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Direction de la Danse de l’Opéra de Paris – Qui pour succéder à Aurélie Dupont ?

Après six ans à la tête de la Direction de la Danse de l’Opéra de Paris, Aurélie Dupont quitte son poste dès le 31 juillet. Qui pourrait la remplacer ? À l’heure où la troupe ne sait plus vraiment dans quelle direction artistique aller, doublé de lourdeurs administratives de plus en plus fortes, le profil devra allier une solide connaissance de la maison et une capacité à gérer une institution difficile. Alors une ancienne Étoile qui connaît la maison sur le bout des doigts ? Au contraire quelqu’un de l’extérieur pour repartir sur de nouvelles bases ? Et pourquoi pas un.e chorégraphe ? Petit tour d’horizon des possibles postulants et postulantes.

NB : Il ne s’agit pas ici de qui postule ou non, mais de qui pourrait avoir un profil intéressant pour l’Opéra de Paris. Voir un nom listé dans cet article ne signifie pas que la personne en question est intéressée par le poste… et inversement !

Défilé du Ballet de l’Opéra de Paris

Le processus de recrutement

L’institution a souvent pour habitude de recruter sans le dire. Cette fois-ci, une annonce très officielle a été mise en ligne. Chaque postulant et postulante doit envoyer un document d’une dizaine de pages expliquant “leur vision du développement artistique, économique, managérial et sociétal de la Compagnie et la prise en compte des enjeux de formation et de recrutement, en lien avec l’École de danse de l’Opéra“. Les dossiers doivent être envoyés d’ici le 12 août. C’est ensuite un comité de sélection, créé pour l’occasion et composé de Carolyn Carlson, Charles Jude et Angelin Preljocaj, qui se pencheront sur les dossiers reçus, choisiront ceux et celles qui seront auditonnées en septembre, et remettront une recommandation au Directeur de l’Opéra de Paris, qui prendra ensuite sa décision.

 

Les attendu-e-s

Anciennes Étoiles de l’institution, iels correspondent en tous points au profil recherché : “une personnalité reconnue sur le plan artistique, et dotée d’une expérience managériale avérée à la tête d’un ballet“, un “acteur reconnu et respecté du monde de la danse dont elle/ il possède une connaissance approfondie. Elle/il dispose d’un large réseau de contacts nationaux et internationaux“.

Manuel Legris – Chouchou du public, respecté des danseurs et danseuses, Étoile emblématique, formidable Directeur du Ballet de l’Opéra de Vienne qu’il a remis en dix ans sur le devant de la scène… Manuel Legris est de fait le favori au poste. Aujourd’hui à La Scala depuis deux ans, il n’a pas vraiment eu le temps de développer son projet à cause du Covid, partir maintenant pourrait être frustrant. À moins que l’Opéra de Paris ne soit trop tentant ? C’est aussi un directeur qui aime passer du temps dans les studios, faire répéter. Mais le poste à l’Opéra de Paris nécessite aussi une lourde part administrative.

Laurent Hilaire – Favori de Brigitte Lefèvre pour lui succéder en 2014, il est finalement parti pour le Ballet Stanislavski, où il a connu une belle réussite artistique. Directeur du Ballet de Bavière depuis quelques mois, il a une relation de confiance avec Serge Dorny, une compagnie stable sous la main avec de nombreux artistes russes, avec qui il aime bien travailler. Aurait-il envie de partir pour Paris, où il n’avait pas forcément été apprécié des danseurs et danseuses quand il était numéro deux de l’institution ?

Kader Belarbi – Après dix ans à la tête du Ballet du Capitole, Kader Belarbi pourrait légitimement avoir envie de faire autre chose, avec plus de moyens. Là encore, son bilan artistique est impeccable, avec une compagnie en forme, qui rayonne aussi bien avec le répertoire classique que des créations. Il a aussi eu le souci de monter de nouveaux ballets narratifs, un bon point pour l’évolution du répertoire. Peut-être manque-t-il d’un rayonnement international au Capitole par rapport à ses confrères ci-dessus ?

