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Rencontre avec Guillaume Basso, danseur français qui part pour le Pacific Northwest Ballet

Guillaume Basso est né à Dijon en 1991. Il a commencé la danse à 4 ans à Luxeuill, puis est entré au CRR de Dijon à 12 ans dans la classe de Sylvain Boniface qui l’a poussé vers l’École de Danse de l’Opéra de Paris. Guillaume Basso y a passé deux ans (en troisième et deuxième division). Il est ensuite revenu à Dijon en classe de perfectionnement où il a retrouvé son ancien professeur. Une sélection pour le Prix de Lausanne 2010 lui ouvre les portes du Houston Ballet II. Le danseur passe ensuite trois saisons avec le Joffrey Ballet, qu’il quitte à la rentrée 2015 pour le Pacific Northwest Ballet. Parcours d’un jeune et fougueux danseur français aux États-Unis.

Guillaume Basso

Guillaume Basso

 

Vous venez de passer trois saisons avec le Joffrey Ballet à Chicago. Pourquoi en être parti pour le Pacific Northwest Ballet ?

Je n’ai pas réellement choisi le Pacific Northwest Ballet (PNB), ce sont toujours eux qui choisissent ! Nous sommes un peu comme les joueurs de football, nous envoyons nos dossiers et ce sont les directeur-rice-s qui font leur choix. Pour le PNB, j’ai envoyé ma candidature et elle a été acceptée. J’étais bien sûr intéressé par ce qu’ils ont à offrir, c’est une grande compagnie avec un large répertoire.

 

Pourquoi avoir voulu quitter le Joffrey Ballet ?

Pour plusieurs raisons. D’abord parce que j’ai une aspiration au voyage, j’aime changer d’endroits tous les deux ou trois ans, découvrir de nouvelles compagnies, de nouveaux chorégraphes, partenaires, maîtres de ballet, de nouvelles façons d’enseigner. Ensuite, il n’y a pas de hiérarchie au Joffrey Ballet. C’est donc bien au début, pour pouvoir danser des rôles auxquels un jeune danseur ne peut pas forcément prétendre. Mais, après trois ans, c’est décevant, car on ne peut jamais être reconnu. Cela dévalue le danseur, cela le dilue en quelque sorte, il ne peut pas exiger mieux de lui-même. Je voulais donc une compagnie hiérarchisée, ce qu’est le PNB. Cette troupe compte 60 danseurs et danseuses environ, plus 20 étudiant-e-s. Ils peuvent donc proposer de plus grosses productions, une rotation des distributions, plus de programmes.

 

Quel était votre quotidien au Joffrey Ballet ?

A 7h00 c’est le réveil. J’avais 20 minutes de marche jusqu’au ballet. Au Joffrey Ballet, j’arrivais tôt car je pouvais travailler pour mes études pendant une heure (ndlr : Guillaume a commencé des études de philosophie à Nanterre, par correspondance, mais il a dû arrêter car il était dans l’impossibilité de revenir en janvier pour les examens, notamment en raison de Casse-Noisette. Il est donc inscrit en licence d’anglais à Bordeaux où il a passé tous ses examens sur la session de juin 2015, qui est la session de rattrapage. Il n’a donc pas droit au rattrapage, mais comme il le dit lui-même : “C’est mieux que de ne pas pouvoir étudier du tout“). De 10h à 11h30, je prends la classe, de 11h30 à 14h je répète. Une pause déjeuner à 14h30 et de 15h30 à 18h30, nouvelle séance de répétition, sauf les soirs de spectacles où les répétitions s’arrêtent avant. Notamment pour la période de Casse-Noisette.

 

Casse-Noisette est mythique aux États-Unis ?

Oui, un mythe ! On peut même parler d’un syndrome Casse-noisette, il faudrait faire des études psychologiques sur ça ! Je pense que les scientifiques trouveraient des choses intéressantes sur le comportement humain pendant la période de Casse-Noisette… Ce ballet est un mythe populaire, une tradition, un peu comme le football américain. C’est vraiment familial : on y va en famille, avec les grands-parents, l’oncle, la tante, les cousins etc. Le public est beaucoup plus large et différent. On remplit les théâtres très facilement, donc les compagnies font recette. C’est pourquoi, au lieu de faire dix spectacles comme pour les autres productions, on en fait beaucoup plus. Au Joffrey Ballet, la saison dernière, nous avons dansé Casse-Noisette 38 fois en un mois et demi. C’est très lassant. Littéralement, le danseur ou la danseuse perd toute humanité, on se transformes en robot. Si je compte bien, j’ai fait 114 Casse-Noisette avec le Joffrey Ballet et plus de 80 à Houston ! Je suis content, avec le PNB je vais enfin pouvoir en apprendre un nouveau (rires) ! Car chaque compagnie a le sien. Le Joffrey Ballet danse ainsi celui de Robert Joffrey. Mais Christopher Wheeldon va bientôt y chorégraphier le sien.

