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Patrice Bart : “Je pars avec la sensation du travail bien fait”

Patrice Bart, maître de ballet associé à la direction de la danse de l’Opéra de Paris, prend sa retraite le 30 mars, après la dernière de Coppélia. Rentré au Palais Garnier en 1955, il est passé par tous les échelons, du Petit Rat au danseur étoile, puis en tant que maître de ballet. Il est revenu sur sa carrière au cours d’une rencontre avec le public jeudi dernier. Histoires et anecdotes à la veille de tirer sa révérence.

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Comment êtes-vous venu à la danse ?

Patrice Bart : Je suis rentré dans un monde que je n’avais pas forcément choisi. Mon père rêvait de faire un métier artistique. On m’a fait faire un théâtre, j’étais trop timide à l’époque. Je prenais des cours avec Lise Delamare, qui était sociétaire de la Comédie Françaises. Elle me disait : “Mais bouge, fais quelque chose !”. Et ça ne marchait pas du tout. On m’a fait faire du piano, plein de choses comme ça. Et on m’a fait faire de la danse classique. Et il s’est avéré que la chose pour laquelle j’étais le plus doué, c’était la danse classique. J’étais le seul garçon chez mon professeur Pierre Duprez, qui était premier danseur à l’Opéra de Paris sous le règne de Serge Lifar.

Brigitte Lefèvre : En général, quand vous demandez à un danseur, ils adoraient cette situation. 

A quel âge êtes-vous entré à l’Opéra de Paris ?

Patrice Bart : A 10 ans (ndlr : en 1955). J’ai passé l’examen médical, et on m’a dit que je ne rentrerais pas parce que j’avais les pieds plats. J’ai été jeté tout de suite, ça a commencé très fort ! Mon père s’est énervé tout de suite, il était un peu comme moi il faut le dire. Et bon, ça ne se fait plus maintenant, mais il connaissait un ministre, qui a  écrit une lettre. Et l’année d’après, j’ai repassé l’examen, et je n’avais plus les pieds plats.

Brigitte Lefèvre : Je peux vous assure que ça ne se fait plus ! 

Quels ont été vos maîtres ?

Patrice Bart : J’ai commencé avec Pierre Dupré. J’ai travaillé ensuite avec des maîtres comme Serge Peretti, Raymond Franchetti, Alexandre Kalioujny et Serge Perrault, qui m’ont tous apporté quelque chose. Ils parlaient tous de la même chose. Tout le monde était basé sur le langage classique tel qu’il est codifié. Mais il était digéré par des personnalités très fortes, des gens qui avaient essayé de comprendre aussi pourquoi c’était comme ça. C’est très important de savoir utiliser le langage classique. J’ai eu la chance d’avoir des maîtres formidables.

Brigitte Lefèvre : Des gens qui venaient d’ailleurs parfois.

Patrice Bart : Comme Alexandre Kalioujny qui était d’influence russe/soviétique très forte. Et tous ces gens là étaient des maîtres qui avaient absolument tout digéré. Ce n’était pas justement apprendre simplement le B-A-BA. Il y avait des explications, du pourquoi, du comment, par rapport à ce qu’ils nous demandaient.

A 10 ans, vous êtes plongés dans le monde du Palais Garnier…

Patrice Bart : Je suis arrivé dans ce monde extraordinaire qu’était l’Opéra de Paris. L’Ecole de Danse était dans le Palais Garnier. On avait cette chance extraordinaire d’être dans ce théâtre. En plus, quand on était élève, on faisait les divertissements d’opéras. On était confronté au monde du ballet, au monde du lyrique, on était dans l’opéra, dans tous les sens du termes. C’était extraordinaire.

A l’époque, les élèves participaient à beaucoup de productions lyriques…

Patrice Bart : Maintenant, je m’aperçois qu’il y a certain-e-s danseur-se-s qui sont mineur-e-s, qui doivent avoir des jours de repos. Ça a tendance à m’énerver un peu parce que moi, on me jetait dans la rue à minuit à 14 ans ½, et ça ne dérangeait personne.