José Martinez – Directeur pendant huit ans de la Compagnie Nationale de Danse d’Espagne, il a là encore un très bon bilan artistique à faire valoir. Peut-être plus tourné vers le répertoire classique, il a monté de nouvelles versions d’œuvres du répertoire, comme Le Corsaire qui connaît un beau succès. Avantage pragmatique de taille : il est le seul à être actuellement disponible et pourra donc commencer tout de suite.

Eleonora Abbagnato – Qui suivait le Ballet de l’Opéra de Rome avant qu’Eleonora Abbagnato en prenne la tête ? Son bilan artistique est là encore impressionnant, avec un répertoire dynamique, une troupe stabilisée, le tout avec peu de moyens et sûrement beaucoup de système D. Néanmoins, elle est en Italie une véritable star, bien au-delà du cercle de la danse, un statut qu’elle n’a pas forcément en France.

Ces cinq profils ont le défaut de tous se ressembler. À savoir un bilan artistique impeccable, mais peu de choses faites – voire rien, en tout cas publiquement – sur les nouvelles questions sociétales qui agitent le ballet : lutte contre le harcèlement, lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans la danse, la place des danseurs et danseuses noires, la parité dans la programmation chorégraphique. Pas sûr que ce soit des arguments qui comptent pour tous les membres du comité de sélection (qui les connaissent tous au passage, des luttes de pouvoir sont à venir). Mais cela pourrait l’être pour Alexander Neef. Et si, à trop se ressembler, aucun des cinq n’était retenu ?

 

Les outsiders

Ils ont moins d’expérience que les nommé-e-s ci-dessous, mais gardent un bon réseau, un bilan à faire valoir et sûrement beaucoup d’ambition (ce qui n’est pas un défaut). Ils ont la bonne balance entre bien connaître la Maison et avoir fait leurs armes ailleurs. Il s’agirait pour Alexander Neef d’une relative prise de risque intéressante, mais ce dernier a peut-être plus envie d’un maximum de sûreté.

Bruno Bouché – Directeur du Ballet du Rhin depuis cinq ans, sa réussite est indéniablement à saluer. Il a su donner une couleur particulière à la compagnie, une belle dynamique, des créations intéressantes. Mais cinq ans, dont deux de Covid, c’est finalement peu, l’on aurait un sentiment d’inachevé s’il partait maintenant. Et son profil plus contemporain, avec une part importante à ses créations, n’est pas forcément ce qui correspond.

Nicolas Le Riche – Même constat : ses cinq ans au Ballet de Suède se sont bien passés, mais difficile de tirer un bilan au long cours avec le Covid. Nicolas Le Riche a toujours clamé son amour pour l’Opéra de Paris et son désir de travailler avec l’institution, malgré les complications du poste. Il se murmure qu’il quitterait la Suède en décembre. Opéra de Paris ou autre projet ?

Benjamin Pech – S’il n’a jamais dirigé de ballet, Benjamin Pech a toutefois plusieurs cordes intéressantes à son arc. Second d’Eleonora Abbagnato à Rome, il y fait un beau travail et a pleinement participé à la réussite de la compagnie. Sa version du Lac des cygnes a séduit. Il a également laissé un bon souvenir aux danseurs et danseuses de l’Opéra de Paris, alors qu’il était répétiteur sous Benjamin Millepied. Il a postulé pour d’autres directions de Ballet en France il y a quelques années, mais sans expérience. Expérience qu’il a maintenant acquise.

 

Les extérieurs

Après six années difficiles sous Aurélie Dupont, une personnalité venant de l’extérieur, avec une expérience différente, serait la bienvenue. Ce ne serait pas étonnant d’ailleurs qu’Alexander Neef préfère ce genre de profil. Sans toutefois être trop extérieur, rapport à Benjamin Millepied dont la greffe n’avait pas vraiment pris.

