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Rencontre avec Sébastien Marcovici, Principal au NYCB, nouveau maître de ballet au L.A. Dance Project

Sébastien MarcoviciPrincipal dancer au New York City ballet, vient de faire ses adieux à la scène. Quelques jours après sa dernière représentation avec la compagnie américaine, où il a dansé pendant vingt ans, il est devenu maître de ballet au L.A. Dance Projet de Benjamin Millepied, ancien collègue du NYCB.

Danses avec la plume l’a rencontré alors que sa nouvelle compagnie faisait escale au Théâtre du Châtelet. Sebastien Marcovici évoque sa carrière au New York City Ballet, ses années de Petit rat sous Claude Bessy et sa toute nouvelle vie avec la troupe de Benjamin Millepied.

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Comment est arrivée l’opportunité d’être maître de ballet au L.A. Dance Project ?

Je connais bien Benjamin Millepied, nous avons dansé ensemble pendant longtemps au NYCB, nous sommes amis. L’été dernier, j’avais commencé à parler avec lui de mon idée d’arrêter de danser, à cause de problèmes physiques. Il m’a ensuite demandé si je voulais travailler pour sa nouvelle compagnie. J’ai accepté pratiquement tout de suite, cette opportunité tombait très bien pour moi. Être maître de ballet était ce que je voulais faire après la danse.

 

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce nouveau métier ? 

J’ai une passion pour le respect de la chorégraphie. La retransmettre est aussi important que la danser. J’ai aussi toujours eu envie de transmettre ce que j’ai pu entendre de Jerome Robbins ou d’autres répétiteurs qui avaient travaillé avec les chorégraphes.

 

Au L.A. Dance Project, il s’agit de créations. Est-ce très différent ? 

Non, cela revient au respect du chorégraphe et de ce qu’il veut. Que ce soit un ancien ballet ou une création, ce qui m’intéresse est de prendre les informations du chorégraphe et de le retransmettre aux danseurs. Mon métier est de remonter ces ballets, les faire répéter aux danseurs et danseuses et donner quelques cours.

 

Vous avez fait vos adieux à la scène le 1er mars. Deux jours plus tard, vous étiez à Paris avec votre nouvelle compagnie. Comment s’est passée cette transition pour le moins rapide ? 

J’étais déjà venu pendant une semaine en janvier à Los Angeles pour faire répéter les danseurs et ça s’était très bien passé. Je commence à apprendre les ballets, à participer aux répétitions. Je peux déjà aider techniquement et artistiquement les chorégraphes, vérifier que les danseurs sont en ligne, des choses comme ça. J’avais aussi un peu travaillé avec Justin Peck qui est un danseur du NYCB. Il m’a donné les comptes, ce qui était important pour sa pièce, des choses plus précises sur certains pas de deux. Ce travail n’est pas non plus totalement nouveau pour moi, j’avais déjà remonté quelques ballets de Benjamin Millepied ces dernières années, notamment une pièce pour le Junior Ballet du CNSMDP.

 

Vous avez changé de vie en deux jours. Comment vous y êtes-vous préparé ? 

Il faut se préparer à s’arrêter de danser. Danser, c’est magique, surtout au niveau où je suis arrivé. Ce n’est pas évident de s’arrêter. Quand on est un danseur et qu’on s’arrête, même si l’on fait autre chose, c’est comme si nous étions en vacances, notre entraînement est tellement dur. Aujourd’hui, si je suis fatigué, si j’ai mal au dos, ce n’est pas grave. Je savais que ça allait s’enchaîner tout de suite et c’était aussi bien. La transition était excitante.

Sébastien Marcovici - Apollon de George Balanchine

Sébastien Marcovici – Apollon de George Balanchine

Vous connaissez bien le duo Closer de Benjamin Millepied, présenté au Châtelet. Pouvez-vous nous parler de cette pièce ? 

Je connais très bien cette chorégraphie puisque Benjamin l’a faite sur moi. C’était une création pour son groupe Danses Concertantes. Il avait déjà chorégraphié des choses sur cette musique, c’était son troisième essai. C’est très agréable à danser, assez représentatif de son style, la façon dont les pas sont liés entre eux. Les interprètes sont plus des humains que des danseurs. Cela part d’un geste simple, un geste humain ou du quotidien, et ça devient de la danse. Certains gestes commencent ainsi par quelque chose de simple, on se pousse, on se touche, puis le pas évolue.

