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Le Lac des cygnes de Rudolf Noureev par le Ballet de l’Opéra de Paris – Qui voir danser sur scène

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15 février 2019

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Le Lac des cygnes de Rudolf Noureev par le Ballet de l'Opéra de Paris reprend ses droits à l'Opéra Bastille, du 16 février au 19 mars. Ce ballet est régulièrement repris et c'est tant mieux : du corps de ballet aux personnages principaux en passant par les nombreux seconds rôles, l'on sent que la troupe possède ce ballet, l'a dans la tête et les corps, chose indispensable pour le faire vivre à sa juste valeur. Cette reprise s'accompagne de plusieurs prises de rôle intéressantes, mais s'inscrit aussi ans un moment de questionnement, alors que l'Opéra de Paris se cherche une nouvelle direction, y compris à la Danse. Cette série marque en effet les trois ans de prise de poste d'Aurélie Dupont, et l'on est plutôt dans un constat d'échec.

Les distributions sont d'ailleurs à l'image de ses choix : parfois incompréhensibles, en tout cas sans véritable logique apparente. François Alu n'a ainsi pas le droit à Siegfried car il ne serait pas assez prince, mais Rotbhart n'est quasiment attribué qu'à des danseurs plutôt princiers (même si cette notion d'emploi n'a plus franchement de sens au XXIe siècle). Les distributions de ce personnage pêchent spécialement, avec plusieurs jeunes sans aucune expérience, alors que Rotbhart en demande. Il est dommage ainsi de se passer de Premiers danseurs ou Sujets qui ont cette connaissance. C'est assez représentatif de la volonté d'Aurélie Dupont de se passer de toute la génération des trentenaires, qui auraient pourtant beaucoup à apporter. 

 

La distribution "Sil ne fallait qu'une"

Dorothée Gilbert (Odette/Odile), Hugo Marchand (le Prince Siegfried) et Thomas Docquir (Rothbart) : les 17, 20 et 23 février.

On a parfois de la peine à y croire, mais Dorothée Gilbert n'a encore jamais dansé le Cygne sur une scène parisienne. Un choix de la danseuse. Mais en 2019, alors qu'elle est au sommet de son art, l'Étoile a finalement décidé de s'emparer du rôle d'Odette/Odile, à la plus grande joie du public. Dorothée Gilbert éblouit à chacune de ses apparitions en scène, notamment dans les grands rôles narratifs, avec une maturité artistique, une intelligence théâtrale et une virtuosité affinée toujours au service du personnage. L'on ne peut que se réjouir de la voir enfin dans ce rôle mythique du répertoire. Avec Hugo Marchand, elle forme le duo idéal, complice et s'enrichissant mutuellement. Pour lui, il s'agira d'une prise de rôle, que l'on attend avec autant d'impatience. Bref, le couple à ne pas manquer de cette série - le couple phare de l'Opéra de Paris en ce moment d'une façon générale - qui aurait dû avoir la représentation retransmise au cinéma.  

Dommage toutefois que le trio ne soit pas forcément à la hauteur du duo. Rothbart est un personnage complexe, qui demande de la maturité théâtrale, un vrai sens de la scène et de la construction d'un personnage. C'est tout sauf un rôle secondaire. Et le confier à un jeune danseur qui n'a aucune expérience de soliste, même pas celle d'un pas de trois, semble relever de l'erreur professionnelle de la part d'Aurélie Dupont, voir d'une certaine inconscience de ce qu'est ce ballet. Thomas Docquir est un danseur prometteur et plein de talent, le balancer directement du corps de ballet à Rothbart n'est pas un cadeau, même s'il l'on espère bien sûr qu'il s'en sorte au mieux. 

 

La distribution équilibrée

EDIT - Suite à une blessure de Laura Hecquet, Sae Eun Park la remplace et dansera toutes ses dates aux côtés de Mathieu Ganio. Une belle chance pour la Première danseuse, qui avait déjà interprété Odette/Odile sous Benjamin Millepied. 