 

Vous avez travaillé avec ce chorégraphe cette saison ?

Oui, j’ai adoré Christopher Wheeldon. Il a monté un Lac des cygnes avec le Joffrey Ballet. Il a vraiment du talent. Je dirais même qu’il a du génie. Son esthétique me plaît beaucoup, sa sensibilité musicale, la composition de ses ballets. Il est calme et exigeant à la fois, il y a une sérénité avec lui dans le travail, il met les gens en confiance et est très respectueux du travail du-de la danseur-se, de la difficulté du travail. J’ai découvert sa pièce Continuum au Joffrey. Je n’ai pas pu la danser, j’étais en couverture, mais j’étais au théâtre tous les jours pour le voir et j’ai trouvé qu’il y avait vraiment du génie dans sa pièce.

Guillaume Basso dans Roméo et Juliette au Joffrey Ballet

Guillaume Basso dans Roméo et Juliette au Joffrey Ballet

Avec qui d’autre avez vous aimé travaillé au Joffrey Ballet ?

J’ai aimé travailler avec Yuri Possokhov sur RAkU, une pièce sur la tradition chinoise, c’était vraiment génial de travailler avec lui. J’ai aussi beaucoup apprécié Donald Malher, venu pour répéter Le Jardin aux lilas, ou Stefenson pour Tulle d’Alexander Ekman.

J’ai eu aussi de mauvaises expériences, avec des répétiteurs odieux et vulgaires, pas dans les mots mais dans le comportement. Quand tu es danseur-se, tu as le devoir de te plier aux décisions, c’est normal. Il faut faire ce que l’on nous demande, mais c’est difficile d’être inspiré par des gens comme ça. Ce n’est pas toujours facile à entendre, beaucoup de personnes ne veulent pas l’avouer, il ne faut surtout rien dire… Le problème du ballet est que tout repose sur les épaules de l’interprète. S’il rate, ce sera forcément de sa faute. Aucun élément extérieur ne viendra justifier son erreur. Nous avons une telle responsabilité que cela ouvre la porte à des dérives, telles que les abus de certains répétiteurs qui nous disent que tout est notre faute si quelque chose est raté. Et il ne peut en être autrement.

 

Qu’y a-t-il de spécifique aux compagnies américaines par comparaison aux compagnies européennes ?

La différence essentielle tient au financement des compagnies. En Europe, les compagnies sont pour une large part subventionnées par l’Etats. Aux États-Unis, elles vivent de leurs recettes et des donateur-rice-s. Si un-e mécène se retire, une troupe peut ainsi disparaître du jour au lendemain, quel que soit son niveau.

Cela a plusieurs effets. D’abord, il n’y a jamais de CDI aux États-Unis car l’avenir de la compagnie est lui-même aléatoire. On ne peut pas assurer un contrat à vie, puisque la troupe peut disparaitre dans 10 ans. Ensuite, il faut être rentable. Bien sûr, nous faisons toujours de l’art, le but est toujours de faire de bons spectacles, c’est ce qui unit tous les danseur-se-s du monde et c’est assez beau d’ailleurs. Mais aux États-Unis, il faut rapporter de l’argent. C’est pour cela que l’on n’y danse que des chorégraphes affirmé-e-s sur la scène internationale. En Europe, on peut s’autoriser à programmer une pièce qui risque d’être un échec puisque le financement n’en dépendra pas. On peut s’autoriser à produire un spectacle dont l’audience sera faible. Aux États-Unis, on attend que ces pièces soient reconnues en Europe, soient affirmées sur la scène européenne, pour être dansées en Amérique. Nous ne les dansons qu’une fois assuré de leur succès. De plus, aux États-Unis, le public est très local. Et les goûts sont très différents en fonction des États, on ne danse pas la même chose ni de la même manière selon les régions du pays.

 

Quelles sont les différences de style entre la danse américaine et européenne ?