 

Comment travaille Benjamin Millepied en tant que chorégraphe ? 

Benjamin n’aime pas quand les danseurs butent un peu. Il aime que les choses soient organiques. Si ça n’est pas ça tout de suite, il le change immédiatement, même si on pourrait le travailler un peu. Parfois, en répétition, on a envie de lui dire d’attendre un peu, de nous laisser le temps de nous approprier le mouvement.

 

Comment est-il en tant que directeur ? Les choses ne vont pas changer en octobre lorsqu’il sera à la tête du Ballet de l’Opéra de Paris ? 

Il sera toujours directeur. Benjamin a toujours pleins de projets en même temps. Dans un sens, ça ne va pas changer beaucoup de choses pour cette compagnie. Quand il a vraiment besoin d’être là, il vient, du moment que les choses se passent bien. Il sait ce qu’il veut. Le fait que j’arrive aussi l’aide encore plus.

 

On a l’impression que vous vous connaissez bien ?

Oui ! Il est rentré un an après moi au NYCB. Nous nous sommes bien entendus. On n’était pas vraiment sur les mêmes ballets, Benjamin a commencé à danser des rôles de soliste plus tôt que moi. Quand il a commencé à chorégraphier, il a tout de suite monté un groupe, Danses Concertantes, pour des petits spectacles à droite à gauche. Il m’a toujours inclus dedans. Nous sommes partis en tournée en Europe, à la Biennale de la Danse de Lyon. On reprenait des pièces de Jerome Robbins et George Balanchine ainsi que ses chorégraphies.

 

Comment passe-t-on d’une grosse compagnie à plus de 90 danseurs à une troupe de huit artistes ?

C’est bien de commencer comme ça pour mon nouveau métier. Les choses sont plus calmes, on peut se concentrer uniquement sur huit personnes et pas sur 50. C’est mieux pour moi et pour les danseurs de se concentrer sur un minimum de personnes.

 

Pour revenir à votre carrière, comment avez-vous découvert la danse ? 

Ma mère dansait, elle a toujours aimé la danse. Je suis allé un jour la voir en cours. J’avais trois ans, j’ai voulu essayer… et je ne me suis jamais arrêté. Pourquoi j’aime la danse ? Je peux peut-être y répondre maintenant mais à l’époque, c’était instinctif. Je ne sais pas d’ailleurs si quelqu’un peut vraiment répondre à ça. Je ne me suis jamais posé la question de pourquoi je faisais ça.

Sebastien Marcovici et Rebecca Krohn - Stravinsky Violin Concerto

Sebastien Marcovici et Rebecca Krohn – Stravinsky Violin Concerto

Comment êtes-vous venu à l’École de Danse de l’Opéra de Paris ?

Quand on veut continuer à danser et faire les choses sérieusement, il faut aller à l’École de Danse de l’Opéra. J’ai essayé, j’ai passé le premier tour mais j’ai été recalé au deuxième. Je me suis représenté à 12 ans et j’ai été pris, en grand stage. J’ai passé cinq ans là-bas, j’étais de la promotion de Jérémie Bélingard et Karl Paquette. J’ai eu comme professeur-e Nicole Cavallin en sixième division, Janine Guiton en cinquième (où je n’ai passé que trois mois), Bernard Boucher en quatrième, Lucien Duthoit en troisième, Gilbert Mayer en seconde et Serge Golovine en première division.

Le professeur qui m’a le plus marqué reste Gilbert Mayer. Il nous faisait beaucoup travailler la petite batterie, l’utilisation du plié, des jambes. Il enseignait d’une façon très précise. Encore aujourd’hui, lorsque je donne des cours, je fais faire des choses que j’ai apprises de lui.

