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Céline Lefèvre raconte sa Leçon de hip hop – Interview

Céline Lefèvre avait présenté son spectacle Ma Leçon de hip hop lors de l’édition 2013 de Suresnes cités danse. Le concept ? Un stand-up dansé racontant avec beaucoup d’humour et d’originalité l’histoire du hip hop. Cette pièce coup de coeur est de nouveau programmée lors de ce même festival, en janvier 2014. Rencontre avec Céline Lefèvre qui nous raconte sa Leçon de hip hop et sa vision de cette danse urbaine s’institutionnalisant de plus en plus.

Céline Lefèvre

Céline Lefèvre

 

Comment est née Ma Leçon de hip hop ?

Elle s’est faite sous l’égide d’Olivier Meyer, le directeur artistique de Suresnes cités danse. Pour les vingt ans du festival, en 2011, il a demandé au chorégraphe Sylvain Groud d’orchestrer un spectacle de neuf danseurs et danseuses en solo, pour raconter l’histoire du hip hop. J’étais chargée de raconter le “hip hop quand il avait six ans, dans une cour de récréation”.  Bon, c’était un peu abstrait pour moi (rires). Le hip hop quand il a six ans… Mais six ans où : aux État-Unis ? En France ? En Allemagne ? En France, le hip hop est arrivé en 1984. Donc à six ans, en 1990, le style était la hype. Quand j’ai expliqué ça à Sylvain Groud, il m’a regardé avec de grands yeux, il ne connaissait pas du tout l’histoire de cette danse.

Je lui ai donc expliqué d’où ça venait avec mes anecdotes, en dansant une impro d’1/4 d’heure. Ça lui a plu et il en a fait un solo, moi sur scène équipée d’un micro-casque, avec mes mots, ma danse, mon histoire et ma vision du hip hop. Cela ne devait durer que cinq minutes, mais entraînée par le public, je suis restée 13 minutes sur scène. Olivier Meyer a été séduit du résultat et m’a demandé d’en faire un vrai solo pour l’année suivante, de 30 minutes.

 

Il y a beaucoup d’humour dans Ma Leçon de hip hop. Le travail du rire dans les textes a-t-il été difficile ?  

Non, c’est ma façon de raconter les choses. J’avais aussi envie de m’amuser en racontant, c’est venu comme ça. Je n’ai pas travaillé l’humour plus que ça. Maintenant, je peaufine encore l’écriture pour que le tout soit plus net.

 

Vous jouez beaucoup sur les appellations des différents styles du hip hop, inspirés de ce que fait le corps. Vous nous donnez quelques exemples ?

C’est vrai que les appellations données, qui sont anglo-saxonnes, sont très fortes. Si la sonorité du style fait penser à la gestuelle, ça passe. Par exemple le boogaloo, rien que le nom fait penser à quelque chose d’assez rond. Et en effet, le geste fait des vagues. Le locking vient de “To lock” qui veut dire verrouiller. Et dans la gestuelle en effet, on n’arrête pas de stopper le mouvement. C’est encore différent du popping où l’on effectue des contractions musculaires rapides, où l’on s’arrête d’une autre manière. On peut beaucoup s’amuser avec ça.

 

Dans Ma Leçon de hip hop, vous évoquez aussi un cours de danse classique. “Mesdemoiselles, placez-vous à la barre“, ça sent le vécu !

Mais oui, j’ai pratiqué la danse classique de mes cinq ans à mes 17 ans. J’ai commencé par ça et j’aime toujours beaucoup.

 

Vous arrivez même à citer Rudolf Noureev, en expliquant comment les danseur-se-s classiques marquent les pas avec leurs mains.

En plein spectacle, Rudolf Noureev fait une belle préparation pour une pirouette… mais il ne fait pas le tour, il marque avec sa main en pointant son doigt. Donc même en étant Noureev, on peut faire des erreurs ! (rires). C’est une copine qui a fait l’École de Danse de l’Opéra qui m’a raconté ça. J’étais morte de rire, je le voyais faire, je n’ai pas pu m’empêcher de le placer dans Ma Leçon de hip hop.

 

Ce passage sur la danse classique permet d’évoquer la place de la femme dans le hip hop, qui a mis du temps à s’imposer. Aujourd’hui, y a-t-il encore des discriminations ? 

Il y en a encore mais c’est le reflet de notre société, c’est un peu partout pareil. Très franchement, par rapport à il y a 15 ans, ça a énormément changé. Les femmes ont désormais leur place dans le hip hop. Elles sont considérées comme des danseuses et non plus juste comme des mannequins en maillot de bain à côté des rappeurs. Mais c’est sûr que ça n’a pas été facile, il a fallu se faire une place, s’imposer, y retourner, se prendre des vents, y retourner quand même. Je fais partie de la deuxième génération des danseuses hip hop. Avant moi, il y en a eu quelques-unes, elles n’étaient pas très nombreuses justement, qui ont essuyé les plâtres. Je suis arrivée après et ça a été plus facile. Pour les danseuses qui arrivent maintenant, franchement, c’est normal.