Thierry Malandain – Sur le papier, Thierry Malandain a tout simplement le profil idéal. Il est extérieur à la Maison et aura donc sur elle un regard neuf. Mais il est aussi un vrai et très grand connaisseur de l’Opéra de Paris, de son histoire et de son répertoire. Il dirige un magnifique CCN, certes bien plus petit que l’Opéra de Paris, mais qui a un fonctionnement très différent, notamment de nombreuses dates de tournées (dont beaucoup à l’étranger) et une politique de médiation culturelle exemplaire. Il a aussi été précurseur pour tout ce qui concerne la santé et la reconversion des danseurs et danseuses. Il est apprécié au ministère de la Culture ainsi que par chaque membre du comité de sélection. La seule question : à deux ans de la retraite, a-t-il envie du poste le plus compliqué de France ?

Nathalie Jacquel de Boucaud – Le grand public ne la connaît pas : normal, il s’agit d’une candidature montée en interne, lors des tous premiers mois de direction d’Aurélie Dupont, alors que ça tanguait sévère. Si elle ne correspond pas exactement au profil, Nathalie Jacquel de Boucaud a toutefois de sérieux atouts. Élève de l’École de Danse dans les années 1980, membre du corps de ballet pendant dix ans, elle est ensuite partie dans le secteur bancaire. Elle a donc à la fois la connaissance de l’institution et du quotidien d’une danseuse, mais aussi l’expérience du privé et du management. L’on a plutôt l’impression qu’Alexander Neef souhaite une personnalité artistique connue. Mais pourquoi pas imaginer une direction à deux têtes, l’une artistique et l’autre administrative, à l’heure où la compagnie est de plus en plus lourde à gérer ? Dans ce cas de figure, son profil semble tout indiqué.

 

Les À ne pas oublier

Élisabeth Platel – Avec son comité de sélection, Alexander Neef veut assurer ses arrières et limiter au maximum le risque d’un mauvais recrutement, après deux plantages. Élisabeth Platel pourrait être le choix de la sûreté, à connaître parfaitement la Maison et à y être respectée. Elle ne resterait que quelques années, pour redonner une direction artistique stable à la compagnie tout en chapeautant l’école, le temps de trouver (et même former) une nouvelle direction plus jeune.

Marie-Claude Pietragalla – Une ancienne Étoile, qui connaît donc l’institution, doublée d’une expérience de plus de vingt ans de direction de compagnie. Sur le papier, Pietra a des atouts pour le poste. Mais la danseuse et chorégraphe semble s’être tournée vers autre chose, entre les créations du Théâtre du corps et la formation de jeunes artistes. À tort ou à raison, son bilan à la tête du Ballet de Marseille aussi la poursuit encore. Néanmoins, il ne serait pas improbable que cette forte personnalité soit attiré par ce genre d’opportunité. 

Agnès Letestu – L’on pense systématiquement à un homme s’il faut citer une ancienne Étoile pour diriger le Ballet de l’Opéra de Paris. Mais pourquoi pas une femme ? Agnès Letestu a pour elle la passion de la transmission des rôles, qu’elle fait depuis longtemps, et un fort tempérament artistique. Mais après l’échec d’Aurélie Dupont, un.e candidat.e sans expérience et formation, cela aura du mal à passer. Sauf si l’on imagine une direction à deux têtes, et elle pour mener la ligne artistique ?

Clairemarie Osta – Directrice du Département Danse du CNSMDP, fondatrice du LAAC, maîtresse de ballet à l’école du Ballet de Suède… Si elle s’est concentrée sur des structures d’enseignement, Clairemarie Osta n’en a pas moins une solide expérience de management. Respectée et appréciée, elle est le genre de personnalité que l’on aime avoir en tant que directrice.

Jean-Guillaume Bart – Il est vrai que l’on est au conditionnel… Il y a peu de chances que le poste l’intéresse, et Jean-Guillaume Bart peut avoir parfois une relation tendue avec la jeune génération. Mais il a pour lui une immense connaissance du ballet, de l’institution, et un regard d’historien qui ne serait pas du luxe à l’heure où la compagnie ne sait pas forcément où aller.

 

Les chorégraphes

Après l’échec de Benjamin Millepied, il semble peu probable qu’Alexander Neef souhaite un.e chorégraphe, qui serait donc aussi occupé.e à la création. Mais ces noms ne sont pourtant pas à oublier.