Pour la pure esthétique du ballet, les Européen-ne-s ont plus de finesse et de raffinement dans la technique. Les Américain-e-s sont plus explosif-ve-s, cherchent plus la rapidité ou les acrobaties, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas élégants.

 

La danse américaine est connue pour sa grande musicalité. Quel rapport entretenez-vous avec la musique ? (ndlr : le frère de Guillaume s’apprête à devenir musicien, tubiste).

Au CRR et à l’École de Danse de l’Opéra de Paris, j’ai dû étudier la théorie musicale. Ce n’était pas seulement de la pulsation ou de l’étude rythmique, mais vraiment de la théorie de la musique, et c’était difficile ! Mais maintenant, je peux lire une partition d’orchestre, comprendre la structure d’une pièce musicale. C’était très intellectuel, et curieusement je n’ai jamais joué d’un instrument. Je ressens vraiment les bénéfices de cette étude car je peux dialoguer avec les musicien-ne-s. Dans le travail, je peux aller voir le-la pianiste pour régler des passages avec lui-elle, mais surtout je peux comprendre les musicien-ne-s qui sont dans la fosse d’orchestre, avec qui on ne parle jamais, alors que chaque soir nous nous retrouvons sur scène. Nous n’avons pas une grande compréhension de l’univers l’un de l’autre. L’étude de la musique m’a permis d’essayer de comprendre leur monde.

Dans la musique j’aime beaucoup les romantiques et j’adore l’époque moderne : Stravinsky, Debussy, Ravel, cette certaine esthétique de Diaghilev et des Ballets russes. J’aime aussi le jazz, mais le jazz populaire. J’écoute en revanche très peu de musique contemporaine, je me suis arrêté à Jacques Brel !

 

Qu’aimez-vous dans le travail quotidien de la danse ?

Rien ! (rires) Je n’aime pas travailler ! (rires). Bon, j’aime les pirouettes et les grands sauts. C’est mon “guilty pleasur”. Mais je voudrais pouvoir aller en scène directement, sans passer par les répétitions. Bien sûr, je sais que le travail quotidien est nécessaire pour la scène, donc je l’accepte. Je n’aime pas le travail d’adage par exemple, mais je sais que c’est une fondation nécessaire à la technique et pour cela j’ai appris à l’apprécier. C’est un peu comme le solfège pour la musique.

Guillaume Basso lors du Prix de Lausanne en 2010

Guillaume Basso lors du Prix de Lausanne en 2010

Quelle est votre rapport à la scène ?

La scène, c’est la seule chose que j’aime à propos du ballet. Il n’y a absolument rien qui compte pour moi que la scène. Travailler en studio pour soi-même me semble sans intérêt. Il y a des danseur-se-s qui aiment le travail de studio, de barre. Mais pour moi, ne faire que cela s’apparenterait à de la névrose. On peut dire que le processus de construction est intéressant, bien sûr, comme pour un-e peintre dans son atelier. Mais ce qui compte c’est le résultat en scène. Tout tend vers la scène. Si je pouvais ne faire que de la scène, un ballet éternel sur scène qui ne s’arrêterait jamais, ce serait le paradis terrestre !

Sur scène, on a un sentiment d’immortalité éphémère. On est invincible en scène. Avant, il y  a le trac… Ce passage entre l’ombre de la coulisse et la lumière de la scène n’est pas que symbolique, c’est une réalité. La pression avant d’aller en scène rappelle que l’on est mortel, que nous avons nos faiblesses, que nous sommes limité-e-s. Et d’un seul coup, nous sommes transcendé-e-s, nous communiquons avec le public, nous devenons immortel-le-s. Tout devient secondaire, comme les corrections que nous avons reçues avant. Le monde réel n’est plus qu’un écho lointain.

 

C’est là votre conception de la danse ? Quel but lui donneriez-vous ?

Le but de la danse est clair : c’est la beauté. Je crois en une beauté objective du mouvement. Certes, on peut avoir des goûts, des préférences subjectives, mais on peut reconnaitre l’objectivité de la beauté dans quelque chose pour quoi nous n’avons pas de goût personnel. Comme dans la peinture : on peut n’avoir pas de goût pour un peintre, mais reconnaitre la beauté de son travail. Et la beauté, c’est cette combinaison, cet équilibre entre la chorégraphie et l’exécution. Il y a ensuite beaucoup de manières différentes de produire cette beauté. Mais finalement, nous nous retrouvons tous et toutes sur quelque chose de commun. C’est assez simple, d’ailleurs.

