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Adieux à la scène de Ludmila Pagliero le 17 avril

Ludmila Pagliero, Danseuse Étoile depuis 13 ans au Ballet de l’Opéra de Paris, fait ses Adieux à la scène le 17 avril. Elle a choisi une œuvre collective : Appartement de Mats Ek. Retour sur sa carrière, aux multiples directions, en fouillant dans nos archives et nos souvenirs.

 

La Danseuse Étoile Ludmila Pagliero

 

Ce sont des Adieux à la scène presque en catimini : le 17 avril, la Danseuse Étoile Ludmila Pagliero fait sa dernière révérence sur la scène du Ballet de l’Opéra de Paris. Non pas dans un grand rôle classique, mais dans une pièce de groupe contemporaine, Appartement de Mats Ek. Un départ à son image, celle d’une danseuse discrète mais qui a forgé une relation solide avec le public, même si les débuts n’ont pas été si simples, et avec une œuvre d’un chorégraphe qu’elle a dansé tout au long de sa carrière. Le ballet classique, elle lui a déjà dit au revoir : c’était il y a un peu plus d’un mois, dans le rôle de Tatiana dans Onéguine de John Cranko, aux côtés de Mathieu Ganio qui faisait ses propres Adieux à la scène.

Née en 1983 à Buenos Aires, en Argentine, Ludmila Pagliero se forme à l’Institut Supérieur des Arts du Théâtre Colón et démarre sa carrière en 2000, au Ballet de Santiago du Chili, où elle devient Soliste au bout de deux ans. Mais cela ne lui suffit pas. Sans connaître personne, elle tente le Concours externe du Ballet de l’Opéra de Paris et est engagée en 2003. Elle incarne ainsi une certaine ouverture de la compagnie dans les années 2000, où des artistes qui n’avaient jamais mis un pied à l’École de danse commencent à être engagé dans le Ballet, après avoir fait leurs preuves un temps en tant que surnuméraire. Sae Eun Park, Hannah O’Neill ou plus récemment Shale Wagman ont ensuite fait de même. Ludmila Pagliero franchit relativement vite les échelons : Corypĥée en 2007, Sujet en 2008, Première danseuse en 2010. Entre-temps, elle découvre son premier grand rôle : celui de Garance dans Les Enfants du Paradis de José Martinez. Elle représente bien alors le type de danseuse qu’apprécie Brigitte Lefèvre, la directrice de la compagnie : une ballerine polyvalente, qui assume le classique et s’investit dans le répertoire contemporain. Ses rôles sont à cette image. Elle brille ainsi dans La Maison de Bernarda de Mats Ek, découvre Odette/Odile, Gamzatti ou Paquita, assume La Cigarette dans Suite en blanc de Serge Lifar et s’investit dans Rain d’Anne Teresa de Keersmaeker, danse plusieurs rôles dans La Dame aux camélias de John Neumeier, se plonge dans le répertoire américain de George Balanchine et Jerome Robbins.

 

Ludmila Pagliero avec Hugo Marchand – Trois Gnossiennes de Hans van Manen

 

La danseuse assure, toujours. Néanmoins, elle n’a pas forcément, à ce moment-là, de place particulière dans le cœur du public. Plutôt discrète, elle a encore du mal à marquer les rôles de son empreinte, à montrer une forte personnalité en scène. Surtout qu’à côté brillent des danseuses bloquées dans la hiérarchie, moins polyvalentes mais au tempérament plus affirmé, comme Mathilde Froustey ou Myriam Ould-Braham. Alors quand Ludmila Pagliero est nommée Danseuse Étoile le 22 mars 2012, à l’issue d’une représentation de La Bayadère de Rudolf Noureev, c’est un peu la soupe à la grimace sur les réseaux sociaux, alors en pleine expansion. Cette nomination est pourtant rocambolesque. Ludmila Pagliero danse à ce moment-là Appartement de Mats-Ek. Mais au jeu des blessures et des changements de distributions, elle est rappelée en urgence pour danser Gamzatti, un rôle qu’elle connaît déjà, pour une représentation qui sera diffusée en direct dans les cinémas du monde entier. Et c’est ainsi, en mondiovision, que Ludmila Pagliero est nommée Danseuse Étoile.

