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J’ai testé pour vous : le concours interne de promotion du Ballet de l’Opéra de Paris

Comme je vous l’ai dit dans un précédent billet, j’étais l’une des spectatrices du concours annuel de promotion du Ballet de l’Opéra de Paris.

Et après les résultats, place à l’ambiance et au déroulement de ce concours, qui mérite bien un billet complet. Surtout que ce concours 2010 masculin était une première pour moi.

Première remarque : ce concours, c’est épuisant. Même pour moi. Je n’étais pourtant pas très concernée, puisque qu’aucun candidat n’était un proche. Mais la chape de stress qui s’abat sur Garnier ce jour-là est terrible.

Je n’ai pourtant pas fait grand chose de ma journée, à part rester assise dans la salle, rester assise au resto, re-rester assise dans la salle, attendre à l’entrée des artiste, rester assise aux guichet pour Paquita, voir Paquita (debout). Et je suis rentrée chez moi épuisée.

D’abord, qui trouve-t-on dans ce public du concours ? Beaucoup de gens en béquilles, les malchanceux blessés. Les proches des concurrents, leurs familles, leurs parents, leurs amis, leurs chéri(e)s, leur professeur, leur coach, leurs fans. Avec tou(te)s une boule incroyable de stress au ventre. Epuisant, je vous dis. Mais ça permet de voir quelques danseur(se)s en civil. S. est vraiment super grand, L. a objectivement un visage adorable. On croise les maître de ballet, Elisabeth Platel, une foule de Petits Rats, tout le petit monde du ballet.

Un concours, ensuite, ça se prépare psychologiquement. L’épreuve commençait à 10h. A 9h15, Garnier était bondé. Tout commence par la guerre des places : ça en cherche, ça en trouve, ça en trouve des meilleures, ça en échange, ça crise un peu (merci L. et J. au passage !). Puis ça parle du concours de la veille, celui des femmes. Une nuit n’a pas été de trop, et les avis se partagent à tête reposée, pour finalement trouver unanimement que, ne pas attribuer une place de première danseuse, c’était tout ce qu’il y a de plus normal.

Place ensuite aux pronostics. Qui a une chance ? Qui n’en n’a pas ? Qui est sûr d’être pris ? Qui est sûr d’être classé mais pas pris ? Quel juré va soutenir quel candidat ? Quel scandale est potentiellement en préparation ? C’est Agnès Letestu sur la gauche ? On mange où à midi ?

Puis chacun(e) va se mettre à sa place, crayon à la main prêt(e) à se mettre dans la peau du jury.

Visuellement, la salle de Garnier un jour de concours, c’est intéressant. L’orchestre est vide, sauf une table au milieu pour le jury. Le reste de la salle est pleine. De haut, là où j’étais, on a vraiment l’impression de voir le public faire pression sur le jury pour tenter d’évacuer son stress. Mais ils sont bloqués par les barrières, ils doivent évacuer leur peur autrement (sur moi), et le jury reste intouchable.

Les lumières s’éteignent, la clochette retentit. Je ne sais pas où historiquement se situe l’arrivée de cette clochette, mais croyez-moi, elle est présente dans tous les conservatoires du pays. Un monsieur, qui semble aussi stressé que les candidats, vient nous demander de ne pas manifester par quoi que ce soit notre opinion. Traduire : ne pas applaudir. Personne n’applaudit, mais les “Hiiiiiiiii” étouffés à chaque équilibre raté sont par contre nettement audibles. Chacun passe, par classe, d’abord la variation imposée, puis la libre.

Je n’ose imaginer l’épreuve que ça doit être pour les danseurs. Il faut avoir un sacré recul pour se dire qu’il faut juste profiter de la scène. Car tout est fait pour bien vous faire comprendre que vous jouez votre carrière. Les variations imposées sont des pièges à technique, beaucoup de danseurs tombent dedans d’ailleurs (“Hiiiiiiiii“). Les libres sont plus intéressantes. Les choix personnels se font sentir, l’engagement artistique (ou non), la présence. Certains candidats nous font même oublier qu’il s’agit d’un concours, et nous offre de vrais moments de danse. Les plus anciens, souvent sans pression, sont souvent les meilleurs à ce jeu là.