Laura Hecquet (Odette/Odile), Mathieu Ganio (le Prince Siegfried) et Jérémy-Loup Quer (Rothbart) : les 5, 8 et 11 mars.

Puisque l'on parlait plus haut du rapport entre les trois personnages, c'est en fin de série qu'arrive finalement le trio le plus équilibré de cette reprise. Laura Hecquet et Mathieu Ganio sont deux Étoile sensibles, plutôt bien assorties, très à l'aise dans ce genre de répertoire. L'on imagine sans problème ce couple dans ce ballet, leur complicité, d'autant plus que Laura Hecquet a été nommée Étoile dans le rôle d'Odette/Odile. Jérémy-Loup Quer commence pour sa part à avoir une vrai expérience dans les rôles de demi-caractère, apportant des choses très personnelles et sachant faire vivre un personnage. Un trio prometteur et équilibré. 

Le Lac des Cygnes - Laura Hecquet

 

La distribution choupette

Myriam Ould-Braham (Odette/Odile), Paul Marque (le Prince Siegfried) et Axel Magliano (Rothbart) : les 2, 6, 9 et 14 mars.

Myriam Ould-Braham est a priori bien plus une Giselle qu'un Cygne. Mais cette danseuse est un ovni. Lors de la dernière reprise, elle avait étonné dans sa prise de rôle, faisant d'Odette/Odile un personnage bien à elle, complexe et ambivalent, différente des autres. Paul Marque voit lui un premier rôle mérité. Depuis son statut de Premier danseur, il n'a cessé de progresser, de petits en seconds rôles. Lors des Fêtes, il a été brillant en Gaston Rieux (La Dame aux camélias) comme en Professeur de danse (Cendrillon). Le titulariser en Siegfried n'est qu'une récompense logique et un beau rôle qui arrive au bon moment dans sa carrière. Danseur sensible et musical, il devrait très bien s'accorder avec Myriam Ould-Braham, pour proposer un couple complice et romantique, dans la sensibilité. Mais la danseuse manque vite de confiance en elle. Paul Marque devra donc montrer que, outre être un bon danseur, c'est aussi un bon partenaire qui sait rassurer et mettre en valeur sa ballerine. Et il n'y a aucune raison qu'il n'y arrive pas. Cependant, face à ce couple plutôt doux, qui a le risque de tomber dans l'excès de timidité, l'on aurait préféré un Rothbart un peu plus brut de décoffrage, qui apporte à contrepoint intéressant. Axel Magliano n'a rien à se reprocher, mais son manque d'expérience devrait coûter. 

Le Lac des cygnes - Myriam Ould-Braham en répétition

 

La distribution Surprise

Amandine Albisson (Odette/Odile), Florian Magnenet (le Prince Siegfried) et François Alu (Rothbart) : le 26 février, les 1er et 3 mars. 

Oui, Amandine Albisson n'est pas forcément la plus à l'aise dans un rôle narratif. Mais les échos sur sa Dame aux camélias ont été plutôt bons, montrant chez elle un certain relâchement. Un déclic pour la danseuse ? On l'espère. Florian Magnenet, sans avoir l'aura d'une grande Étoile, s'empare toujours de ses personnages avec honnêteté et envie de bien faire, c'est aussi un bon partenaire. Un couple que l'on imagine finalement assorti, même si un peu trop sage sur le papier, trop convenu. Et si le Rothbart de François Alu venait un peu secouer tout ça ? On connaît la formidable théâtralité du Premier danseur, sa façon de prendre la scène et de faire vivre un personnage. Il pourrait bien donner le contrepoids à ce couple un peu trop gentil et le faire évoluer pour un meilleur équilibre. Une distribution finalement plus interpellante qu'il n'y paraît.

Le Lac des cygnes - Amandine Albisson

 

Les distributions À voir 

Léonore Baulac (Odette/Odile), Germain Louvet (le Prince Siegfried) et François Alu (Rothbart) : les 16, 19, 21 et 22 février. 