La ballerine poursuit ensuite son chemin. Et petit à petit, elle gagne le cœur du public, à la force du chausson. Ludmila Pagliero affirme tout d’abord une technique brillante, jamais prise de court. Une qualité bienvenue alors que la génération d’Étoiles sur scène est un peu en flottement. Elle sauve ainsi en 2012 une série mouvementée de Don Quichotte, marquée par de multiples changements de distributions, en assurant plus du tiers des représentations dans le rôle si redoutable de Kitri. Mieux : c’est elle, danseuse née en Argentine qui n’a jamais mis un pied à Nanterre, qui est choisie pour danser Célébration de Pierre Lacotte, emblème de la danse française, pas de deux monté pour le tricentenaire de l’École française de danse. Elle l’interprète avec Mathieu Ganio, avec qui elle mènera un beau compagnonnage artistique durant toute sa carrière. Et puis la ballerine s’affirme, s’empare des rôles avec plus de lâcher-prise. Peut-être est-ce le poids de l’attente de la nomination en moins. Et petit à petit, un lien solide se tisse entre le public et elle, ballerine toujours aussi discrète, presque modeste, qui s’efface toujours derrière le rôle, le spectacle, le/la chorégraphe. Ludmila Pagliero fait partie des danseuses qui auront connu quatre directions très différentes. Elle s’y est à chaque fois acclimatée : son répertoire resta polyvalent sous Brigitte Lefèvre, elle se glissa avec joie chez George Balanchine et Jerome Robbins avec Benjamin Millepied, se tourna vers un registre plus contemporain avec Aurélie Dupont.

 

Appartement de Mats Ek – Ludmila Pagliero

 

Il n’est ainsi pas forcément facile de lui distinguer un rôle en particulier, un style, un ballet qui lui allait mieux qu’un autre. Pour ma part, je retiens son formidable travail avec Mats Ek, sur différentes pièces tout au long de sa carrière. Et puis La Sylphide de Pierre Lacotte en 2017. Elle y dansait le rôle-titre avec Josua Hoffalt (on ne le savait pas alors, mais il s’agira de son dernier spectacle à l’Opéra), un danseur avec qui elle fournit un partenariat fructueux. Et il s’est passé quelque chose de précieux ce soir de juillet : un état de grâce particulier entre les deux protagonistes, un aboutissement, un supplément d’âme. Ce fut l’une de mes plus belles soirées à l’Opéra de ces dix dernières années. Je le dis d’autant plus que Ludmila Pagliero n’était pas de celle qui me touchait lors de sa nomination. J’ai appris à apprécier sa personnalité artistique, sa danse tellement intelligente, toujours, sa certaine réserve aussi. D’autres rôles pourraient être évoqués. Je pense à sa Kitri il y a quelques années et son duo explosif avec Mathias Heymann, leur si beau Other Dances de Jerome Robbins, son partenariat plus glamour avec Hugo Marchand dans Trois Gnossiennes de Hans Van Manen, sa présence dans le groupe dans The Seasons’ Canon de Crystal Pite ou Blake Works de William Forsythe, sa Carmen de Roland Petit, sa danse féline dans Glass Piece de Jerome Robbins. Sans oublier les œuvres néo-classiques narratives, avec en tête Tatiana dans Onéguine de John Cranko. Les pièces qu’elle a traversées forment un bon résumé du répertoire de l’Opéra de Paris sur ces quinze dernières années. Et sa polyvalence fut sa force, sa particularité.

Après le Covid, Ludmila Pagliero revient un peu sur la pointe des pieds. Elle danse moins, elle prend quelques mois de congé, multiplie les projets à l’extérieur. À l’automne dernier, une énième blessure la prive de Mayerling de Kenneth MacMillan. L’arrêt forcé de trop ? Ludmila Pagliero décide de ne pas aller au bout des 42 ans et demi et de s’arrêter avec Mats Ek. Savoir s’arrêter au bon moment est aussi une qualité.

 

La Sylphide de Pierre Lacotte – Ludmila Pagliero et Josua Hoffalt

 
 

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Commentaires (2)

  • Mathilde

    Je me rappelle de « Palais de Cristal » avec Ludmila Pagliero et Karl Paquette vu en retransmission en 2014. C’était magnifique et tellement musical, j’en ai eu les larmes auz yeux.

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  • Elisa

    L’Etoile la plus complète de ces dernières années ! Classique, contemporain, créations… Elle est à l’aise et superbe dans tout. Elle va manquer (et quelles lignes… !)

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