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Soirée Boulez/Béjart à la Philharmonie

Le Béjart Ballet Lausanne tourne la plupart du temps avec de grosses productions : beaucoup d’artistes en scène dans de grandes salles prestigieuses. Voir la troupe en petit effectif dans un cadre intimiste est ainsi une expérience intéressante. Ce fut le cas pour cette soirée Béjart/Boulez, organisée à la Philharmonie (en fait la petite salle de la Cité de la Musique). Trois pièces, deux trios et duo, une petite scène et une totale écoute avec les excellents musicien-ne-s de l’Ensemble intercontemporain.

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Dialogue de l’ombre double

Maurice Béjart s’est toujours inspiré des compositeurs de son temps, que ce soit du rock de Queen (Le Presbytère à voir en avril) que de la musique dite savante, comme ici Pierre Boulez. Dialogue de l’ombre double n’est ainsi pas seulement qu’une grande écoute de la pièce éponyme pour clarinettes. C’est aussi un jeu de mise en scène avec la musique, avec le clarinettiste ou avec la clarinette enregistrée, aussi bien à voir qu’à entendre (le son provient de partout).

La chorégraphie est béjartienne (néo-classique vigoureuse au travail de bras marqué) et à la fois ciselée sur la partition. Kateryna Shalkina et Oscar Chacon (le soliste montant du Béjart Ballet) se glissent à merveille dans cette pièce aux multiples tiroirs. Le couple semble être deux gamins laissés la nuit dans un magasin de jouets. Ils s’amusent et se cachent, dévoilent un immense lion en peluche, font semblant de se désintéresser du clarinettiste slalomant sur scène, pour ne danser que plus vivement sur sa musique.

La clarinette est double. Il y a l’instrumentiste en scène, il y en a une autre, enregistrée. Les deux dialoguent, comme les deux danseurs et danseuses. S’agit-il d’un jeu ou d’une seule et même personne parlant avec son ombre ? Pas de réponse dans ce ballet, mais un tout qui surprend et séduit, et une interprétation en finesse des deux danseur-se-s, qui ne se contentent pas du premier degré.

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Dialogue de l’ombre double

Les deux autres ballets de Maurice Béjart ont un peu moins bien pris le temps. Sonate à trois, sur une superbe partition de Béla Bartók, est comme une oeuvre de jeunesse du chorégraphe, sa deuxième composition avant ses 40 ans. Inspiré du Huis clos de Jean-Paul Sartre, le ballet met en scène deux femmes et un homme qui se cherchent, s’aiment et se disputent dans un enfermement mental.

Le style Béjart est déjà là, un peu brut de décoffrage, pas encore polissé par l’expérience. Mais la pièce laisse la place aux interprètes, toujours formidables aux Béjart Ballet Lausanne. Elisabet Ros mène le trio avec sa danse incandescente, jouant avec l’homme comme la femme. Très bien secondée par Marsha Rodriguez et Iker Murillo, c’est elle qui semble néanmoins tirer les ficelles, même si l’angoisse du huis clos la terrasse petit à petit. Les deux pianos et les deux percussionnistes sont placés devant la scène un peu surélevée, pour un parfait mélange entre danse et musique. Une mise en scène pas surfaite : la chorégraphie s’inspire en effet beaucoup de la musique.

Webern opus V semble un peu collé aux années 1970. La pièce se cantonne à un exercice de style. Maurice Béjart y a déployé sa façon de danser, ses tics de langage, de façon parfois caricaturale. Même les qualités d’interprète de Kathleen Thielhelm et Jiayong Sun, n’arrivent pas vraiment à amener la chorégraphie à autre chose qu’un duo esthétique.

Le programme était complété par les Neuf Bagatelles de Friedrich Cerha.

Webern-Opus-V

Webern opus V

 

Soirée Boulez/Béjart par le Béjart Ballet Lausanne, à la Philharmonie. Sonate à trois de Maurice Béjart, avec Elisabet Ros, Marsha Rodriguez et Iker Murillo ; Webern opus V de Maurice Béjart, avec Kathleen Thielhelm et Jiayong Sun ; Dialogue de l’ombre double de Maurice Béjart, avec Kateryna Shalkina et Oscar Chacon. Avec les solistes de l’Ensemble intercontemporain. Vendredi 20 mars 2015. 

 

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