 

Comment arriver à montrer sa vision des choses dans un art si codifié qu’est la danse classique ?

Au Houston Ballet II, j’ai rencontré une femme qui m’a transmis ça, Jane Winner. J’avais 17 ans et j’étais mauvais pour le contemporain, je n’avais rien compris de la danse contemporaine. Elle avait composé une pièce pour nous, Bloom, une pièce pleine de naïveté enfantine sur l’amour naissant. Je me demandais comme j’allais faire, j’étais sûr de ne pas y arriver et de ne pas être pris. Non seulement elle m’a choisi mais elle m’a même proposé un solo. Elle m’a dit : “Tu ne dois pas faire exactement ce que je fais, je veux que, à travers ce que je fais, tu fasses ta version de ce que je fais“.  Et je me suis dit : “Voilà, c’est ça que je veux faire“.

Même dans un corps de ballet, où tous et toutes doivent faire la même chose, je crois que l’on peut trouver une façon de laisser chacun-e libre d’avoir, au sein de ce carcan très précis, une forme d’expression. C’est génial de pouvoir être à la fois libre et au service de l’art. J’admire les gens qui sont capables de produire ça sur les danseur-se-s. Curieusement, ce sont ceux et celles qui arrivent avec une idée très précise, qui donnent un carcan aux interprètes, qui permettent après d’être libre. Ceux et celles qui arrivent avec une idée vague exigent finalement de l’artiste une exécution très mécanique. Seul l’ordre permet la liberté.

Ce qui m’ennuie un peu, c’est que certains se ferment dans leurs retranchements théoriques et conduisent à perdre ce qu’il y a de commun dans le ballet. C’est social, au départ, la danse. Je déteste ceux et celles qui théorisent, qui intellectualisent le mouvement. Par exemple un port de bras, un appel de pirouette qui, selon eux-elles, doit être absolument faits comme ils l’entendent. L’intellectualisation rend la chose mécanique et triste, il faut retrouver la danse instinctivement en soi. La réflexion intellectuelle vient après. Dans la danse, on se transcende d’abord. Il y a des chorégraphes qui intellectualisent même un port de bras et qui ne laissent aucune place à l’interprétation, à la liberté. L’interprète devient alors un simple exécutant. C’est très ennuyeux. C’est exactement pareil pour les concours de violon, où l’on craint de s’ennuyer à force d’entendre 20 fois la même pièce, et l’on découvre finalement des nuances telles que ce n’est jamais le même morceau, telles que l’instrument sonne différemment.

 

Avez-vous des modèles qui vous ont aidé à perfectionner votre travail ?

Je ne connais pas un-e danseur-se sans source de motivation, sans modèle. C’est toujours ce travail de collaboration. Non pas pour copier, mais pour être inspiré-e. Il est bon d’admirer. Cela peut être un-e étudiant-e qui a une belle qualité de mouvement, sans être forcément parfait d’ailleurs. Quelque chose de subtil ou de plus évident, un port de bras, un élément technique, des choses simples… Je m’inspire de beaucoup de danseurs. Pour les grands interprètes, je suis très inspiré par Leonid Sarafanov ou David Hallberg. Ils correspondent à une forme d’esthétique. Personne ne danse pareil, mais eux ont une grande noblesse, une grande élégance, j’aime leur manière d’appréhender la technique. Comme ils ont ma taille, je vois ce que je pourrais faire à partir de leur corps.

 

C’est plutôt chez les Russes, donc, que vous cherchez inspiration ?

J’aime la technique russe pour les garçons, oui, moins pour les filles curieusement. Mais en fait j’aime toutes les techniques ! J’apprécie beaucoup Bournonville aussi ou les Français-ses pour leur bas de jambe et la rapidité des Américain-e-s.

Avec les Américain-e-s,  par exemple, j’ai gagné en vivacité. Et j’ai appris des trucs, comme la cassiole dans les sauts (ndlr : un saut lors duquel on lance sa jambe quand l’autre passe par-dessus), des sauts brillants, époustouflants, ce côté performance physique. Ça va avec mon caractère. J’aime bien cet aspect de la technique. Le problème, comme me disait une amie, c’est que “je n’aime faire que ce que j’ai envie de faire et jamais ce qu’on me dit de faire !“. J’ai un problème avec l’autorité… (rires) Mais en même temps, même si je reconnais que parfois je me rebelle alors que je n’aurais pas dû, cela donne une certaine force, une certaine confiance en soi.