Brigitte Lefèvre : Les règles sociales ont complètement changé, et nous y sommes extrêmement attentifs. Mais c’est vrai qu’on a eu de la chance quelque part. Même si on était épuisé, mort de fatigue.

Patrice Bart : Moi, j’étais enchanté ! J’ai compris tout de suite que c’était ça.  Nous rentrions aussi dans un monde d’adulte.

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Qu’avez-vous appris du monde du lyrique ?

Patrice Bart : J’ai appris beaucoup de choses des chanteurs. Dans le monde du lyrique, on est vraiment en osmose avec la musique. La musicalité, comprendre la musique, la digérer, et savoir l’utiliser pour soi, c’est l’une des principales qualités du-de la  danseur-se.

Quand on est confronté comme ça au monde du lyrique, même si on est très jeune, on ne comprend pas complètement ni pourquoi ni comment, mais il y a d’un seul coup quelque chose qui s’installe. On entend, on voit les réactions des chanteurs. Il y a une compréhension de la musique qui est différente. On buvait les paroles de ces chanteuses extraordinaires, comme Maria Callas. Ça permet de comprendre comment digérer certaines choses qui sont des apports indispensables au ballet. C’est pour ça que je trouve extrêmement important, quand on fait travailler les danseur-se-s, de parler de la musicalité, de comment ils-elles peuvent l’utiliser, s’en servir, l’écouter.

Vous entrez dans le corps de ballet en 1959. Comment s’est passé votre progression ?

Patrice Bart : Je n’étais pas très grand. Quand j’étais dans le ballet, c’était impensable de pouvoir être danseur étoile avec une si petite taille. C’est à force de désir, de prouver que j’étais capable de le faire, de travail, et de savoir prendre les rôles qu’on ne voulait pas me donner, qu’on a fini par me les donner quand même. C’était presque à la force du poignet, de montrer que j’étais capable de les interpréter à ma manière.

Le fait d’avoir eu cette difficulté, d’avoir été obligé de prouver qu’on pouvait, avec d’autres moyens, faire la même chose que les autres, ça m’a permis peut-être d’analyser d’avantage que quelqu’un à qui ça vient plus facilement.

Quels étaient vos principales qualités en tant que danseur ?

Patrice Bart : Les gens disaient que ma principale qualité, c’était la joie de danser. J’aimais être sur scène, j’étais heureux quand j’étais sur scène.

Brigitte Lefèvre : Et très communicatif avec ta partenaire.

Patrice Bart : J’étais très respectueux et très désireux d’aider ma partenaire, et qu’elle soit heureuse elle-même, que l’on fasse quelque chose qui était agréable à regarder.

Brigitte Lefèvre : J’ai un souvenir de toi avec Francesca Zumbo, dansant Tchaikovsky – Pas de deux au concours de Varna. Ça participe de mes plus grands souvenirs de danse. Une telle musicalité, un tel courage artistique et un tel bonheur de danser, c’était largement communicatif. On était content de faire la barre le lendemain.

Vous avez également travaillé avec Serge Lifar ?

Patrice Bart : J’ai dansé des ballets de Lifar. J’ai dansé en particulier Les Mirages, qui étaient un rôle magnifique. Justement, quand on parle de rôles dramatiques où il faut vraiment exprimer quelque chose, c’était vraiment un rôle superbe.

J’ai vu danser Serge Lifar aussi. Il n’était plus en grande forme, mais on pouvait voir, comprendre comment il interprétait Giselle. Moi, j’ai compris énormément de choses, et j’étais très très très jeune. Je suis rentré dans le corps de ballet très jeune, avec des tas d’influence qui remontent assez loin, j’ai voyagé au cours des années, des décennies, au travers de toutes ces influences. Je pense que c’est ce qui m’a apporté ce que j’essaye de retransmettre maintenant.

Et votre travail avec Rudolf Noureev ?