Germain Louvet a les lignes et la musicalité de Siegfried. Ne reste plus pour lui qu'à mettre ses tripes sur la table et d'arrêter de juste faire joli. Voilà deux ans que l'on attend ça après sa nomination d'Étoile sur ce même ballet, cette reprise sera peut-être la bonne. Il le devra en tout cas pour faire face à la présence de François Alu, qui risque de complètement l'écraser sur scène s'il se contente d'une belle danse. Léonore Baulac a beaucoup de qualités théâtrales et d'intelligence du personnage. Mais sa technique est faillible, cela a un peu trop coûté il y a un an dans Don Quichotte. La danse académique n'est pas forcément pour elle. Sa prise de rôle en Marguerite en décembre dernier a montré une sensibilité à fleur de peau, mais des difficultés pour sortir justement de cet aspect virginal. Et Odile en a pourtant besoin. Il n'est pas vraiment sûr que le Cygne soit son rôle, et lui donner la première comme la représentation filmée en direct au cinéma semble presque sonner comme un cadeau empoisonné. Quant au partenariat, ils sont mignons tout plein ensemble, mais l'on cherche encore une certaine émulation. Les remarques sont un peu dures sur ce couple, mais deux ans après leur nomination d'Étoile, on attend toujours, justement, de les voir véritablement en Étoile, de les voir marquer un rôle. L'on espère changer d'avis une fois sur scène pour cette reprise. 

Le Lac des cygnes - Léonore Baulac

Valentine Colasante (Odette/Odile), Hugo Marchand (le Prince Siegfried) et Florian Magnenet (Rothbart) : les 12, 15 et 19 mars. 

Valentine Colasante, c'est la danseuse de caractère, la terrienne, la gitane. Odette/Odile ne semble a priori pas franchement fait pour elle. Mais la danseuse a surpris plus d'une fois et pourrait encore le faire sur cette série, d'autant qu'elle a toujours une technique sûre. De son côté, Hugo Marchand est naturellement plus dans une veine de tragédien. Le partenariat semble de fait un peu bancal dans l'état d'esprit. Si Florian Magnenet semble avoir les traits de Siegfried, le voir en Rothbart sonne vraiment comme un contre-emploi. Voilà finalement trois interprètes qui ont leurs qualités propres, mais dont le tout semble dès le départ en vrai déséquilibre. Il faut espérer que le trio ait le temps de se construire en répétition. 

 

Du côté des seconds rôles

Les pas de trois, quatre Petits cygnes et autre leaders des danses de caractère ne sont pas indiqués sur le site de l'Opéra de Paris. Néanmoins, les pré-distributions laissent voir des choses intéressantes. Tout comme dans Don Quichotte où elles avaient brillé en amies de Kitri, Hannah O'Neill et Sae Eun Park sont cantonnées au pas de trois. En soi, cela correspond à leur statut de Première danseuse et il est intéressant de confier ces rôles brillants à des danseuses qui ont du panache, c'est aussi ce qui fait le sel de ce ballet. Mais il est dommage de voir deux ballerines aussi talentueuses dans la danse académique ne pas avoir leur chance dans le rôle principal, alors qu'elles semblent naturellement plus s'y porter que certaines Étoiles. 

Les distributions des danses de caractère sont plutôt intéressantes, avec des danseurs et danseuses expérimentées. Cela change tout dans la scène du bal. On note aussi les bonnes distributions de la jeune talent Bianca Scudamore, qui entre le pas de trois ou les Petits cygnes, est mise en avant comme il se doit à ce stade de sa carrière, tout comme Francesco Mura. À vrai dire pour ce dernier, avec la fougue qu'il a montré en Chef des gitans dans Don Quichotte il y a un an, un Rothbart n'aurait pas été inintéressant.  

 

Et vous, quelles distributions allez-vous voir ? Laquelle vous tente le plus ? 
 

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Amélie Bertrand

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