 

Vous avez passé deux ans à l’École de Danse de l’Opéra de Paris durant votre formation. Vous n’avez pas souffert du rapport à l’autorité, justement ?

Non. Mais j’ai souffert d’autre chose. Je suis entré à l’Opéra à 15 ans, en troisième division, et j’y suis resté jusqu’en deuxième division. Mes professeurs étaient Monsieur Boucher et Monsieur Camillo. Comment dire ? Je regrette d’être passé par l’École de Danse de l’Opéra de Paris. Enfin, si je ne l’avais pas fait, j’aurais regretté de pas l’avoir fait… C’était essentiel de le vivre pour pouvoir en grandir. Il fallait accoucher de ça pour m’en débarrasser. J’étais trop jeune et encore trop dans le fantasme du ballet pour me rendre compte que c’était abusif.

 

Qu’est-ce qui vous semblait abusif ?

La façon dont tout doit être fait exactement de la même manière par tout le monde. Nous sommes des clones. Même si certains s’en défendent, pour avoir été ailleurs, je peux affirmer que c’est comme ça. Je pouvais aussi trouver malsain la façon dont certains élèves voyaient leur professeur comme des êtres divins. Mais je n’ai pas souffert de la discipline, ni de l’autorité.

Ce système génère une incroyable tension, même si les élèves de ma division étaient sympathiques. De ma division, aucun garçon n’a été pris dans le ballet, c’était une génération sacrifiée. Ils sont partis au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, de Finlande, au Scottish Ballet, au HET, ils font tous une belle carrière. On est tous devenus danseurs, tout de même ! En revanche, beaucoup de filles ont intégré le corps de ballet (ndlr : Concours de l’année 2009, avec Letizia Galloni ou Sophie Mayoux).

Ce que je n’aimais pas non plus à l’Opéra, c’est que cela fonctionne tout seul, indépendamment des individus. On peut y entrer et envisager de rester Quadrille toute sa vie, cela peut suffire. On ne peut pas englober les 150 danseurs et danseuses de l’Opéra dans ce que je dis, mais cela me faisait peur quand j’étais à l’École.

 

En 2014, vous avez participé au concours de Varna. Vous l’avez préparé avec votre professeur du CRR de Dijon Sylvain Boniface…

Oui, c’est Monsieur Boniface qui m’y a préparé. J’ai travaillé tous les concours avec lui. C’est mon maître et mentor. Quand je l’appelle “maître”, ce n’est pas une blague ! J’ai un profond respect pour lui. Je ne serais pas danseur sans lui. Il y a cet adage : “Quand l’élève est prêt, le maître va apparaître“. J’étais prêt. Il a un enthousiasme, une dévotion à l’art ! Il n’est pas dans l’analyse critique, ce qui pourrait être un défaut, mais pas pour moi, car il m’a laissé danser et c’est ce qu’il me fallait. Il ne m’a jamais abandonné, même quand je suis sorti cassé de l’Opéra. La première chose qu’il m’a dite quand je suis revenu, c’est : “Félicitation, tu l’as fait, on va pouvoir se remettre au boulot !“. Je l’appelle tout le temps quand j’ai un doute. Pourtant j’ai eu des maîtres et professeures à Houston, comme Graca Sales et Valérie Robin, des femmes extraordinaires, mais ma référence reste Monsieur Boniface.

À Varna, tous-tes les danseur-se-s sont avec leur “coach”. Monsieur Boniface, pour reprendre un mot de Juan Giulliano, m’a dit : “Je ne coache pas, j’enseigne“. Les coachs sont très bien pour les sportif-ve-s, mais nous sommes des artistes ! Sylvain Boniface apprend à danser, soit, mais aussi à vivre en dehors, par exemple à se préparer mentalement, à se détendre etc. À Varna, il prenait surtout soin de me relaxer, il me disait : “Ce n’est pas la fin du monde…“.  Il a fait d’une compétition quelque chose d’artistique, notamment en ne restant pas en coulisse avec tous les autres coachs et en allant dans le public. C’était une manière de dire : “Je te regarde comme un artiste, pas comme un compétiteur“. Tous-tes les autres danseur-se-s étaient accompagné-e-s de leur coach en coulisse, tous ces coachs se regardaient, se défiaient. Mais lui me disait : “Bon, tu es prêt, va faire ta barre, bon courage, je m’en vais“. Il a préféré me voir du public, comme pour un spectacle. Il a voulu me voir comme artiste et pas comme compétiteur. C’est de la danse, de l’art. Ces concours visent la performance physique, et j’ai un grand respect pour cette performance, mais ce qui compte c’est l’art.

