonais, pas mal d’happy few et une bonne part de fans. Dans ma loge, il y avait ainsi une mère et son fils venu-e-s visiblement pour les Capuçon, une dame qui est partie sitôt que Rolando Willazon a fermé sa bouche, et une inconditionnelle de Martha Argerich (et ce fut violent par moment). L’ambiance était recueillie, et en même temps extrêmement chaleureuse pour les artistes, très applaudi-e-s. Tou-te-s ont d’ailleurs montré un véritable engagement, chacun-e était là par conviction. 

La soirée débute par Kenzo, qui revient sur la tripe tragédie qui a récemment frappé son pays. Un discours sobre et très émouvant. Les deux acteur-rice-s Natasha Parry et Gen Shimaoka ont lu ensuite quelques Haïku, ces poèmes japonais très courts, et sont intervenu-e-s tout au long de la soirée.

La première des artistes à entrer en scène est Sylvie Guillem, l’instigatrice de ce projet. Elle danse Two, solo de Russel Maliphant. Je n’ai pas du tout aimé ce passage très austère, et pourtant, je suis restée béate devant cette danseuse. Tout y est, tout a un sens. Tout son corps semble être touché par la grâce. Sylvie Guillem danse, on se tait et on la regarde. Comme dirait Fab qui était également dans la salle : “Elle a 45 ans, on dirait une jeune danseuse de 20 ans sur scène tant elle maîtrise son corps”. 

Dans une tout autre ambiance, Natalie Dessay et Rolando Willazon ont ensuite interprété un extrait des Contes d’Hoffmann, accompagné-e par Itamar Golan. Ce genre d’exercice, c’est un peu comme dans un gala de danse, quand un couple se lance dans un pas de deux extrait d’un ballet. On prend un bout d’une oeuvre, on la balance sur scène sans préambule, et les artistes sont prié-e-s de se mettre direct dans les personnages. Si Natalie Dessay semblait un tout petit peu en retrait, Rolando Willazon a joué le jeu jusqu’au bout, jouant comme s’il était en costume, et non pas en habit de gala. Love you Rolando. 

Puis Lambert Wilson a lu deux textes : un mail non signé d’une sinistrée de Sendaï, quelques jours après le tremblement de terre, et le poème de Kenji Miyazawa Ne pas céder face à la pluie. Deux extraits très forts, une lecture émouvante. Pas de pitié sur soi-même, pas de larmoyant et de misérabilisme, juste du courage. 

Puis retour à la danse, avec Yasutaka Shimaji, sur le solo I d’ont believe in Outer space de William Forsythe. J’aime Forsythe, j’aime beaucoup ce danseur et ce qu’elle dégage, mais il était difficile d’apprécier ce passage jeté de but en blanc sur scène. J’ai eu du mal à rentrer dedans. 

HOPE JAPAN - SOIREE POUR LE JAPON -

Place ensuite à la musique, avec Momo Kodama et Sayaka Shoji pour deux duos piano-violon. Si l’élégie contemporaine de Takemitsu m’a peu touché, j’ai été très émue par la Berceuse d’Itsuki, la transcription du chant populaire japonais. Les deux musiciennes semblent mettre toute leur âme dans cette musique, comme une longue mélodie de soutient envoyée à leur compatriote. 

Puis Nicolas Le Riche entre en piste, avec Guillaume Gallienne. Comme devinée à la lecture du programme, il s’agit bien du solo d’Incitatus de son ballet Caligula. Malgré la présence du danseur, qui transcende à peu près tout ce qu’il danse, j’ai encore du mal à trouver de l’intérêt à ce passage. Comme à chaque fois, le reste de la salle semble conquise, et les applaudissements sont particulièrement nourris. Je me sens seule sur le bord de la route.

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Momo Kodama revient sur scène, cette fois-ci avec la chanteuse Hiromi Omura. Elles interprètent deux chants populaires japonais. Passée la surprise d’entendre un air d’inspiration classique en langue japonaise, je crois que ça ne mettait jamais arrivé, je me laisse emporter par la poésie de la musique. J’en oublie même de regarder les sous-titres. Très beau moment.

Akram Khan arrive avec son solo Nameless. Juste un mot : whaouuu. Je n’ai vu Akram Khan qu’une fois, au moment des saluts de Vertical Road. Et dans sa veste de complet, il ne faisait pas très danseur. Quelle erreur, car quel danseur. La gestuelle est fluide, énergique, plutôt inspirée du hop hop. Tout bouge et tout coule de source, c’est magnifique. Le solo est court, mais assez prenant. Un homme seul, face à sa solitude et son désespoir, mais qui ne semble jamais perdre totalement espoir.