 

Comment avez-vous vécu vos années à l’École ? Certains danseurs regrettent aujourd’hui l’ambiance très difficile de Nanterre sous Claude Bessy…

J’étais en internat. C’est clair que c’était dur, très sérieux. Aux États-Unis, les choses sont différentes. On ne peut pas tout dire, on peut à peine toucher un élève, surtout un adulte envers un enfant. On a pourtant besoin de parler d’une certaine façon à un enfant pour qu’il enregistre et faire ce qu’on lui dit de faire. Mais avec le recul, c’était peut-être un peu trop dur pour des enfants, un peu trop extrême. L’École de l’Opéra a donné des danseurs incroyables. Mais la SAB (ndlr : The School of American Ballet, l’école du NYCB) produit aussi des danseurs incroyables. Les méthodes sont différentes mais les danseurs aussi bons.

De façon plus générale, il y a un plus grand respect pour les danseurs au NYCB. On ne va pas nous dire “Vous êtes nuls” en pleine répétition,  c’est plutôt l’approche inverse.

 

Élève en premier division, comment vous êtes-vous retrouvé au NYCB ? 

J’avais passé le concours pour l’Opéra de Paris, j’étais arrivé deuxième engagé, j’avais un CDI. Mais pour entrer dans la compagnie, il fallait avoir son Brevet des collèges. Et moi, l’école, ce n’était pas trop mon truc, je ne l’ai pas eu.

Cette même année, Violette Verdy, qui a dirigé à un moment l’Opéra et était Étoile au NYCB, avait chorégraphié une pièce pour l’École de Danse, Diverdymento, que j’ai dansé. Ce fut ma première connexion avec le NYCB. Toujours cette année-là, Jean-Pierre Bonnefous, ancien danseur  de l’Opéra de Paris devenue Principal au NYCB, est venu à l’École donner des cours. Suite à ça, il m’avait invité avec Jérémie à son stage d’été aux États-Unis. J’y suis allé, je n’avais plus rien à faire à Paris. Au cours du stage, il m’a proposé d’essayer le NCYB. Comme on était en juillet, la compagnie était à Saratoga, pas loin. Jean-Pierre Bonnefous a appelé Peter Martins, le directeur de la compagnie, et il m’a envoyé là-bas. J’ai pris la classe. À la fin du cours, Peter Martin m’a demandé si je voulais rester. Cela s’est fait comme ça. Le timing n’aurait pas pu être mieux.

 

Pour la plupart des élèves de l’Opéra en première division, ne pas être pris à l’Opéra de Paris est vécu comme un gros échec. Comment avez-vous vécu cette situation ? 

Je n’ai pas eu le temps de réfléchir. Deux jours après le Brevet, j’étais parti aux États-Unis. L’idée est que j’allais faire ce stage et que l’on allait voir ce qui allait se passer. Je n’ai pas eu le temps de m’inquiéter ni de vraiment réfléchir à là où je voulais aller.

 

Avec le recul, que diriez-vous aux élèves de première division qui vont se retrouver dans cette situation ? 

Et bien ce n’est pas la fin du monde. Je suis sûr que je le vivais comme ça sur le coup, mais comme tout s’est passé si vite, je ne m’en suis pas rendu compte. L’Opéra est aussi la plus grosse compagnie classique en France. Pour un élève qui n’est pas pris, cela veut dire partir à l’étranger, ce qui n’est pas évident. Ils ne le savent pas, mais peut-être qu’en partant ailleurs ils vont découvrir des choses qu’ils n’imaginaient pas aimer, qu’ils ne connaissaient pas. Je crois que je suis un meilleur danseur Balanchine que je n’aurais été un danseur Noureev. Il y a de la place pour eux ailleurs. Même si ce n’est pas forcément ce qu’ils veulent faire, la compagnie où ils aimeraient être, cela ne veut pas dire qu’ils ne vont pas y arriver.

Sébastien Marcovici - Chaconne

Sébastien Marcovici – Chaconne

Que connaissiez-vous du répertoire du NCYB en arrivant dans la compagnie ?

Pas grand-chose. Je venais tout de même de passer un mois en stage aux USA. J’avais commencé à voir des cassettes de ballets de Balanchine, je commençais à apprécier. Mais c’est vrai que j’ai dit oui tout de suite sans vraiment savoir ce que j’allais faire. Je n’allais de toute façon pas dire non à une grosse compagnie.

 

Quel a été votre premier sentiment en découvrant cette compagnie danser et les ballets de George Balanchine ? 

