Programme Racines par le Ballet de l’Opéra de Paris – Qui voir danser sur scène
En parallèle de Giselle, le Ballet de l’Opéra de Paris propose jusqu’au 10 novembre à l’Opéra Bastille un programme néo-classique en trois pièces, Racines. D’abord la reprise de Thème et Variations de George Balanchine, pièce fondamentale du répertoire du maître américain. Puis deux pièces récentes entrent au répertoire, montrant comment la technique classique est utilisée aujourd’hui : Corybantic Games de Christopher Wheeldon et Rhapsodies de Mthuthuzeli November. Passage en revue des différentes distributions.

Thème et Variations de George Balanchine – Valentine Colasante et Paul Marque en répétition
Thème et Variations de George Balanchine
Créé en 1947, Thème et Variations fait partie des grandes pièces de George Balanchine. Elle rend hommage à Marius Petipa, de par ses costumes fastueux et ses nombreuses références aux ballets de Tchaïkovski dans la chorégraphie. C’est un morceau de bravoure technique, de musicalité permanente. Mais il ne faut pas non plus le danser trop au sérieux : Thème et Variations, c’est aussi le jeu de la virtuosité, de la joie de danser. Ces derniers temps, la compagnie parisienne n’est pas forcément à son aise dans l’œuvre de George Balanchine qu’elle danse peu. Peut-être prend-elle parfois un peu trop au pied de la lettre le jeu de l’abstraction. Pourtant, Thème et Variations est un joyau, et un magnifique morceau pour le couple de solistes.
Valentine Colasante et Paul Marque : les 6, 15, 18 et 24 octobre.
Bleuenn Battistoni et Thomas Docquir : les 9, 12 et 17 octobre.
Inès McIntosh et Francesco Mura : les 23 et 29 octobre, le 7 novembre
Roxane Stojanov et Lorenzo Lelli : le 28 octobre, les 6 et 10 novembre
Quatre couples se succèdent, qui devraient donner des tonalités fort différentes au ballet. D’abord Valentine Colasante et Paul Marque, les flamboyants. L’on imagine une grande danseuse lyrique et élégante, évanescente pour ce ballet hommage à Petipa. Cela peut l’être… et cela peut être aussi totalement autre chose. Valentine Colasante, danseuse spontanément plus de caractère, avait ainsi été une très bonne surprise dans ce ballet, lors de la dernière reprise il y a dix ans : parce qu’elle n’a peur de rien, a envie de faire le spectacle, de débouler en scène, d’y briller et de s’y s’amuser, et c’est aussi tout ce que demande ce ballet. Elle forme un joli duo avec Paul Marque dans ce genre de chose, lui danseur si brillant. C’est un partenariat qui marche et qui pourrait justement empêcher à Thème et Variations d’être trop sage. Ce serait le défaut dans lequel ne devront pas tomber Bleuenn Battistoni et Thomas Docquir. Couple élégant, que l’on voit si bien dans les évocations de La Belle au bois dormant ou du Lac des cygnes, semble être le couple le plus harmonieux pour ce ballet, le plus musical. Mais il ne faudrait pas être trop sérieux.
L’on n’a pas franchement peur de ça pour Inès McIntosh et Francesco Mura, à vrai dire le duo qui me tente le plus sur le papier pour Thème et Variations. Ils ont le sens de la danse académique avec ce petit côté « Je prends crânement les difficultés et j’en fais ce que je veux » qui va très bien aux pièces du maître américain. Roxane Stojanov et Lorenzo Lelli sont le couple qui attisent la curiosité. Roxane Stojanov a quelque chose de flamboyant dans les ballets Noir et Blanc de George Balanchine, des lignes qui vont si bien aux twists chorégraphiques de ces ballets-là. Thème et Variations, ce n’est pas exactement pareil, mais la jeune Étoile est brillante en ce moment, épanouie et tout semble lui réussir. On aura beaucoup de curiosité à la découvrir ainsi dans autre chose. Idem pour le jeune Lorenzo Lelli, qui après Désiré (ce qui n’était pas rien), se voit confier l’un des plus beaux ballets de George Balanchine. Un couple inédit, qui devra se montrer complice en scène.