Alexeï Ratmansky – Bien installé à l’ABT en tant que chorégraphe en résidence, sa position sera peut-être amenée à changer avec la nouvelle directrice, Susan Jaffe, dont ils ne partagent pas forcément la même vision. Alexeï Ratmansky a pour lui une renommée internationale et incontestable, le talent de monter de magnifiques productions, une vraie connaissance de l’histoire de la danse et l’expérience d’avoir dirigé une compagnie réputée indirigeable (le Ballet du Bolchoï).

Annabelle López Ochoa – Chorégraphe pour de nombreuses compagnies classiques, Annabelle López Ochoa n’a pas encore dirigé de compagnie, mais son parcours pourrait l’y amener sans que cela soit illogique. Elle a pour elle la création de ballets classiques d’aujourd’hui, avec la volonté d’y montrer des personnages différents, l’expérience de travailler avec de multiples troupes. C’est une femme, à l’heure où la direction de l’Opéra de Paris n’est uniquement composée d’hommes, cela compte, et elle est francophone. L’engager serait montrer une image résolument moderne de l’institution.

Jean-Christophe Maillot – Au départ de Brigitte Lefèvre, son nom avait bruissé parmi les éventuel-le-s postulant-e-s. Pour cette personnalité charismatique et incontournable du monde de la danse, c’était peut-être la dernière grande aventure de sa brillante carrière de direction. Aujourd’hui cependant, les choses sont un peu différentes : le chorégraphe a trouvé une nouvelle génération d’interprètes aux Ballets de Monte-Carlo, qui semble avoir décuplé son envie créatrice. Pas sûr ainsi qu’il ait envie de quitter le Rocher. 

Wayne McGregor – Confortablement installé au Royal Ballet et avec sa propre compagnie, il y a peu de chance que Wayne McGregor veuille affronter ce bourbier. Mais le chorégraphe connaît bien la compagnie, a l’expérience de direction. Si l’on veut donner une tonalité plus contemporaine à l’institution dans son répertoire, il est le genre de personnes à convenir.

 



Commentaires (8)

  • Tarantella

    Difficile question de la succession d’Aurélie Dupont.

    Je connais un peu l’Opéra de Paris, voici mes trois choix pour sa succession :

    – Laurent Hilaire
    – Elisabeth Platel
    – Manuel Legris

    D’excellents danseurs mais pas seulement ……

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    • Mary

      Je peux vous dire que Manuel Legris ne quittera pas Dominique Meyer à La Scala et ça j’en suis sûre à 99,9% et pas sûr que Laurent Hilaire accepte le poste après avoir été tout juste nommé en Bavière…

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  • ELISABETH

    Je rêve de Ratmansky!

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  • Edith

    Nicolas le Riche !!!
    Il aurait déjà dû y être depuis 2014.

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  • Moka P.

    Pourquoi pas José Martinez? Une organization de type 1 directeur artistique + 1 directeur adminitratif/RH semble être la bienvenue et pourrait être salvatrice. Ce duo devrait cependant bien s’entendre, avoir les mêmes objectifs et un style de travail similaire.

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  • Bluebird

    Nicolas Le Riche : “ses cinq ans au Ballet de Suède se sont bien passés” ?!?!?
    Renseignez-vous mieux sur Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta, lisez donc la presse suédoise! Il vaudrait mieux que la direction générale de l’Opéra de Paris évite des scandales…

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    • Estelle

      Bluebird, pourriez-vous nous en dire plus au sujet de la situation au Ballet de Suède ??

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  • REGNOT S.

    Et pourquoi ne pas faire appel un “enfant de la Maison” ?
    Avant qu’il ne parte pour la Compagnie Nationale de Danse d’Espagne, n’avait-il pas été proposé pour ou à la place de Benjamin Millepied.?
    Il est sans poste déterminé en ce moment et reste indépendant. …
    Excellent chorégraphie et formé à l’Opéra de Paris ! On lui doit bien cela !
    Trop classique ? Il a créé des adaptations modernes.(Carmen, Casi casa , une partie de Don Quichotte….

    Sinon , pourquoi ne pas prendre Nicolas Le Riche ?

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