Je suis resté toute la semaine à Saratoga, j’ai vu tous les spectacles… et j’ai trouvé ça incroyable. Le coup de foudre ! Coup de foudre pour l’énergie des danseurs, les ballets, la façon de danser si différente. Au début, je pouvais être très critique dans ma tête car je ne reconnaissais pas le travail dans les jambes ou les pieds, si spécifiques à l’école française. Mais quand j’ai vu la façon dont ils bougeaient et leur énergie, j’ai trouvé ça incroyable.

 

Comment avez-vous appris la technique américaine ? 

Ça a commencé doucement. Je n’ai pas eu énormément de choses à faire tout de suite, j’en ai profité pour prendre beaucoup de cours. Au début, je prenais la classe de 10h30 avec la compagnie, puis j’allais prendre un cours à l’école à 12h30. J’ai vraiment appris à changer ma façon de danser, à acquérir la rapidité, à faire les pas, même une simple glissade, différemment. J’ai changé ma façon de danser, je suis devenu un danseur américain. D’autres danseurs étrangers ne s’ajustent pas forcément. Pour moi, cela fait partie de la technique de Balanchine. Si l’on veut vraiment danser du Balanchine comme du Balanchine, il faut passer par là.

J’ai pris notamment beaucoup de cours avec Stanley Williams, décédé depuis. C’était un danseur danois, mais la technique Bournonville s’associait bien avec la technique Balanchine, avec cette certaine rapidité. Il avait une façon particulière de faire les choses.

 

Avez-vous gardé quelque chose de l’école française ? 

La petite batterie, ça m’a beaucoup servi. Et quand j’enseigne, il m’arrive d’utiliser ces deux techniques.

 

Comment se sont passées vos premières années dans le corps de ballet ? 

Au NYCB, quand on est dans le corps de ballet, on danse deux ou trois ballets tous les soirs. C’est génial d’être autant sur scène, c’est une telle énergie, c’est fantastique !

Spécialement au NYCB, il faut faire du corps de ballet, c’est là où l’on s’amuse le plus. On est parfois fatigué, mais on ne peut pas comparer ça à une autre compagnie. On est tous ensemble, on est une équipe, on danse tous des ballets incroyables, avec des chorégraphies pour le corps de ballet incroyables. C’est aussi bien que les rôles d’Étoile d’avoir fait ça. Dans une autre compagnie, le corps de ballet est parfois un peu oublié dans les grands ballets classiques. Au NYCB, c’est vraiment la base, la structure des ballets et de la compagnie.

La majorité des danseurs et danseuses viennent de la SAB. Mon intégration s’est très bien passée. Les étrangers, s’ils viennent au NYCB, rentrent souvent plus tard, en tant que solistes, ce qui peut gêner les danseurs. C’est finalement rare de démarrer en bas de l’échelle pour un étranger.

 

Comment se passent les promotions au NYCB ? Le fait de ne pas avoir de concours chaque année diminue-t-elle la pression ? 

Il y a une pression, mais elle ne dépend que de la personne, pas de la compagnie. Il n’y a pas un concours tous les ans avec un nombre de places définies, on ne sait pas combien de temps cela peut prendre. Il faut toujours s’y mettre à fond car on ne sait pas quand la promotion peut arriver. Mais c’est un travail individuel, à chaque danseur de savoir la pression qu’il veut se mettre. Cela vient moins de la direction.

 

Vous avez mis huit ans avant de devenir Principal, ce qui peut paraître long aux États-Unis. Comment avez-vous vécu ces années ? 

J’ai fait cinq ans dans le corps de ballet et trois ans en tant que soliste. C’est ce que je dis aux jeunes danseurs du NYCB qui s’inquiètent : il y a le train express et l’omnibus. Dans un sens, ça n’a pas d’importance. Si on arrive à être Principal, peu importe le temps que ça a pris, ça peut même être une bonne chose d’avoir mis du temps, d’avoir eu le temps de grandir et d’être prêt. Un danseur peut être très doué mais ne pas être prêt, ça peut avoir des conséquences plus tard. Ça a pris un peu de temps pour moi, mais quand j’arrivais au grade du dessus, j’étais prêt, j’avais de l’expérience, j’étais confiant. J’ai décroché des rôles de solistes dès le corps de ballet.

 

Quels ont été vos ballets préférés ? Votre répertoire de prédilection ? 