Patrice Bart : J’ai travaillé beaucoup avec Rudolf Noureev, et à l’Opéra de Paris en tant que son assistant de maître de ballet. Et beaucoup avant. J’étais en guest artist avec le London Festival Ballet, qui est maintenant l’English National Ballet. Je travaillais avec cette compagnie, même si je n’ai jamais quitté l’Opéra.

J’ai eu la chance de me trouver au London Festival Ballet au moment où Noureev a créé son Roméo et Juliette et sa Belle au Bois Dormant. Je faisais Mercutio quand lui faisait Roméo, et je faisais l’Oiseau Bleu quand il faisait le Prince. J’étais aussi la deuxième distribution du Prince sur la Belle au Bois Dormant, que je dansais avec Patricia Ruanne.

Brigitte Lefèvre : Patricia Ruanne qui fait actuellement répéter Roméo et Juliette à la compagnie. Cette version, c’était une relecture, c’est devenue maintenant un grand classique.

Patrice Bart : Au cours de ces années, en tant qu’interprète et assistant, j’ai beaucoup travaillé avec Rudolf Noureev. Et j’ai appris par lui comment est-ce qu’on construit une production. Comment est-ce qu’on choisit un décorateur, comment est-ce qu’on choisit les gens qui font la lumière, comment on travaille sur la partition pour lui donner une nouvelle vigueur, comment lui redonner de la vie pour que ce soit plus en osmose avec le rythme de la vie au XXIe siècle. J’ai appris plein de choses comme ça de sa part.

Il avait des idées très arrêtées, très fortes sur la vision, comment amener les grands ballets classiques avec une espèce de compréhension plus actuelle. J’ai appris ça de lui, et je pense que, pour faire vivre les ballets classiques, c’est très important d’essayer de leur donner un aspect, pour les amener dans notre monde actuel. Pour que, justement, ils ne soient pas des pièces de musée.

Brigitte Lefèvre : On a la chance à l’Opéra de Paris d’avoir la possibilité de pouvoir montrer différent aspects de la danse. On ne peut pas tout montrer. J’aimerais faire de la danse baroque par exemple, mais on ne peut pas tout faire non plus. Je trouve très intéressant de montrer, avec l’Ecole de Danse, ces deux Coppélia. Ça ne sera pas du tout le même ballet, et en même temps c’est le même. Et on a le droit préférer l’un ou l’autre. Ce n’est pas un rejet, c’est un chemin que le Ballet de l’Opera de Paris permet.

Opéra national de Paris
Comment êtes-vous devenu répétiteur avant la fin de votre carrière ?

Patrice Bart : J’ai toujours cette expression un peu idiote : “Quittez la danse avant qu’elle ne vous quitte“. J’ai arrêtez de faire les grands rôles à 39 ans. J’ai arrêté assez tôt, parce que je crois qu’il est inutile de s’accrocher et de danser des choses qu’on a en principe bien danser, bien interprété, et de le faire moins bien. Je ne vois pas l’intérêt.

J’ai eu la chance de pouvoir le faire grâce à Rudolf Noureev – merci Rudolf. Il m’a d’abord engagé en tant que répétiteur, et ensuite comme maître de ballet. Quand malheureusement Claire Motte est décédée, il y a eu un poste de maître de ballet qui s’est libéré, et il m’a nommé à cette place-là. Et en même temps, il m’a permis de terminer mes années de danseur étoile, avec un contrat d’étoile invité pendant cinq ans.

Transmettre, c’était une vraie volonté de votre part ?

Patrice Bart : Cette transmission, c’était un désir. Après avoir été danseur, il faut avoir en soi un autre désir. J’avais celui de la transmission, d’apprendre aux gens qui me suivaient, ce que j’ai eu la chance d’apprendre moi-même. J’ai touché beaucoup de rôles. Et par rapport à ma propre personnalité aussi.

En tant que maître de ballet, vous aimez beaucoup travailler avec le corps de ballet ?

