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Adieux à la scène d’Eleonora Abbagnato le 18 mai – Retour sur sa carrière

Eleonora Abbagnato, Danseuse Étoile de l’Opéra de Paris, fera ses adieux à la scène de l’institution le lundi 18 mai 2020, lors d’une soirée Carte blanche. Elle devait au départ partir sur Le Parc d’Angelin Preljocaj, mais les grèves en ont décidé autrement. D’origine sicilienne, la danseuse est arrivée en France à l’adolescence, d’abord à l’École de Danse de Marseille, puis à l’École de Danse de l’Opéra de Paris. Durant sa carrière, la ballerine s’est spécialement épanouie dans le répertoire néo-classique, comme Roland Petit, John Neumeier ou Angelin Preljocaj, d’où le choix de cette oeuvre pour ses adieux. Personnalité influence en Italie, elle dirige depuis quelques années le Ballet de l’Opéra de Rome, tout en, continuant à danser à Paris. Même si, depuis, l’Étoile a été moins régulière, elle garde une place particulière dans le coeur du public, par ses interprétations de personnages à fort tempérament.

La Dame aux camélias de John Neumeier – Eleonora Abbagnato et Stéphane Bullion

L’École française de danse a toujours noué des liens puissants avec l’Italie, que ce soit au XIXe siècle par ses maîtres ses et grandes ballerines. Encore aujourd’hui, elle attire souvent des artistes italiens dans ses rangs. Eleonora Abbagnato, Étoile emblématique de l’Opéra de Paris de ces dernières années, en fait partie. Née en 1978 à Palerme, en Sicile, elle découvre la danse à cinq ans. Sa vie change quand Roland Petit l’a choisie pour être Aurore enfant dans sa Belle au bois dormant. Le chorégraphe ne cessera depuis d’être un phare dans sa carrière, la choisissant régulièrement pour danser ses ballets. Aujourd’hui, Eleonora Abbagnato est l’une des personnalités qui comptent dans le monde de la danse pour remonter et faire revivre les oeuvres de Roland Petit.

Adolescente, la danseuse décide de poursuivre sa formation en France, d’abord à l’Académie Princesse Grace de Monte-Carlo, dirigée à l’époque par Marika Bresobrasova, puis en 1992 à l’École de Danse de l’Opéra de Paris, sous la direction de Claude Bessy. Trop âgée pour passer par le Grand stage, elle entre en tant qu’élève payante en quatrième division, avant de devenir une élève à part entière l’année suivante, en troisième division. En dernière année, elle se fait remarquer en dansant le rôle principal du Chevalier et la Damoiselle de Serge Lifar, présenté lors du spectacle de l’École de Danse.

Dès ce moment-là, Eleonora Abbagnato est perçu comme une Étoile en puissance. Elle est reçue dans le corps de ballet à 18 ans, en 1996, en même temps que Bruno Bouché ou Nicolas Paul, et devient Sujet seulement quatre ans plus tard, en 2000. Entre-temps, elle fut finaliste du Prix de Varna, lauréate du Prix du Cercle Carpeaux et du Prix de l’AROP. Elle a aussi très vite sa chance avec des rôles d’importance comme la demoiselle d’honneur dans Don Quichotte, le pas de deux des Écossais dans La Sylphide, le pas de deux de l’Oiseau bleu dans La Belle au bois dormant, l’une des deux soeurs dans Cendrillon, Gamzatti dans La Bayadère, Henriette et Clémence dans Raymonda. Parallèlement, les chorégraphes néo-classiques l’apprécient : William Forsythe lui confie The Vertiginous Thrill of Exactitude et Pas./parts, tandis que Roland Petit, qui ne l’a pas oubliée, lui offre le rôle de Marie dans Clavigo et la Mort dans Le Jeune homme et la Mort

Eleonora Abbagnato – Cheek to Cheek de Roland Petit

Quand elle passe Première danseuse en 2001, un avenir rapidement étoilé semble ainsi s’offrir à elle : une promotion rapide, déjà de l’expérience dans les ballets classiques, des chorégraphes qui l’apprécient, une direction (Brigitte Lefèvre) qui visiblement lui fait confiance… Mais la nomination ne vient pas. Pourquoi ? L’on murmure à l’époque qu’elle n’a pas le niveau technique requis pour être Étoile, selon les critères de l’époque (ce qui fait plutôt sourire aujourd’hui). Mais Eleonora Abbagnato continue sa carrière avec le même professionnalisme et la même fougue. Car c’est bien ça qui la caractérise en scène : sa capacité à interpréter des personnages forts et puissants, un tempérament de feu. Elle danse ainsi Anastasia dans Ivan le Terrible, Myrtha dans Giselle, Kitri, Carmen, Esmeralda dans Notre-Dame de Paris, Vivette dans L’Arlésienne. En 2005, elle est l’une des Eurydice choisies par Pina Bausch, puis l’Élue dans Le Sacre du printemps. Elle s’empare de Marguerite dans La Dame aux camélias, tout en dansant avec talent le répertoire néo-classique comme George Balanchine ou Jiří Kylián.

Son répertoire est riche, les années passent. Et alors que plus rien ne semblait finalement l’annoncer, peu avant son départ, Brigitte Lefèvre décide de la nommer Danseuse Étoile. Cela arrive le 27 mars 2013, dans un ballet de Roland Petit bien sûr, le rôle-titre de Carmen. Avec l’arrivée de Benjamin Millepied, Eleonora Abbagnato reste dans son répertoire. Mais une aventure de plus arrive dans sa vie, puisqu’elle prend en 2015 la direction du Ballet de Rome. Les choses vont mal pour la danse dans son pays natal. Mais cela n’empêche pas quelques Étoiles d’y être de véritables stars. Comme Roberto Bolle, qui remplit chaque année des amphithéâtres de 10.000 personnes pendant sa tournée d’été, ou Eleonora Abbagnato. Jouissant d’une forte influence en Italie, elle comprend qu’elle peut aider un ballet en difficulté. Elle prend donc les rênes de cette compagnie tout en continuant sa carrière à l’Opéra de Paris. Benjamin Millepied, alors directeur, n’y fait pas objection, et Eleonora Abbagnato continue à danser régulièrement sur la scène parisienne. Elle danse ainsi Le Parc, qu’elle connaît bien, Le Songe d’une nuit d’été ou Violin Concerto de George Balanchine, Daphnis et Chloé de Benjamin Millepied.

Le Sacre du Printemps de Pina Bausch – Eleonora Abbagnato

Avec l’arrivée d’Aurélie Dupont à la Direction de la Danse, Eleonora Abbagnato danse un peu moins souvent à Paris – Ce n’est pas mon choix, expliquait-elle à DALP en 2018. La ballerine revient tout de même danser La Dame aux camélias de John Neumeier ou Fancy Free de Jerome Robbins. En juillet dernier, elle fait une dernière et superbe prise de rôle en s’appropriant la Carmen de Mats Ek. Son dernier spectacle sera une carte blanche autour de Roland Petit, Angelin Preljocaj ou John Neumeier, des chorégraphes qui ont beaucoup compté dans sa carrière et u’elle programme régulièrement au Ballet de l’Opéra de Rome. Nul doute que le public sera présent et chaleureux pour les derniers pas sur la scène de l’Opéra de Paris de l’Étoile sicilienne. 




 

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