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Nos Matins intérieurs – Collectif Petit travers et Quatuor Debussy

Le Collectif de jonglage Petit travers s’est associé au Quatuor Debussy pour leur dernière pièce montée en 2023, Nos Matins intérieurs. Dans ce petit bijou d’inventivité et de musicalité, les balles deviennent comme des danseuses, tandis que jongleurs et jongleuses se livrent sur leur métier, le plaisir du jonglage, leurs joies d’être artistes comme leurs doutes de faire le poids face au chaos du monde. Une œuvre aussi plaisante que salutaire.

 

Nos Matins intérieurs – Collectif Petit travers et Quatuor Debussy

 

Sur scène, une dizaine de gros cubes, qui vont structurer l’espace durant tout le spectacle, et quatre musiciens. Alors que l’on s’attend à voir entrer en plateau une jongleuse, c’est une skieuse qui arrive, combinaison sportive et snowboard à la main. Elle nous raconte sa précédente carrière, quand elle devait être la plus rapide possible sur la piste qu’elle avait parfois la sensation d’être comme une petite balle blanche fusant à toute allure. Maintenant jongleuse, elle fait parfois un peu la même chose. « Sauf que je ne cherche pas à être la première. Je cherche à être ensemble« . Le ton comme le décor est posé pour le spectacle Nos Matins intérieurs, ode à la puissance collective où la poésie ne peut naître que de l’écoute des autres.  Créé il y a plus de 20 ans, le Collectif Petit travers a depuis mené, entre autres, neuf créations grand format où le jonglage est au cœur. L’art de la manipulation d’objets s’y transforme en véritables pièces chorégraphiques, où les balles, comme portées par la musique, deviennent comme des danseuses, personnages à part entière aux côtés des artistes-jongleurs et jongleuses. Le travail avec le Quatuor Debussy a d’ailleurs été le fondement de Nos Matins intérieurs, monté en 2023. Tout au long du spectacle, ce sont ainsi les quatre musiciens qui mettent le tempo, posent les saynètes, créent les ambiances et donnent le ton dans lequel jongleurs et jongleuses ensuite se déploient.

Et c’est pendant plus d’une heure à la fois un émerveillement d’inventivité et de poésie, un formidable moment de virtuosité circassienne, et des réflexions qui vous saisissent l’air de rien sur l’importance du collectif et du spectacle face à « un monde qui part en sucette« , pour reprendre l’expression de l’un des jongleurs. À l’instars de la snowboardeuse reconvertie du début, chaque artiste se livre à un moment ou à un autre, par une anecdote personnelle, une angoisse, un parcours, ce qu’il aime dans le jonglage et la scène, son entraînement. Et chaque parole tisse l’importance absolue de ce qui se noue sur scène : comment le spectacle, l’art, les artistes, peuvent apporter un peu de douceur et un temps d’exutoire. Sur ces témoignages se dessine un jonglage sans cesse renouvelé. Les balles fusent, créent comme un ballet aérien, jouent la synchronisation ou au contraire la surprise. Le rythme se fait réflexif avant de partir à toute allure. Les balles créent la puissance ou la douceur, l’attachement ou la rébellion, presque une illustration des mots qui fusent de-ci de-là. Le tout est magnifié par une mise en scène à l’apparence simple mais sans cesse inventive, tout comme des éclairages, qui, sans s’en donner l’air, sculptent et illuminent les mouvements des artistes comme ceux des balles ou des bâtons manipulés.

 

Nos Matins intérieurs – Collectif Petit travers et Quatuor Debussy

 

Des spectacles où l’on se raconte, où l’artiste joint dans sa parole l’anecdote à la grande réflexion, ce n’est pas franchement nouveau. Mais Nos Matins intérieurs, véritable exercice d’introspection des artistes comme du public, twiste le genre en sachant renouveler la parole de chacun sur la forme. En montrant aussi qu’il ne manque pas d’humour avec l’irrésistible scène des Jongleurs et jongleuses anonymes. Un moment d’autodérision grinçant comme touchant, révélant un spectacle aux multiples tiroirs. L’on y est ainsi ébahi par la folle créativité scénique comme la formidable virtuosité des jongleurs et jongleuses, on a aussi le cœur pincé, presque angoisssé parfois, comme ces artistes face à ce monde devenu fou. L’on en ressort pourtant rasséréné et apaisé : le spectacle vivant a su faire son travail.

 

Nos Matins intérieurs – Collectif Petit travers et Quatuor Debussy

 

 

Nos Matins intérieurs de Julien Clément (écriture) et Nicolas Mathis (écriture et mise en scène) par le Collectif Petit travers. Avec Eyal Bor, Julien Clément, Rémi Darbois, Amélie Degrande, Bastien Dugas, Alexander Koblikov, Taichi Kotsuji, Carla Kühne, Emmanuel Ritoux et Anna Suraniti. Musique de Henry Purcell et Marc Mellits, conception musicale Christophe Collette, jouée par les musiciens du Quatuor Debussy. Samedi 8 février 2025 à la Maison de la Danse. À voir jusqu’au 14 février. En tournée en avril et mai en France.

 
 
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