Patrice Bart : J’ai toujours eu un très grand plaisir à travailler avec le corps de ballet. Je trouve que le corps de ballet, c’est plein de choses différentes. D’abord, c’est plein de personnalités différentes. Vous avez 50 personnes en face de vous, il n’y a pas 50 personnes pareilles. Et ils-elles doivent tou-te-s se ressembler. Déjà, c’est un travail à faire. On a la chance qu’ils-elles sortent presque tous de l’Ecole de danse, donc automatiquement, il y a une homogénéité naturelle.

Ce n’est pas forcément le cas ailleurs ?

Patrice Bart : J’ai fait beaucoup de productions pour de grandes compagnies en Europe et ailleurs. Je m’aperçois que le problème numéro 1, quand on fait des relectures de grands ballets, ou même si on fait une création, c’est d’avoir cette homogénéité. Parce que vous avez des danseur-se-s qui viennent de toutes les nationalités possibles et imaginables. Ils ont donc tous des écoles différentes. C’est un travail supplémentaire.

Quelles sont les difficultés de ce travail avec le corps de ballet ?

Patrice Bart : D’abord, c’est très important que chaque danseur et danseuse soit au maximum de ses possibilités, à son niveau. Je crois que c’est vraiment ça qu’il faut arriver à sortir. Tout le monde ne peut pas être danseur-se étoile, c’est clair. Mais qu’ils-elles soient au top à leur niveau, ça c’est très très important.

On a aussi la nécessité de ranger ensemble des gens qui sont tous différents, de personnalité et d’âge. Vous avez quelque fois dans un groupe des danseur-se-s qui ont 18 ans, et des danseur-se-s qui ont 39 ans, et qui font le même rôle. Donc automatiquement, vous ne pouvez pas vous adresser à eux-elles de la même manière, c’est impossible, même si vous voulez obtenir comme résultat qu’ils-elles se ressemblent tou-te-s. Il faut avoir un langage pour les amener au désir de faire les choses par des moyens différents. Et je trouve ça absolument passionnant. Il faut avoir un peu de la patience je pense, et beaucoup de psychologie.

C’est la différence avec les personnes qui font travailler les étoiles ?

Patrice Bart : Je trouve que maître de ballet, c’est vraiment plus quelqu’un qui s’adresse au corps de ballet. Je pense que pour faire travailler les étoiles et les solistes, on rentre plus dans le système du coach, en français Maître. Des gens qui s’adressent à des individualités fortes. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien, quand Brigitte programme certains ballets classiques, elle choisit des gens différents pour faire travailler certaines étoiles, parce que ça correspond à la personnalité de ces étoiles. Ma motivation première, ça a toujours été d’avantage le corps de ballet.

Avec parfois la satisfaction d’en voir certain-e-s émerger ?

Patrice Bart : Après, c’est formidable de voir émerger des personnalités. Quand on prend des jeunes danseur-se-s qui rentrent dans la compagnie, et qui progressent au fur et à mesure des années, et montent dans la hiérarchie, bien sûr que c’est extraordinaire.

Brigitte Lefèvre : C’est une spécificité de la troupe. Dans certaines compagnies, on voit des filles et des garçons qui ne font quasiment pas de corps de ballet, et ils-elles se consacrent à tel ou tel rôle. Et généralement pas à tous les rôles. Nous, on a ce culte quelque part du corps de ballet. La star de la compagnie, c’est le corps de ballet. C’est comme ça que fonctionnait Rudolf Noureev.

Patrice Bart : Il le disait tout le temps. Et Dieu sait s’il a eu de bonnes étoiles.

Brigitte Lefèvre : Je me rends compte, sans le regretter du tout, que les étoiles que j’ai nommé ou que j’ai proposé à la direction tôt, parfois c’est bien, ça fait plaisir au public. Mais dans notre système, dans cette force qu’il y a, ce n’est pas toujours comme ça qu’il faut faire. Mathias Heymann par exemple. Il a eu une difficulté par rapport à un partenariat sur Roméo et Juliette. Après en avoir parlé avec lui, je lui ai proposé le rôle de Mercutio. Quelque part, on sautait cette case-là, même si c’est quand même un rôle d’étoile très important. Ça m’a vraiment conforté dans ce fait qu’il y a une maturation à avoir, il y a un travail à faire.