Dès que je suis rentré au NYCB, j’ai tout de suite aimé les oeuvres de George Balanchine. Surtout ce qui après est devenu 80 % de mon répertoire, les Black & White. Ils sont souvent sur une musique de Stravinsky, dont je suis aussi tombé amoureux ! Ces chorégraphies me vont comme un gant, c’est comme si elles étaient faites pour moi. J’ai toujours compris ces ballets.

Sébastien Marcovici

Sébastien Marcovici

Comment se passe une saison au NYCB ? 

Cela a un peu changé avec le temps, mais maintenant, nous démarrons avec une saison d’automne de quatre semaines, suivie par une saison Casse-Noisette de six semaines. Cela s’enchaîne pratiquement avec six semaines de répertoire. Puis nous avons une saison de six semaines au printemps, enfin une tournée l’été ou quelques semaines à Saratoga, qui commence à faiblir un peu.

 

Vous n’êtes pas écoeuré de Casse-Noisette à force ?  

En tant qu’Étoiles, on ne danse pas que ça. C’est surtout dur pour les danseuses du corps de ballet qui font ça tous les jours, soit autour de 50 spectacles en quelques semaines.

 

Le rythme des spectacles est-il plus soutenu qu’à l’Opéra de Paris ? 

Dans le corps de ballet, on danse plus et tout le monde danse, on ne se retrouve pas à tenir un poteau sur le côté de la scène. Pour les Étoiles, pas forcément. De la façon dont Peter Martins a géré les choses, il y a presque aujourd’hui trop de Principals. C’est ainsi un peu plus compliqué pour se partager les rôles. Certaines saisons, les Étoiles dansaient deux ballets par soir. Maintenant, c’est un seul pour que tout le monde puisse danser.

 

Quelle est la différence de mentalité entre une troupe américaine et l’Opéra de Paris ?

La mentalité américaine est plus dans le travail. À l’Opéra, il y a beaucoup de compétition. Aux États-Unis, lorsque l’on rentre dans le studio, c’est pour travailler, point final. On s’occupe des petites histoires plus tard. Même s’il y a des problèmes, ce qui arrive, on doit tout de même faire ce que l’on doit faire, danser et travailler. C’est une différence que je ressens beaucoup.

 

Vous avez connu Jerome Robbins. Quels souvenirs gardez-vous de lui ? Comment était-il en répétition ? 

J’ai un peu travaillé avec lui. J’ai participé à sa création Brandenburg, un ballet pour deux couples de Principals et un petit menuet pour quatre couples. J’étais dans l’un d’eux, Benjamin Millepied dans un autre. J’étais aussi l’un des Jets lorsqu’il a remontré West Side Story Suite. C’était fantastique de travailler cette oeuvre avec lui. On a souvent entendu dire qu’il était plus gentil avec nous qu’à l’Opéra (rire). Bien sûr, il y avait des jours où ça n’allait pas et où il était de mauvaise humeur. Mais il avait toujours son sens de l’humour, il adorait rigoler. C’était une ambiance de travail très agréable.

 

Avez-vous des regrets quant à un certain répertoire plus contemporain que vous n’avez pas dansé ? 

J’ai dansé quelques ballets plus contemporains, mais ça ne reste pas forcément mes meilleurs souvenirs. Il y a des pièces de Jiří Kylián ou de William Forsythe que j’aurais aimé faire, mais comme la compagnie ne les faisait pas, ça ne m’a pas manqué.

 

Quel regard avez-vous (déjà) sur votre carrière qui vient de se terminer ?

Je suis très satisfait quand je regarde en arrière. C’est l’un des aspects très positifs de ma carrière : il y a beaucoup de bons souvenirs, J’ai dansé tout ce que je voulais danser et j’ai vraiment adoré danser ce répertoire.

Sébastien Marcovici et Wendy Whelan - Agon de George Balanchine

Sébastien Marcovici et Wendy Whelan – Agon de George Balanchine

Avez-vous un rôle en particulier qui vous tient particulièrement à coeur ? 

