Gala d’étoiles – Ballet de l’Opéra de Bordeaux
Proposé par le Directeur de la Danse de l’Opéra de Bordeaux Éric Quilleré, ce Gala d’Étoiles a réuni neuf danseuses et danseurs sur la scène du Grand-Théâtre de l’Opéra National de Bordeaux durant deux soirées. Au trio bordelais composé des Étoiles Mathilde Froustey, Riku Ota et du Premier danseur Oleg Rogachev se sont adjoints les Étoiles parisiennes Bleuenn Battistoni et Paul Marque ainsi que le duo du Bayeriches Staatsballet de Munich composé de Ksenia Shevtsova et Jakob Feyferlik. Xu Yan et Li Wentao du Ballet national de Chine complétaient cette sublime mosaïque d’interprètes au charisme indéniable. Naviguant entre les époques et les styles, combinant glamour, virtuosité et émotion, ce programme a largement tenu ses promesses. Au point qu’il se dit que ce rendez-vous pourrait revenir tous les ans.

Gala d’étoiles par le Ballet de l’Opéra de Bordeaux
Il me faut bien l’avouer avant de commencer cette chronique : les galas n’ont pas mes faveurs. Pourtant, ils réservent souvent leur lot de surprises qui compense cette légère sensation de frustration laissée par le choix de tels ou tels pas de deux d’un ballet plutôt que d’autres. Mais celui composé par Éric Quilleré pour ce Gala d’Étoiles au Ballet de l’Opéra de Bordeaux, en collaboration avec les compagnies invitées, recèle des retrouvailles fort réjouissantes et quelques découvertes tout aussi enthousiasmantes comme l’extrait de Radio and Juliet, revisite du drame shakespearien par le chorégraphe Edward Clug. On a pu voir les couples dans un registre classique dans la première partie, puis néo-classique voire contemporain dans la deuxième. Un découpage efficace qui donne un bel équilibre à l’ensemble.
Priorité aux hôtes avec Mathilde Froustey et Riku Ota qui ouvrent le bal par Delibes Suite chorégraphié en 2003 par José Martinez. Cet incontournable des galas produit toujours son effet. Les deux interprètes, qui l’ont déjà rodé dans un précédent gala à Cuba, affichent une entente fort plaisante à regarder. Ils insufflent la vitalité nécessaire à ce feu d’artifice chorégraphique à la fois hommage à la tradition classique et démonstration de virtuosité. Si l’on passe sur la mauvaise qualité du son, le pas de deux de l’acte II de Giselle (dans la version de Peter Wright) dansé par Ksenia Shevtsova et Jakob Feyferlik est à la hauteur de ce que l’on peut en attendre, tout en fluidité et en légèreté. Malgré tout, l’interprétation des deux Principals du Bayeriches Staatsballet de Munich peine à convaincre. Une impression que leur deuxième apparition suffira à balayer. Comme un avant-goût de la reprise du ballet de Rudolf Noureev à l’Opéra de Paris, le pas de deux du 3e acte de La Belle au bois dormant dansé par Bleuenn Battistoni et Paul Marque est éblouissant. C’est un bonheur de voir ces deux artistes à la belle musicalité si bien s’accorder. Ils passent sans flancher sur les chausse-trapes de ce morceau de bravoure. On redemande un de ces portés poisson exécutés avec autant de précision.
Pour clore en beauté la première partie, on découvre les deux danseurs et danseuses chinois Xu Yan et Li Wentao dans Diamonds, extrait de Jewels (en anglais dans le programme) de George Balanchine. Leur technique impeccable, leur parfaite synchronisation donnent l’éclat qui convient à ce pas de deux dans la pure tradition russe du ballet. Peut-être manque-t-il ce petit supplément d’âme qui rend ce ballet si éclatant ?