Place ensuite au piano, et à Martha Argerich et Nelson Freire qui interprètent Le Grand rondo en la majeur (duo à quatre mains) de Schubert. Je ne doute pas d’être en face de deux grand-e-s pianistes, et d’une grande oeuvre, mais j’en garde comme un goût d’inachevé. C’était poétique, mais sans surprise et un peu ennuyeux.

HOPE JAPAN - SOIREE POUR LE JAPON -

Et là, mon moment que j’attendais avec impatience : Sylvie Guillem et Nicolas Le Riche, dans le grand pas de deux d’Appartement de Mats Ek. Et le couple ne m’a pas déçu. Pourtant, balancer cet extrait qui semble venir de nul part, ce n’est pas évident. Mais voilà, rien n’est pareil avec ces deux-là. Chacun de leur geste est porté par quelque chose, chaque pas a du sens. Et ils ne dansent pas chacun de leur côté, mais ensemble, attentif-ve à l’autre, à ses réactions. Appartement est programmé l’année prochaine à l‘Opéra de Paris, les voir en duo dans le ballet entier me semble une évidence (Brigitte, si tu passes par là). 

Encore un peu de musique pour terminer la soirée, avec Khatia Buniatishvili, Renaud et Gautier Capuçon et un extrait du trio n1 de Tchaïkovski. Très joli moment. J’ai du mal pour critiquer un morceau de musique, je pourrais difficilement en dire plus, mais ça m’a beaucoup plu.  

Bartabas clôt la soirée, avec son cheval Soutine et un extrait du Centaure et l’Animal. Lui est assis, sa tête cachée par celle du cheval. Le passage est surtout drôle, car l’animal semble avoir du mal à tenir en place, et le centaure en perd sa tête. Plus décontenancée qu’autre chose. 

Au final, une soirée avec de bien jolies et/ou émouvants moments. Si une partie du public était visiblement là pour les artistes, la soirée n’a jamais perdue de son caractère solennelle. L’intégralité des bénéfices seront reversée à la Croix-Rouge Française. 

HOPE JAPAN - SOIREE POUR LE JAPON - Les saluts en fin de soiree -

© Photos 1, 2, 4 et 5 : Théâtre des Champs-Elysées. Photos 3 : Danses avec la plume.

Commentaires (4)

  • Fab

    C’est vrai qu’elle est incroyable, Sylvie Guillem, qu’on aime ou pas son style. Elle a une telle maîtrise technique, associée à une énergie (une fraîcheur?) physique, qui semble inoxydable…

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  • elendae

    Moi je n’ai pas réussi à séparer l’intérêt de la chorégraphie du solo de Guillem de la performance de la danseuse ! j’ai donc juste été subjuguée par sa présence et cet incroyable travail des poignets, des mains, qu’elle partage avec Akram Khan.
    Et je dois avouer que j’ai presque préféré l’interprétation de Heymann pour Incitatus, surtout au niveau de ses pieds, j’avais vraiment l’impression de voir chez la jeune étoile des sabots au bout de ses jambes. Il me paraissait plus léger aussi. Mais j’étais aussi et surtout énervée de ne presque rien voir ! ](*,)
    En même temps, pour un soirée de bienfaisance, il est difficile de se plaindre, surtout que le programme global était, il faut bien le dire, extraordinaire.

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  • Attends, Two c’est bien le solo où elle commence dans un carré de lumière avec un musique de sonar, le rythme allant s’intensifiant ? Je l’avais vu au TCE dans un programme Guillem-only, et cela m’avait fasciné au-delà de l’enthousiasme ! (faut dire que même sans Guillem, je suis assez fan de Maliphant découvert par le ballet de l’opéra de Lyon).
    Bon, sinon contente de lire le compte-rendu de ce spectacle dont je n’avais même pas entendu l’annonce.

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  • @ Fab : I love Sylvie 😉

    @ Elendae : Je comprends ta frustration… J’imagine que la retransmission TV a été organisée à toute vitesse, et que l’installation des caméras s’est fait au plus pratique, sans tenir vraiment compte du public de la salle. 

    @ Mimy : Oui, c’était bien ce solo, et si tu n’avais pas entendu parler de ce spectacle, c’est que tu ne viens pas assez souvent par ici 😉

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