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EcoleS de Danse – Paquita

Entremêlant l’amour et la richesse, Joseph Mazilier élabore dans Paquita un conte de fées aux douces allures de terroir espagnol. De nos jours, peu de créations ont été retenues du temps prolixe de la période romantique où, s’éloignant du monde onirique, la chaleur des danses gitanes et hispaniques venait nourrir l’imaginaire parisien. Paquita fait partie des ballets qui sont néanmoins parvenus jusqu’à nous. ÉcoleS de Danse s’intéresse ce mois-ci au ballet-pantomime devenu emblématique du répertoire français.

EcoleS de Danse – Paquita

 

La genèse en France

Crée le 1er avril 1846 avec Carlotta Grisi et Lucien Petipa (frère de Marius) dans les rôles principaux, Paquita est un ballet-pantomime mêlant tous les ingrédients du succès : exotisme, brio, folklore. Les danses nobles s’alternent avec les danses de demi-caractère où certaines femmes tenaient les rôles masculins aux tutus longs. Adèle Dumilâtre, créatrice de Myrtha dans Giselle, dansait ainsi un pas de deux au bras de la danseuse Adeline Plunkett. La danse et les choix chorégraphiques restent teintés du succès de Giselle. En témoigne cette citation de Théophile Gautier à propos de Carlotta Grisi : “Ces espèces de sauts à cloche-pied sur la pointe de l’orteil avec un mouvement d’une vivacité éblouissante qui causent un plaisir mêlé d’effroi car leur exécution paraît impossible, bien qu’elle se répète huit ou dix fois…” . 

Paquita disparut du répertoire cinq ans plus tard et manquera d’être perdu du fait d’une tradition orale peu efficace à la transmission. Heureusement, un travail continu de reconstitution a pu s’élaborer pour faire parvenir jusqu’au XXIe siècle une ou des versions de cette oeuvre.

EcoleS de Danse – Paquita

Sous l’âme slave

Comme souvent, le ballet oublié à Paris retrouve une deuxième vie en Russie, avec Marius Petipa. Installé à Saint-Pétersbourg, il parvient par l’intermédiaire de son frère à proposer une première reprise de l’oeuvre. Épaulé par Minkus, compositeur emblématique de ballets, ils assurent la création des danses ajoutées. Usage très fréquent à cette période, Minkus et Marius Petipa considéraient comme interchangeables certains morceaux pour les utiliser dans d’autres ballets. Il est même admis que cela était synonyme du cheminement normal de toute création. Selon les version, l’on peut donc retrouver quelques musiques de Paquita dans La Bayadère

Des danses sont ajoutées. Évoquant l’allégresse d’une célébration, le pas de trois, le Grand Pas et la Mazurka des enfants sont des nouvelles entrées successives favorisant une forme chorégraphique brillante typique, que l’on peut retrouver dans La Belle au bois dormant. Le mariage d’Aurore du troisième acte est ainsi un prétexte judicieux pour l’élaboration d’un ensemble de variations très virtuoses. Véritable invitation à la danse et moment de prédilection, ils dévoilent avec brio le talent des différents interprètes. La modernité du tutu plus court tel qu’on le connaît de nos jours favorise aussi la dextérité et le levé de jambe, tout comme les grands jetés et les fouettés de la coda. Le final de Paquita comprend ainsi, outre l’adage et les deux variations des Étoiles, plusieurs variations de solistes. 

Au fil des décennies et au paroxysme de leur art, l’école russe conserve essentiellement ce final si éclatant et emblématique de PaquitaLa transmission fut assurée au XXe siècle par Natalia Makarova pour l’Américain Ballet Theatre, puis par George Balanchine dans un extrait du pas de trois.

EcoleS de Danse – Paquita

Retour aux sources

Malgré le peu de sources et le manque d’intérêt  pour ce type de répertoire, le chorégraphe français Pierre Lacotte propose en 2003 une version de référence au plus près de l’original tout en gardant au premier plan pantomime et jeu de scène. Il modernise l’espace scénique par un corps de ballet plus masculin tout en se rapprochant de la version d’origine dans l’esthétisme des costumes des tutus longs, en exploitant à merveille l’exotisme de l’Espagne comme une incitation au voyage.

Pierre Lacotte recueille avec finesse et rigueur le passé de cette oeuvre. Le dernier tableau présente la version russe de Paquita. Cependant, certaines variations – toujours dansées en concours ou prisées des connaisseur.se.s – sont jugées inappropriées et retirées du ballet afin d’assurer une parfaite cohésion esthétique et un équilibre chorégraphique. Le Grand pas ne comprend plus ainsi que les passages de Lucien et Paquita.

Au final, Paquita pour le Ballet l’Opéra de Paris présente maintenant un équilibre entre les actes, une montée en puissance technique et une apothéose des deux rôles principaux sublimés par l’ensemble du corps de ballet, une version plus subtile et moins manichéenne.
 

Tel un archéologue, la reconstitution de ballet est le pur reflet du chorégraphe qui révèle, à l’image d’une découverte, la valeur du passé. Après Pierre Lacotte qui redore ainsi l’héritage et le style français avec ce ballet, Alexei Ratmansky a lui aussi proposé sa version de Paquita, en 2014, en s’appuyant sur les notations de la version russe. 

 

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