J’étais également très heureuse quand j’ai proposé à Wilfried Romoli, à 36-37 ans, de couronner sa carrière . Ce n’est pas pour service rendu, c’est atroce, mais par rapport à qui il était dans ce moment précis de sa carrière, ce qu’il avait réussi à travailler. On ne prend pas quelqu’un comme ça, on l’expose, et après ça marche ou ça marche pas.

Patrice Bart : Après, on donne aussi l’occasion, pour des danseur-se-s du corps de ballet, d’exprimer leur individualité, comme dans le ballet d’Anne Teresa De Keersmaeker. Et ça, c’est très important, parce qu’ils-elles ont les deux facettes justement.

Quels sont les écueils de ce métier de maître de ballet ?

Patrice Bart : Il ne faut non plus tomber dans le côté disciplinaire, en hurlant sur les gens du matin au soir .

Brigitte Lefèvre (en riant) : Quand même un peu !

Patrice Bart : Et Dieu sait que je ne m’en suis pas privé ! Quand on a des réactions à chaud, parfois un peu violente, parfois c’est nécessaire. Il faut savoir aussi après calmer le débat, et donc il y a tout un côté très psychologique.

Brigitte Lefèvre : Je me souviens d’une répétition de La Bayadère. Pas trop de noms d’oiseaux, mais enfin, une répétition animée. Je t’entends dire à untel : “C’est nul, c’est nul !“. Un écolier à côté de moi, qui visitait l’Opéra,  me dit : “Mais moi, je trouve ça très très beau !“. Et je lui explique que tu leur dis qu’ils-elles sont nul-le-s, mais que tu ne penses pas une seconde qu’ils-elles sont nul-le-s, c’est pour les stimuler. Ça l’a beaucoup rassurer.

A un moment, on a eu la grande mode du harcèlement moral. Tout le monde était entraîné dans cette histoire là : “On souffre, c’est atroce “. Et je suis convoquée. A un moment donné, j’ai dit : “Moi, je veux bien imaginer qu’on vous dise ‘Ecoute mon chou, je sais pas comment tu le sens, mais si tu pouvais croiser un tout petit peu plus la jambe, ce serait vraiment super‘…“. Tout le monde a bien compris, et on n’a plus jamais entendu parler de harcèlement moral. Et tu as donc continuer à les harceler.

Patrice Bart (rires) : Avec une joie non dissimulée.

Comment transmet-on une chorégraphie ?

Patrice Bart : Il y a plusieurs choses. On a parfois été en contact direct avec les chorégraphes, ça prime automatiquement sur tous les systèmes de notation. Chacun a son système. Il y a le souvenir qu’on a soi même, le souvenir du vécu en tant que danseur, du vécu en contact avec les chorégraphes et les maîtres de ballet, et du travail avec certaines étoiles. Tout ça, c’est une espèce d’amalgame, d’osmose, de compréhension qu’on peut après redistribuer.

Vous utilisez la vidéo ?

Patrice Bart : Maintenant, on a en plus ce système, qui fait que ça simplifie beaucoup le travail des maîtres de ballets et  des répétiteurs. Mais il faut prendre ça avec un peu de restriction, parce que vous avez souvent une image fausse de tout ce qui est le placement dans l’espace et la musicalité. Il y a toujours un petit décalage, quelque chose entre l’image, et dans l’espace et dans le son. Il y a une fraction de seconde qui fait que ça peut être parfois un peu différent.

Après ce qu’on apprend dans les vidéos, il faut rechercher dans ses souvenirs personnels, et souvent dans ses sensation personnelles. Je dis toujours quand on remonte un ballet que c’est très important d’être absolument fidèle à la chorégraphie. Mais ce qui est encore plus important, c’est de rester fidèle à l’esprit du chorégraphe. 