Thème et Variations de George Balanchine – Inès McIntosh et Francesco Mura en répétition
Rhapsodies de Mthuthuzeli November
Mthuthuzeli November, c’est la découverte du programme. Et, enfin, l’idée d’un répertoire d’aujourd’hui travaillant le langage académique à l’Opéra de Paris. Il en aura fallu du temps. Mthuthuzeli November a un parcours atypique, découvrant la danse sur le tard en Afrique du Sud, son pays natal, avant de danser à la Cape Dance Company ou au Ballet Black. Depuis une dizaine d’années, il chorégraphie, surtout pour des compagnies classiques pour l’English National Ballet, le Northern Ballet ou récemment le Ballet de Zürich. C’est là qu’il a créé son ballet Rhapsodies, qui fait son entrée au répertoire à Paris. Une pièce sur pointes, allant à toute vitesse sur la musique de George Gershwin, qui attise beaucoup de curiosité.
Letizia Galloni et Yvon Demol : les 6, 9, 18 et 24 octobre, le 7 novembre.
Célia Drouy et Axel Ibot : les 12, 15, 17 et 29 octobre.
Hohyun Kang et Pablo Legasa : les 23 et 28 octobre, le 6 novembre.
Difficile de trop s’engager sans connaître l’œuvre, mais sur le papier, voilà trois duos très prometteurs, dans la danse rapide, joueuse et complexe que semble proposer le chorégraphe. Letizia Galloni et Yvon Demol, c’est le duo des anciens, plutôt tournés vers le contemporain ces dernières années sans jamais délaisser les classiques, notamment pour elle. C’est une histoire de maturité, de précision. Célia Drouy et Axel Ibot, c’est le duo de choc : deux générations différentes (plus de dix ans d’écart), deux parcours bien différents (lui a touché à énormément de styles différents). Mais on se réjouit de les voir en soliste l’un comme l’autre, ce qui n’arrive plus si souven alors qu’ils ont tant de personnalité, Enfin Hohyun Kang et Pablo Legasa, le duo tout feux tout flamme. L’année dernière, ils avaient cassé la baraque dans Blake Works de William Forsythe. La pièce de Mthuthuzeli November, qui se glisse dans une certaine filiation vis-à-vis du maître, devrait leur aller comme un gant.

Rhapsodies de Mthuthuzeli November – Yvon Demol et Letizia Galloni en répétiton
Corybantic Games de Christopher Wheeldon
Cela fait plus de vingt ans que Christopher Wheeldon fait partie des chorégraphes les plus bankables chez les compagnies de ballet. Corybantic Games n’est pas forcément sa pièce la plus emblématique, créée en 2018 au Royal Ballet sur la musique de Bernstein. Mais on peut faire confiance au savoir-faire du chorégraphe pour proposer des œuvres sur la technique classique efficaces.
Bleuenn Battistoni et Thomas Docquir (1er mouvement – Premier couple), Silvia Saint-Martin et Pablo Legasa (1er mouvement – Deuxième couple), Hohyun Kang (2e mouvement – Soliste), Inès McIntosh et Jack Gasztowtt (3e mouvement – Pas de deux), Bleuenn Battistoni, Silvia Saint-Martin, Hohyun Kang, Florent Melac, Pablo Legasa et Thomas Docquir (4e mouvement – Soliste), Roxane Stojanov (5e mouvement – Soliste) : les 6, 15, 18, 23, 24 et 29 octobre. Avec Valentine Colasante (5e mouvement – Soliste) : le 6 novembre
Naïs Duboscq et Lorenzo Lelli (1er mouvement – Premier couple), Roxane Stojanov et Enzo Saugar (1er mouvement – Deuxième couple), Lucie Devignes (2e mouvement – Soliste), Nine Seropian et Francesco Mura (3e mouvement – Pas de deux), Naïs Duboscq (4e mouvement – Soliste), Roxane Stojanov, Lucie Devignes, Alexander Maryianowski, Enzo Saugar et Lorenzo Lelli (4e mouvement – Soliste), Valentine Colasante (5e mouvement – Soliste) : les 9, 12, 17 et 28 octobre.
Deux belles et foisonnantes distributions pour ce ballet, faisant la part belle aux Premiers danseurs et Premières danseuses et Sujets expérimentés, avec les Étoiles Valentine Colasante et Roxane Stojanov pour donner le ton dans le dernier mouvement, ou Bleuenn Battistoni en ouverture. On y voit deux groupes plutôt homogènes, avec plein de personnalités – et les ballets de Christopher Wheeldon savent en général faire briller les solistes. Bref, il y a de quoi bien faire tous les soirs (à noter que les deux dernières représentations n’ont pas encore de distribution).

Corybantic Games de Christopher Wheeldon – Roxane Stojanov en répétition