 

Votre Leçon de hip hop est non seulement drôle mais aussi instructive sur l’histoire de cette danse. Comment avez-vous acquis ces connaissances ? 

C’est à force de discuter avec les précurseurs du genre. De grands danseurs du hip hop américains sont venus à Paris il y a 17 ans. Ils ont organisé un stage, nous ont appris les bases et expliqué d’où ça venait. Aussi, entre nous, on va chercher l’info. Mais il n’y a pas de cours d’histoire du hip hop. C’est un art nouveau, encore en train de se construire.

 

Le hip hop est une danse qui est née dans la rue, où les gens apprenaient entre eux, de façon assez instinctive. Aujourd’hui, elle est en train de s’institutionnaliser en se jouant dans les théâtres, notamment à Suresnes cités danse. Pour vous, est-ce une bonne ou une mauvaise chose ?

Aujourd’hui, on n’a plus le droit de danser dans la rue, à Châtelet ou à la Défense, c’est un sacré obstacle ! Maintenant, on apprend le hip hop dans les écoles de danse, on parle même d’un diplôme d’État pour pouvoir l’enseigner. Il y a des gens pour et des gens contre. Pour ma part, je n’arrive pas à me prononcer. Nous avons quand même besoin de codes. Quand nous sommes arrivés dans les théâtres, il y avait une énergie fulgurante sur le plateau. Ça débordait, on en prenait plein la vue. Et c’est une chose que l’on retrouve encore dans les battles.

Sur scène, aujourd’hui, on a un peu perdu de cette énergie. Déjà, le fait que ça se passe sur un plateau, ça change la donne. Mais on a gagné d’autres choses, on mélange les genres. On a fait des mix avec des chorégraphes contemporains ou classiques. Ça a créé un nouveau style que j’aime bien appeler le néo-hip hop. Il y a une forme brute, de là sont parti des électrons libres qui sont allés voir ailleurs et qui ont fait que cette danse a évolué. Mais elle ne peut évoluer que si la forme brute perdure au sein du noyau de départ.

 

Le hip hop a notamment croisé la route des chorégraphes contemporains. Comment s’est faite cette rencontre ? 

Au début, c’était le choc des cultures ! Nous les artistes de hip hop, nous étions fous furieux sur scène, un peu comme des lions qu’il fallait mettre en cage. De leur côté, les chorégraphes contemporains nous voyaient comme des performers faisant du break. Quand ils ont vu de la danse debout, ils ont été assez étonnés, ils ne connaissaient pas du tout. Au début, nous n’étions pas vraiment intégrés, c’était un peu le danseur hip hop dans un spectacle de danse contemporaine, “Bon toi du fait un 4X8 de ça“. C’est aussi le hip hop qui, à ce moment-là, a pu donner un nouveau souffle à la danse contemporaine. Beaucoup de danseurs hip hop l’ont très mal vécu, ils se sont sentis un peu volés. Ceci-dit, à Suresnes cités danse, ça n’a pas été le cas car on a vraiment mixé les genres, en nous faisant confiance sans passer par le chorégraphe contemporain et sa compagnie.

La danse contemporaine nous a aussi donné les clés pour pouvoir improviser. Ça a permis le nouveau style hip hop sur scène et ça a ouvert plein de portes. Pour ma part, j’ai trouvé ça magique, cette rencontre m’a vraiment servie et a été très enrichissante. Bon après, il fallait que je retourne en boîte pour retrouver le groove (rires), là où il naît.

 

Ma Leçon de hip hop va-t-elle évoluer ? 

J’ai envie de faire une version d’une heure, je travaille sur le texte. J’aimerais justement évoquer la confrontation entre la danse hip hop et la danse contemporaine. Les premières auditions étaient de grands moments, c’était assez drôle ! Je voudrais aussi parler de la rencontre du hip hop avec le monde de la télé. J’ai dansé pendant sept ans chez Michel Drucker, et il y a de la matière, croyez-moi ! (rires).

 

Quels sont vos autres projets ?

Je danse dans Barbe-Neige et les Sept Petits Cochons au bois dormant de Laura Scozzi (ndlr : aussi présenté à Suresnes cités danse). Pour la chorégraphie, j’ai très envie de monter un Carmen. Ça sera mon projet en 2014.

 

Ma Leçon de hip hop de Céline Lefèvre et Sylvain Groud est à voir au festival Suresnes cités danse, lors du programme Cités danse connexions #1, du 18 au 20 janvier. Puis en tournée en France.

Commentaires (2)

  • a.

    Si j’avoue que je suis spontanément très peu portée vers cette danse, je trouve cette interview assez passionnante et j’aimerais bien voir ce spectacle – cette jeune femme a l’air bien subtil… 😉

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  • Malette Jn Eder

    Si j’avoue que je suis longtemps très peu portée vers cette danse, je trouve cette interview assez passionnante et j’aimerais bien avoir un interview sur la danse hip hop a chaque fois dans ma vie pour me distraire et a développer ma passion.

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