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Et les choréologues ?

Patrice Bart : Je sais que Rudolf Noureev n’aimait pas beaucoup les choréologues, parce qu’il disait qu’ils-elles avaient en main le matériel pour dénaturer ses chorégraphies. Souvent, les gens qui ont fait de la choréologie, et j’ai beaucoup de respect pour eux-elles, ils-elles n’ont pas toujours été de grands interprètes ou de grands danseur-se-s. Et ils-elles ont quelque fois une compréhension des pas et de la chorégraphie qui n’est pas toujours absolument digérée. Mais malheureusement, il n’y a pas de vraie règle.

D’où l’importance du maître de ballet ?

Patrice Bart : Quand il y a un maître de ballet, ce n’est pas juste par hasard. Quand on le nomme, c’est qu’on sait qu’il-elle a l’expérience personnelle de danseur-se ou d’assistant-e chorégraphe, par les gens qui ont construit eux-même les productions. C’est comme ça que l’on peut être en charge de la transmission.

Vous quittez l’Opéra de Paris après plus de 55 ans dans la Maison. Quel est votre état d’esprit ?

Patrice Bart : Je vais m’en aller. Et je vais regretter beaucoup. Je crois que c’est formidable de partir sans amertume, avec la sensation du travail bien fait. A tort ou à raison, mais c’est la sensation que j’ai. Ma vie a été absolument extraordinaire grâce aux membres du ballet et à l’Opéra de Paris. 

© Photo 1 : Icare / Photo 2 : Julien Benhamou / Photo 3 : Dansomanie / Photo 4 : Mirco Magliocca

Commentaires (4)

  • Passionnant!

    Je trouve tout de même un peu dur le parallèle entre les étoile nommées trop tôt et les difficultés de Mathias Heymann sur Roméo!! C’est tout de même l’une nomination les plus évidente qu’il y ai eu dernièrement!
    Et Wilfried Romoli a été nommé bien plus tard qu’à 36 ans. Ca m’étonnerai que Brigitte Lefebvre l’ai oublié!

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  • @Cams: Je pense que c’est plus une justification pour elle auprès du public, après le retrait de Heymann du rôle de Roméo. Sa nomination était évidente, mais c’est vrai qu’en général, Lefèvre nomme tard ses étoiles.

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  • Très intéressant, merci d’avoir pris le temps de tout retranscrire !
    Elle a vraiment présenté Heymann comme une étoile nommée trop tôt ? (décidément il en voit de toutes les couleurs cette saison !) Je ne vois pas comment ils peuvent s’appuyer sur Noureev pour justifier leur politique “nommer des étoiles matures” (pour ne pas dire “laisser pourrir les talents dans le cdb”), lui nommait ses étoiles jeunes. Le culte du cdb n’empêche pas de distinguer les talents quand ils se présentent, ce n’est pas une excuse pour une gestion bureaucratique sclérosée (comme si la prise de risque n’était pas inhérente à la démarche artistique) !
    Concernant les choréologues, les Britanniques (qui ont décidément tout compris) ne les considèrent pas comme des maîtres de ballet justement, aucun besoin d’avoir été un grand danseur et encore moins un interprète. Ils ne sont là que pour lire les partitions de danse et montrer la chorégraphie telle qu’elle est écrite, au lieu de l’utilisation biaisée de la vidéo. Le travail du maître de ballet vient après (il faut mâcher la chorégraphie avant de la digérer, pour reprendre ses termes).

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  • @Pink Lady:Ce n’était pas tellement pour dire que Heymann était monté trop tôt. Il y avait pleins d’habitué-e-s dans la salle, et je pense qu’elle voulait un peu justifier la défection du danseur, qui a été connue la veille le crois. C’était plus pour le défendre, mais c’était fait de façon maladroite. Par contre, je n’ai pas du tout aimé son côté “le public ne sait pas ce qui est bien, moi seule ai raison quand je nomme des étoiles tard”. Et c’est clair, Noureev avait plutôt tendance à les nommer tôt.

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