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Tamara Rojo, nouvelle directrice artistique du San Francisco Ballet

L’année 2022 s’ouvre avec un mercato en pleine ébullition ! Tamara Rojo, directrice de l’English National Ballet depuis dix ans et qui y a fait un travail formidable, quitte la troupe. Elle a en effet été nommée directrice artistique du San Francisco Ballet, l’une des plus belles troupes classiques outre-Atlantique. Tamara Rojo prendra son nouveau poste à la fin de l’année 2022.

La nouvelle bruissait déjà depuis quelques mois. Tamara Rojo, brillante directrice de l’English National Ballet, serait sur le départ. Seul un poste à la tête d’une grande compagnie mondiale pouvait la pousser à partir. L’on pouvait penser à l’ABT, dont le directeur Kevin McKenzie devrait partir en 2022 sans que l’on connaisse encore son.sa successeur.e. Mais c’est finalement pour le San Francisco Ballet que Tamara Rojo quitte l’Angleterre. Elle succèdera ainsi à la tête de la troupe à Helgi Tomasson, qui dirigeait le ballet depuis pas moins de 37 ans, à la fin de l’année 2022.

Après avoir été l’une des plus brillantes Étoiles de sa génération dans les années 2000, notamment au Royal Ballet, Tamara Rojo s’était imposée comme l’une des grandes directrices de ballet, avec son travail à la tête de l’English National Ballet. À son arrivée en 2012, la troupe était de bon niveau mais relativement assoupie. Tamara Rojo lui a redonné de l’éclat, un répertoire construit et l’a hissé dans les dix grandes compagnies de ballets au monde qui comptent. Elle a ainsi fait venir Le Corsaire dans la version de Anna-Marie Holmes, qui depuis a fait le tour du monde (y compris au Palais Garnier sous Benjamin Millepied). Elle a convaincu Akram Khan de créer pour une autre compagnie que la sienne, ce qu’il n’avait jamais fait. Cela a donné, entre autres, sa relecture de Giselle, avec le succès que l’on sait. Elle a fait entrer Le Sacre du Printemps de Pina Bausch au répertoire, venir William Forsythe pour son formidable Playlist (EP), mais aussi de jeunes chorégraphes comme Aszure Barton ou Yabin Wang, assumant de mettre en avant des femmes chorégraphe souvent oubliées. Sa dernière grosse production n’est pas des moindres : une nouvelle Raymonda, dans la chorégraphie d’origine de Marius Petipa mais avec un tout autre contexte pour se débarrasser des clichés racistes et sexistes qui peuvent perdurer. La première est prévue en janvier, il s’agit du premier pas de Tamara Rojo en tant que chorégraphe.

En dix ans, elle a également apporté un lieu à la compagnie : son propre centre de danse, pour les répétitions de la troupe mais aussi l’accueille de jeunes compagnies. Elle a su renouveler et agrandir les mécènes, aborder frontalement les problèmes de diversité et de sexisme sans y apporter de solutions simplistes, gérer et sortir renforcée d’une crise interne il y a quelques années en changeant le système d’évaluation des danseurs et danseuses, ouvert une plateforme de cours de danse en ligne pendant le confinement. Tamara Rojo a aussi amené sur le devant de la scène de nouveaux talents. C’est là d’ailleurs qu’apparaît l’un de ses échecs : elle n’a pas forcément su les retenir. Laurretta Summerscales et Yonah Acosta, qui ont tous les deux débuté à l’ENB, sont finalement partis au Ballet de Bavière. Cesar Corrales et Vadim Muntagirov sont allés aux Royal Ballet. Il y avait donc du travail pour fidéliser la compagnie, qui a parfois pu souffrir d’un trop gros renouvellement.

Le Corsaire – English National Ballet

La direction de Tamara Rojo ne semblait donc pas s’essouffler au bout de dix ans. Mais dire Non au San Francisco Ballet semble difficile. Voilà une très belle troupe américaine au répertoire profondément marqué par les ballets européens. Bien sûr George Balanchine et Jerome Robbins font partie de son répertoire, mais l’on y trouve chaque saison un, si ce n’est deux, ballets de Marius Petipa, et la compagnie possède à son répertoire des chorégraphes comme Serge Lifar. Le San Francisco Ballet est toujours de bon niveau, avec de magnifiques Principals – dont la française Mathilde Froustey, mais aussi les stars Misa Kuranaga ou Julian MacKay, et a la chance d’avoir une bonne école de danse. Mais après 37 ans de direction de Helgi Tomasson, il est plus que temps que la compagnie passe à autre chose. Il y a le répertoire classique dont les productions sont à revoir, plus d’audaces peut-être dans les créations. Peut-être aussi plus de tournées à l’étranger – on espère que la présence de Tamara Rojo permettra au SFBallet de revenir en Europe.

Tamara Rojo est attendue à San Francisco d’ici la fin de l’année 2022. Elle déménage avec son mari Isaac Hernández, brillant Principal à l’ENB, qui rejoint le San Francisco Ballet en même poste. Reste à savoir qui la remplacera à la tête de la troupe anglaise.

Pour aller plus loin : à lire dans The New York Times et The Times.

 



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