Gala d’étoiles par le Ballet de l’Opéra de Bordeaux – Bleuenn Battistoni et Paul Marque
Quelle bonne idée d’ouvrir la deuxième partie avec cet extrait de Notre-Dame-Paris. Déjà parce que les pas de deux de Roland Petit demeurent des pépites chorégraphiques qui demandent aux deux interprètes précision technique et expressivité souvent exacerbée. Le duo Mathilde Froustey, mutine et cruelle, et Oleg Rogachev, vibrant et torturé fait des merveilles et nous embarque très vite dans son histoire. On aimerait même que leur jeu dure plus longtemps. Même impression avec cette autre variation, plus contemporaine, autour d’un autre couple maudit. Radio and Juliet d’Edward Clug, directeur artistique du ballet slovène de Maribor est une découverte. La musique de Radiohead remplit l’espace et accompagne chaque mouvement de ce pas de deux précis et acéré. Tout s’enchaine avec fluidité. Les deux interprètes du Bayeriches Staatsballet de Munich se glissent avec brio dans cette chorégraphie au cordeau qui semble faite pour eux.
Accompagné par la voix magnifique de la chanteuse Sainkho Namtchylak aux accents chamaniques, Sacrifice de Fei Bo constitue également une étonnante surprise. La connexion entre Xu Yan et Li Wentao est la clef de ce pas de deux néoclassique très athlétique. Entre attraction et tension pour s’en extraire, leur duo bercé par ce morceau musical puissant prend un tour tragique qui fait penser à Orphée et Eurydice. Surtout quand la danseuse revêt une longue robe rouge qui renvoie immanquablement à la pièce de Pina Bausch.

Gala d’étoiles par le Ballet de l’Opéra de Bordeaux – Ksenia Shevtsova et Jakob Feyferlik
La soirée s’achève en apothéose avec un extrait de Renaissance de Sébastien Bertaud, création pour le Ballet de l’Opéra de Paris unanimement saluée en 2017. C’est un plaisir de voir les nouvelles Étoiles s’approprier cette chorégraphie à l’esthétique très travaillée. Bleuenn Battistoni et Paul Marque relèvent avec brio le défi technique. Les costumes scintillants seconde peau d’Olivier Rousteing de la maison Balmain sont toujours aussi extraordinaires pour souligner les détails de ces mouvements haute couture. On se plait à imaginer que Renaissance soit repris au Palais Garnier avec la génération montante. José Martinez était dans la salle du Grand-théâtre le soir de la première. Qui sait ?
Merci à Sandrine Chatelier pour les photos.
Gala d’étoiles à l’Opéra national de Bordeaux. Directeur de la danse : Éric Quilleré.
1ère partie : Delibes Suite de José Carlos Martinez avec Mathilde Froustey et Riku Ota (Ballet de l’Opéra de Bordeaux), Giselle de Peter Wright d’après Jules Perrot, Jean Coralli et Marius Petipa, pas de deux de l’acte II avec Ksenia Shevtsova et Jakob Feyferlik (Bayeriches Staatsballet de Munich), La Belle au bois dormant de Rudolf Noureev, pas de deux du 3e acte avec Bleuenn Battistoni et Paul Marque (Ballet de l’Opéra de Paris), Jewels de George Balanchine, pas de deux Diamonds avec Xu Yan et Li Wentao (Ballet national de Chine).
2e partie : Notre-Dame de Paris de Roland Petit, pas de deux d’Esmeralda et Quasimodo avec Mathilde Froustey et Oleg Rogachev (Ballet de l’Opéra national de Bordeaux), Radio & Juliet d’Edward Clug avec Ksenia Shevtsova et Jakob Feyferlik (Bayeriches Staatsballet de Munich), Sacrifice de Fei Bo avec Xu Yan et Li Wentao (Ballet national de Chine), Renaissance de Sébastien Bertaud avec Bleuenn Battistoni et Paul Marque (Ballet de l’Opéra national de Paris).
Jeudi 20 février 2025 au Grabd-Théâtre.
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Lucie
J’étais à la deuxième soirée !
Je vous rejoins sur quasi tout. Mais Renaissance franchement… j’ai été déçue. Un manque cruel de créativité mis à part 2 passages… c’était fade pour finir la soirée (ça reste mon ressenti !)
Ah et le son de Giselle…
Ce sont les 2 seuls points noirs de cette soirée bordelaise !
Hâte d’y retourner pour le Corsaire !!