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LAC par les Ballets de Monte-Carlo

Quel-le chorégraphe n’a pas rêvé un jour de revisiter Le Lac des Cygnes ? Tout est dit de la danse dans ce ballet, notamment le deuxième acte élevé au rang de chef-d’oeuvre total. Mais tout chef-d’oeuvre appelle justement à être bousculé. Le Lac, beaucoup s’y sont essayés, peu y ont vraiment réussi, aucun n’a en tout cas réalisé ce qu’a fait Mats Ek avec Giselle, une adaptation devenue aussi classique et universelle que son modèle.

LAC de Jean-Christophe Maillot

LAC de Jean-Christophe Maillot

Jean-Christophe Maillot s’est à son tour jeté dans cet étrange exercice. Le résultat donne LAC, un ballet exubérant, conçu sur-mesure pour sa troupe, riche en idées et ingéniosités. Pas de révélation, pas de chamboulement du mythe Lac des Cygnes, mais un spectacle diablement séduisant, où les peurs enfantines sont exposées dans un déferlement de danse et de musique.

Alors qu’il était enfant, le Prince a vu sa meilleure amie se faire enlever par Sa Majesté de la Nuit. Une fois adulte, cette terreur enfouie l’empêche de tuer le père (ami-e-s freudiens, vous allez adorer). Lors d’un bal pour lui trouver une fiancée (ça, ça ne change pas, les habitué-e-s apprécieront d’ailleurs les nombreux clins d’oeil), le Prince est fasciné par un étrange cygne noir, la fille de Sa Majesté de la Nuit (qui rend elle-même le père gaga). Alors qu’il la recherche, il retrouve son amie, le Cygne blanc, symbole de pureté. Le monde de l’enfance est perdu, nous sommes chez les adultes et ils ne pourront jamais se retrouver. Mais le Prince a su faire face et vaincre ses peurs profondes.

LAC de Jean-Christophe Maillot

LAC de Jean-Christophe Maillot

Jean-Christophe Maillot s’amuse beaucoup avec ses terreurs enfantines. Sa Majesté de la Nuit est une sorte de cygne noir un peu effrayante et étrange. La procession des cygnes blancs devient macabre à la Tim Burton. Les mains se tordent, les jambes sont acérées. Paradoxalement, le monde de la pureté semble avoir beaucoup inspiré le chorégraphe, qui n’a pas trop su quoi faire de son cygne blanc. La jeune danseuse ne semble pas comment utiliser ses longs bras couverts de plumes, l’énergie du premier acte s’étiole. Peut-être aurait-il fallu la laisser à l’état de souvenir, comme au premier acte, image planante au milieu des danses festives d’un corps de ballet déchaîné.

Mais l’efficacité visuelle de Jean-Christophe Maillot l’emporte dans une superbe bataille finale, extrêmement bien agencée et marquante. Le chorégraphe a aussi la chance de pouvoir s’appuyer sur d’excellents interprètes et il sait les mettre en valeur. Alvaro Prieto joue ainsi un Roi savoureux, démoniaque avec cette pointe de ridicule décalé. Maude Sabourin enveloppe d’un inquiétant mystère son personnage de Sa Majesté de la Nuit. Tout deux forme un couple étrange et sulfureux, en opposition à la tendresse si simple du prince et du Cygne blanc. Une confrontation qui apporte toute la force au premier acte, et joue si habilement du mythe Lac des Cygnes.

LAC de Jean-Christophe Maillot

LAC de Jean-Christophe Maillot

 

LAC de Jean-Christophe Maillot par les Ballets de Monte-Carlo, au Théâtre de Chaillot. Avec Alvaro Prieto (le Roi), Mimoza Koike (la Reine), Maude Sabourin (Sa Majesté de la Nuit), Stephan Bourgond (le Prince), Anja Behrend (le Cygne Blanc), April Ball (le Cygne Noir), Jeroen Verbruggen (le Confident du Prince), Asier Edeso et Bruno Roque (les Archanges des Ténèbres). Mardi 10 juin 2014.

 

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