Je me suis particulièrement attaché à Agon. J’ai commencé par le premier pas de trois. J’ai tellement adoré faire ça que je n’étais même pas sûr de vouloir faire le pas de deux. Je l’ai finalement dansé bien sûr, c’est un passage génial. J’ai aussi beaucoup aimé Melancholic dans The Four Temperaments, même si c’est très dur physiquement. C’est crevant, ça fait mal partout, mais c’est assez fantastique à faire. J’ai vraiment beaucoup aimé tous les Black & White de façon générale.

 

Vous avez aussi beaucoup dansé avec Janie Taylor. Comment s’est passée cette collaboration, avec celle qui est maintenant votre compagne ?  

On a dansé ensemble depuis qu’elle est rentrée dans la compagnie cinq ans après moi. Peter Martins a commencé à chorégraphier sur nous, tous les deux. On s’est rencontré sur un ballet comme ça, puis on a fait La valse de George Balanchine. Pour elle, c’était son premier rôle d’Étoile, alors qu’elle était encore dans le corps de ballet. C’est un ballet unique et fantastique. Nous avons fait nos adieux avec ce ballet. Nous nous sommes mariés il y a un an 1/2.

 

Au NYCB, il n’y a pas d’âge de retraite obligatoire, c’est le danseur qui décide quand partir. Comment avez-vous pris cette décision ? 

Je me suis toujours dit que je ne voulais pas être un danseur trop vieux. J’ai vu trop de danseurs que j’admirais danser des rôles qu’ils ne pouvaient plus faire, alors que j’avais adoré les voir dans ces ballets. Je ne voulais pas ça. Quand on a mal quelque part, on ne peut pas danser les rôles comme on veut les danser, aussi bien. Ce n’est plus intéressant, il n’y a plus de plaisir.

J’ai commencé à avoir un problème au pied. Je m’étais fait mal il y a longtemps, ça s’était arrangé pendant plusieurs années, puis c’est revenu. Si je voulais danser plus longtemps, il fallait que je règle ce problème, et donc m’arrêter pendant un moment, ce que je n’avais plus forcément envie de faire. ll aurait aussi fallu que je change un peu mon répertoire. Même en soignant mon  pied, je n’aurais pas pu aussi bien sauter par exemple. Et rester pour voir les gens danser ce que je voulais danser… ce n’est pas intéressant. J’en ai parlé avec Benjamin Millepied et il m’a offert cette opportunité. On en a vraiment parlé cet été. Très vite, juste avant que ne commence la saison automnale, j’en ai parlé à mon directeur.

 

Comment s’est passée votre dernière soirée ? 

Faire son dernier spectacle, c’est nouveau, ça ne ressemble à rien de ce que l’on a pu vivre dans notre carrière. C’était assez bizarre. On fait ce spectacle, un spectacle comme un autre… mais c’est le dernier. C’était une sensation inconnue. Le lendemain, nous sommes revenus au Théâtre pour tout ranger. On a pris nos affaires. La compagnie nous donne une valise qui nous sert pour les tournées. Cette valise ne vient jamais chez nous, elle reste au théâtre et part en tournée. Et là, on la prend. Prendre toutes ses affaires et ramener cette valise chez nous fut le plus émouvant. Vraiment, c’est fini. On a tout pris. Mais j’étais prêt. Je m’étais préparé pour ça, sinon c’est trop brutal. Les sensations que l’on a sur scène sont tellement grandes et fortes que l’on ne peut pas arrêter comme ça.

Janie Taylor et Sébastien Marcovici lors de leurs adieux au NYCB

Janie Taylor et Sébastien Marcovici lors de leurs adieux au NYCB

Quel va être votre planning dans les prochains mois avec le L.A. Dance Project ? 

Nous allons tourner en France pendant un mois, puis nous irons à Moscou. Nous rentrons ensuite à Los Angeles avant de repartir en France pour quelques dates. Cet été, nous allons monter un nouveau ballet de Benjamin Millepied et un autre de Justin Peck.

 

Pour finir, il paraît que vous êtes aussi DJ ?  

J’ai commencé il y a longtemps. Un ami m’a emmené en club où j’ai découvert le drum’n’bass, une musique underground très rapide, autour de 174 BPM. J’ai adoré l’énergie. On allait en club avec Benjamin, on a commencé à connaître les DJs de New York. On a eu envie d’apprendre, on a acheté des platines. Je prends une musique que j’aime,  je mixe, je recrée. J’adore, c’est juste pour le fun.

 

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