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Sorties de résidence – Le Ballet de l’Opéra de Lyon, Christian et François Ben Aïm, la compagnie HKC

Rentrée Covid oblige, certains théâtres ont préféré attendre octobre ou novembre pour la véritable reprise de leur saison de spectacles. Mais que proposer en attendant au public, avide de retourner dans les salles ? Plusieurs institutions de la danse ont ainsi choisi de profiter de ce temps pour organiser des sorties de résidence : des répétitions, des grandes leçons, des avant-premières, des présentations de travail avant la création dans quelques semaines ou quelques mois. Une façon de découvrir un travail en cours et comment il se façonne au fil des séances de travail. Pour septembre, DALP a assisté aux travaux en cours du Ballet de l’Opéra de Lyon, de Christian et François Ben Aïm ou de la compagnie HKC.

La première sortie de résidence, celle du spectacle Urgence de la compagnie HKC, dirigée par l”autrice Anne Rehbinder et le metteur en scène Antoine Colnota, a lieu sur la grande scène de la Maison de la Danse. Et ce n’est pas un hasard. Les cinq interprètes du projet ont en effet fait leurs premiers pas dans l’institution lors du projet Babel en 2015, autour d’interprètes amateurs. Certains sont depuis revenus à la Maison de la Danse en tant qu’ouvreurs, tous se sont mis à la danse plus sérieusement. Aujourd’hui, ces cinq sont danseurs professionnels et travaillent sur cette création avec le chorégraphe Amala Dianor.

La construction de la pièce, qui mêle danse et théâtre, est déjà bien en place. Lors d’une première partie centrée sur la danse, l’ensemble fonctionne surtout par l’énergie du groupe, avec une danse hip hop ample et généreuse. Mais les personnalités de chacun ont parfois un peu de mal à émerger. Il faut pour cela attendre les parties plus théâtralisées de la pièce, où chaque interprète se dévoilent à travers quelques phrases lancées au public : un souvenir, une blague, une histoire personnelle… Le procédé est souvent utilisé aujourd’hui sur la scène hip hop. Le tout surprend néanmoins car le texte ne se contente pas de faire de l’autoportrait : l’on part ainsi parfois dans toutes ces choses si graves ou si banales qui peuvent nous gâcher notre journée (“Je suis ton retard de train, ton retard de règle“), du monde qui change, de #MeToo, de la place à prendre pour les nouvelles génération… Finalement, l’on est séduit devant la sincérité et l’énergie de ces cinq interprètes, soudés autour de la chorégraphie d’Amala Dianor, qui lance à propos de ses interprètes : “Ces jeunes danseurs, c’était moi il y a 20 ans !“.

La première de Urgence est prévue à l’Espace Albert Camus de Bron les 1er et 2 juin 2021, dans le cadre de la Biennale de la Danse de Lyon. (Amélie Bertrand).

Le danseur de l’Opéra de Lyon Leoannis Pupo-Guillen

Changement de cap le lendemain, cette fois-ci dans le cadre intimiste du Studio Jorge Donn de la Maison de la Danse, pour une séance de travail autour du solo créé par Rachid Ouramdane pour Leoannis Pupo-Guillen, danseur du Ballet de l’Opéra de Lyon. Pour cette rentrée particulière, la directrice de la troupe Julie Guibert a monté le programme Danser encore, autour de sept solos créés spécialement pour des artistes du Ballet de l’Opéra de Lyon. Mais chaque danseur et danseuses de la troupe aura le sien, au fil de la saison. Leoannis Pupo-Guillen travaille pour sa part avec Rachid Ouramdane. Ils ont commencé les séances de travail il y a seulement quatre jours, le processus de création n’en est donc qu’à ses débuts.

Des choses que l’on voit aujourd’hui peuvent complètement voler en éclat et ne plus se retrouver dans le travail final“, prévient d’ailleurs Rachid Ouramdane en début de séance. Le chorégraphe a souhaité travailler sur l’enfance, comme il le fait sur beaucoup de ses pièces, et plus spécifiquement sur les enfants qui prennent soin des adultes. Leoannis Pupo-Guillen interprète un adulte qui parfois se perd, s’absente, ne semblant plus où il est. Parfois sa danse lui revient, il part dans un manège, une diagonale de déboulés, avant de s’absenter à nouveau. Et c’est l’enfant, ici imaginé ou parfois représenté par Rachid Ouramdane, peut-être qu’un véritable enfant sera sur scène, qui le ramène à la réalité.

Au-delà de la chorégraphie à mettre en place, il s’agit aussi d’instaurer un état d’esprit, une ligne conductrice dans le geste comme dans la pensée. L’on sent que le travail en est à ses débuts, que l’on assiste ici à la fondation du solo. Et c’est ce qui rend aussi ces séances publiques si intéressantes. L’on retrouve un peu plus tard Leoannis Pupo-Guillen sur la grande scène de la Maison de la Danse, pour une répétition de Wings of Wax de Jiří Kylián, en compagnie des autres membres du Ballet de l’Opéra de Lyon. Tout est ici déjà (pratiquement) en place : nous avons en face de nous une troupe qui possède l’oeuvre, elle qui danse Jiří Kylián depuis si longtemps. Il y a toujours du travail à faire : un déplacement à corriger, un mouvement à amplifier. Mais la danse puissance et signifiante du chorégraphe plane déjà.

Soirée Jiří Kylián à voir du 12 au 19 novembre à l’Opéra de Lyon (Amélie Bertrand).

La danse contemporaine est souvent sérieuse – trop ! – pour que l’on se réjouisse du dernier projet de Christian et François Ben Aïm. Les deux frères, danseurs et chorégraphes, ont décidé d’explorer le champ de l’humour, de la fantaisie et de la dérision pour bâtir leur prochain spectacle. Intitulé Facéties, il sera créé en janvier, mais l’on peut déjà voir le résultat de ce travail dans une série de sorties de résidence qui montrent une œuvre déjà très aboutie. Conçue pour trois danseuses et trois danseurs, elle offre un moment désopilant. Corps désarticulés comme des pantins, face-à-face improbables dans un concert d’allées et venues comiques qui vont chercher du côté de Jacques Tati ou de Charlie Chaplin. Ces artistes ont tous une formation différente, danse classique ou contemporaine, ce qui enrichit le vocabulaire collectif. Cette danse de l’absurde et du rire reste pourtant admirablement construite dans une géométrie parfaite qui est la signature des frères Ben Aïm. Il y aura encore quelques rendez-vous avec le public pour montrer ce work in progress avant le grand saut.

La première de Facéties est prévue le 12 janvier 2021 au Théâtre/scène nationale de Mâcon, puis en tournée. (Jean-Frédéric Saumont).

 



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