Entre chaque classe, pause. Et papotage, décryptage, pronostic et potins (“P. a rigolé quand A. est monté sur scène pour sa libre“). Pression de tous les côtés. Epuisant.

A la pause resto, ça discute, mais doucement. Il y a des danseur(se) de partout.

Reprise. Cela passe plutôt vite, malgré la douzaine de Don Quichotte (je me suis réveillée le lendemain avec la musique dans la tête). Puis fin, et direction l’entrée des artistes.

Le public est à l’entrée, et regarde ce qui se passe de l’autre côté de la porte en verre, là où on ne peut pas aller. On n’entend pas, mais on voit. Les danseurs, les professeurs, leur tête, leurs réactions. Ils passent tous un par un devant nous pour sortir. Et là, ça rumeur à tout va. Quelqu’un lance que F. l’a eu, je demande deux fois d’où vient l’info, sans succès. Je suis journaliste, demandez d’Où tenez-vous vos informations ? est ma deuxième nature. M. fait un hugg à C, A. a une sale tête, un des répétiteurs a une sale tête. S. sort la gorge serrée.

Et puis, sans qu’on le voit venir (moi, en tout cas, je ne l’ai pas vu), les résultats sont affichés. Tout le monde se rue sous la pluie pour noter consciencieusement, les plus malins regardent au chaud par transparence. Je suis la première à twitter les résultats, on a les victoire qu’on peut.

Et qu’est-ce qu’on fait après ça ? On discute ! Il l’a bien mérité, C’était attendu, C’est un scandale, Le tout c’est qu’il passe, Il est encore jeune, Son choix de libre l’a desservi, Le jury a fumé ? Puis, comme il pleut, on arrête de discuter dehors pour aller discuter à l’Entracte ou aux guichets.

Et arrive le spectacle, quelques heures plus tard. La salle a repris sa tête habituelle, avec son lot de touristes et de spectateur(rice)s d’un jour. Les perdants et les gagnants sont sur scène pas toujours bien ensemble. Les rancoeurs et les joies doivent être oubliés. Le spectacle continue.

Un jour, je vous raconterais mon test de la remise des Prix de l’AROP. 

Commentaires (9)

  • Aurélie

    Très amusant compte-rendu! Epuisant en effet, on a vu 148 variations quand même! En essayant de se concentrer au maximum, c’est fatigant. Les danseurs, eux, n’en font que deux! 😉

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  • flo

    super ! on s’y croirait !

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  • c’est que c’est beaucoup fatiguant qu’on ne le croirai!

    Vraiment intéressant. Pouvoir se retrouver entre passionnés pour parler de choses qui n’intéressent absolument pas mes proches!!

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  • Merci pour ce compte-rendu ! En effet c’est très vivant, et très intéressant de découvrir ce concours vu de l’intérieur ! Ça doit être une belle expérience à vivre dans la vie d’une balletomane…

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  • Juste pour dire… Le monsieur si stressé qui annonçait aussi les passages… Il me permet de dire qu’il est attaché à la direction et… Fut lui aussi danseur ; pas évident de se souvenir des concours qu’on a soi-même passés, de l’autre côté du rideau… Imaginons aussi la pression pour le jury : des danseurs jugent leurs camarades…
    en tout cas : superbe concours messieurs ! aussi bien que celui de la veille !

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  • @ Aurélie : Non mais vraiment, on se demande de quoi ils se plaignent 😆
    @ Flo : Merci !
    @ Cams : toi aussi tu as parfois l’impression d’être une extra-terrestre quand tu parles de danse ? 😉
    @Pink Lady : c’est en effet passionnant. Je ne fais pas forcément attention aux personnalités du cdb (je me focalise plus sur l’ensemble), et c’est vraiment une occasion unique de les voir s’exprimer… et d’avoir de belles surprises.

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  • Déborah

    Très sympa ce compte rendu! J’aime beaucoup, en le lisant on retient sons souffle, on se crispe, on se détend…

    Simple question, pour espérer avoir une place, il faut une invitation ou est-ce qu’on peut les avoir sur le site de l’opéra comme pour les présentations de saison?

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  • @Déborah: Les places pour le concours, c’est uniquement sur invitations. Mais tu peux tenter le coup le jour même, ça échange sec sur les marches.

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  • Déborah

    D’accord, merci 😉

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