Guillaume Basso aux Concours de Varna

Guillaume Basso aux Concours de Varna

Comment s’est passé ce Concours de Varna ?

Je suis bien sûr sorti très frustré, puisque je ne suis pas allé plus loin que le premier tour.  Mais j’ai un grand respect pour les danseur-se-s de cette compétition, ce sont des artistes. Le problème, ce sont les juges et les professeur-e-s. C’est la nomenklatura du concours, qui est toujours reconduite, année après année.

Pour en revenir au concours lui-même, j’étais surpris de ne pas passer, j’ai trouvé que j’avais mieux dansé que certains Bulgares qui sont passés sans souci au second tour. Pour y aller, j’ai dû casser deux semaines de mon contrat avec le Joffrey Ballet. Le tirage a fait que je suis passé à minuit et demi. Il n’y avait presque plus personne dans le public. J’ai passé ma deuxième variation, celle du Lac des cygnes, à 1 heure du matin, et je m’étais échauffé à 9 heures. J’étais très fatigué mais j’ai eu la chance de produire quelque chose de décent en scène, d’être respectueux du public. Face à ma déception, Monsieur Boniface m’a dit : “Si nous allions nous baigner dans la mer ?“. Donc nous avons fini la soirée dans la mer Noire. Voilà pourquoi j’ai un tel respect pour lui.

Sur le coup, j’étais vraiment déçu de ce concours, je me suis demandé pourquoi je l’avais passé, mais finalement je suis très content de l’avoir fait. Et je recommanderais à des jeunes de le faire, car j’ai beaucoup progressé, les résultats sur le long terme sont formidables. Peut-être que je n’aurais pas été engagé au PNB sans cela.

 

Quelles sont vos ambitions avec le Pacific Northwest Ballet ?

Danser un plus large répertoire et puis devenir soliste, voire Principal. Mon objectif, c’est vraiment d’être Principal.

 

Quels rôles aimeriez-vous interpréter si vous deviez accéder à ce rang ?

Solor dans La Bayadère, c’est vraiment mon ballet préféré. J’aimerais beaucoup danser les pièces des Ballets russes aussi, comme L’Après-midi d’un faune ou Le Spectre de la rose. Le premier est souvent dansé aux États-Unis, je vais par contre devoir attendre encore longtemps pour le deuxième ! (rires). J’ai une fascination pour les Ballets russes et Nijinski – dont j’ai lu des biographies quand j’étais plus jeune – l’arrivée de Lifar en France, l’exportation de Balanchine aux Etats-Unis.

 

Qu’aimez-vous dans l’esprit des Ballets russes ?

Cette esthétique wagnérienne d’un art total, qui allie les peintres, les chorégraphes, les compositeur-rice-s, les danseur-se-s, l’idée d’une grande collaboration avec le-la chef-fe d’orchestre, les technicien-ne-s, etc. Pour moi, les Ballets russes, c’est un peu l’idée d’un cirque qui débarque en ville, avec cette extravagance. Mais au lieu d’être dans le cirque, ils étaient dans l’art. Dans le cirque, on est plus dans l’émerveillement que dans l’esthétique, il y a plus l’idée de mesurer les limites du corps humain, ce qui existe dans la danse bien sûr, mais la danse sert plus la dimension artistique. Cirque et danse sont un peu comme une musique à deux tonalités.

J’aime participer à des productions où il y a cette collaboration. Quand c’est le cas, j’aime me présenter au-à la chef-fe d’orchestre, aux technicien-ne-s. J’aime cette vision globale du ballet, et pas seulement rester dans ma vision solitaire de la chorégraphie, dans mon interprétation.

La saison 2015-2016 du Pacific Northwest Ballet démarre le 25 septembre, avec en autres Le Fils prodigue de George Balanchine, créé pour les Ballets russes.

 

Commentaires (2)

  • NIn

    Merci beaucoup pour cette entrevue. J’ai découvert un artiste très intéressant.

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  • Bonjour, je prends connaissance de votre beau site, Bravo! Ce serait encore mieux si il y avait des extraits videos a partager, dans nos societes actuelles il faut diffuser au maximum la creativite artistique, cela devient totalement indispensable, merci!
    Laurent Teycheney

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