Tango After Dark – German Cornejo et Gisela Galeassi
Menée par German Cornejo et Gisela Galeassi, stars mondiales du tango argentin, la troupe de Tango After Dark, spectacle qui fait le tour du monde depuis plusieurs saisons, a posé pour la première fois ses valises à Paris, pour une courte série de trois dates. S’adressant à un large public, ce spectacle propose un véritable festival de démonstrations techniques. Et l’on ne peut qu’être bluffé par les danseurs et danseuses de la troupe, proposant une succession de duos qui se révèlent impressionnants de virtuosité. Dommage cependant que l’ensemble manque d’originalité et de prises de risque, entraînant quelques longueurs et un peu de frustration, malgré l’engagement profond des artistes.
Tango After Dark de German Cornejo et Gisela Galeassi
Après Londres et New York, c’est au tour de Paris de découvrir Tango After Dark, spectacle vendu comme le nouveau phénomène mondial du tango argentin. Pour l’occasion, la Salle Pleyel a pris des allures cabaret latin pour trois représentations. À la tête de cette entreprise on retrouve German Cornejo, champion du monde de tango en 2005, assisté à la chorégraphie par sa partenaire Gisela Galeassi, qui a également remporté le titre en 2003. Deux pointures de cette discipline jouissant d’une certaine notoriété publique grâce à des apparitions télévisées et qui ont collaboré avec des artistes d’univers très variés, allant de Jennifer Lopez à Sidi Larbi Cherkaoui. Depuis une dizaine d’années, ils se lancent dans la création de spectacles, se basant sur la technique traditionnelle du tango tout en l’amenant au XXIe siècle. Ce Tango After Dark en est la dernière mouture.
Le rideau s’ouvre sur l’orchestre de sept musiciens, dont les silhouettes se dessinent à travers une brume ambiante. Une voix nous évoque les chaudes soirées de Buenos Aires où les couples se retrouvent pour s’adonner à une danse pleine de passion. Ces femmes et ces hommes prennent progressivement possession du plateau tandis qu’une chanteuse émerge de la coulisse. Difficile de ne pas s’imaginer dans une taverne argentine, entouré par les vapeurs de cigares un verre un cocktail à la main. L’immersion est totale ! À l’heure où l’appel à la bande-son se fait de plus en plus fréquent (pour des raisons pratiques et financières), la présence des musiciennes et musiciens en plateau devient une surprise bienvenue. Elle est dans ce spectacle précieuse, contribuant à créer une atmosphère enivrante dans la froideur de cette immense salle.
Tango After Dark de German Cornejo et Gisela Galeassi
Côté danse, les duos s’enchaînent tout au long du spectacle, faisant étalage de leur virtuosité. Mes connaissances en tango se limitant à Danse avec les stars, je reconnais que je peux être facilement impressionnable devant ces performances. Mais ces danseurs et danseuses savent vraiment y faire, et ont livré tout au long du spectacle de magnifiques prestations, déployant une énergie vive, précise et (comme on attend d’une soirée tango) de sensualité. Les couples se succèdent dans un enchaînement de duos tous plus difficiles les uns que les autres. Rapidité de jeu de jambes, tours suivis dans un déséquilibre contrôlé, un délié du pied à faire baver d’admiration n’importe quel.le balletomanes… La chorégraphie offre une superbe démonstration technique, offrant à tous les artistes de montrer de quoi iels sont capables. Bien évidemment, German Cornejo et Gisela Galeassi, véritable couple vedette, ne se font pas prier dans cet exercice, exécutant l’un des tableaux les plus bluffants de la soirée avec des portés acrobatiques qui savent faire leur effet.
Si cet étalage de virtuosité réussit à captiver pendant la première partie, la deuxième s’essouffle assez rapidement. Il n’y a pas de mal à faire un spectacle cherchant uniquement à mettre en valeur la danse, mais il m’a manqué un semblant de fil conducteur pour être complètement emporté. Les tableaux s’enchaînent sans aucune narration et finissent au bout d’un moment par se ressembler, créant un sentiment de lassitude. La quasi totalité de la soirée se trouve également composée de duos entre une femme et un homme, avec de brèves transitions à quatre couples. Il devient donc difficile de s’extasier devant une énième figure technique. On peut ainsi regretter qu’il n’y ait pas eu plus de variétés dans les formations. Le seul trio, mettant en scène deux danseurs et une danseuse, sort de ce fait du lot. Même si l’on n’évite pas le cliché des deux coqs se disputant les faveurs d’une femme aguicheuse, ce passage offre une diversité bienvenue dans un spectacle qui aurait mérité autre chose que des duos classiques. Quitte à rester en duo, il aurait été ainsi intéressant de, soyons fou, associer deux hommes ou deux femmes, même si, en me sachant devant un spectacle de tango à destination d’un large public, je ne m’attendais pas à y voir bousculer l’hétéronormativité des danses standards. Ainsi, au-delà des quelques longueurs créées par ces répétitions, le spectacle manque d’un brin d’audace pour marquer les esprits et véritablement émouvoir. Et si la démonstration technique est bien là, l’ensemble reste finalement assez propre et sage. En tant que néophyte du tango, je suis ressorti du spectacle avec le plaisir d’avoir vu de magnifiques interprètes. Mais aussi la sensation d’avoir été conforté dans l’image du tango que renvoient les médias mainstream. Cette danse semble avoir pourtant beaucoup plus de choses à offrir.
Tango After Dark de German Cornejo et Gisela Galeassi
Tango After Dark de German Cornejo, assisté de Gisela Galeassi. Musique d’Astor Piazzolla. Avec German Cornejo, Gisela Galeassi, Solange Acosta, Camila Alegre, Mariano Balois, Jose Fernandez, Hebe Hernandez, Juan Malizia Ezequiel, Lopez Noelia, Pizzo Manuela Rossi, Nicolas Schell, Micaela Spina, Max Van De Voorde, Matias Vidoni, Martina Waldman, Jesus Hidalgo et Antonella Cirillo (les chanteur.euses), Diego Ramos, Clemente Carrascal, Gemma Scalia, Tomas Falasca, Benjamin Ciprian, Ovidio Velazquez et Jeronimo Izarrua (les musicien.nes). Jeudi 16 octobre 2025 à la Salle Pleyel.