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Saison 2023-2024 – La Maison de la Danse de Lyon

La Maison de la Danse de Lyon a dévoilé sa saison 2023-2024. Une saison importante, la première de Tiago Guedes qui dirige l’institution depuis un an. Ce dernier a voulu marquer le coup et proposer d’emblée une saison ambitieuse : l’on retrouve les grands noms de la danse contemporaine et quelques premières. Le virage vers le tout-contemporain est bien amorcé, avec l’absence de classique et des miettes de néo-classiques (et encore, en cherchant bien), ce qui laisse beaucoup de questions malgré une saison riche et dense. L’on en retient presque plus la programmation des “à côté”. De multiples rencontres, d’autres façons d’occuper le théâtre, des thématiques sur l’histoire de la danse, des cartes blanches aux artistes, des soirées cabaret, mais aussi un soutien encore plus marqué aux jeunes artistes avec la création judicieuse des “premières parties”… L’ensemble est vraiment ambitieux avec plein de bonnes idées. En attendant l’ouverture dans trois ans des Ateliers de la Danse, qui donneront encore une nouvelle impulsion.

La saison 2023-2023 en général

Cette saison 2023-2024 est une grosse étape pour la Maison de la Danse de Lyon. C’est en effet la première saison de Tiago Guedes, qui a pris la direction de l’institution il y a un an. Et il fallait mettre en place tout de suite son projet pour lequel il a été choisi. Nouveau logo tout d’abord, MAD, pour Maison, Ateliers et Danse. Cela instaure déjà le grand projet qui verra le jour en 2026 : les Ateliers de la danse. Lancés par Dominique Hervieu, l’ancienne directrice, ces ateliers avaient été annulés puis transformés par la nouvelle mairie. Ils verront enfin le jour en 2026. Avec une salle de spectacle, deux studios, des lieux modulables et un espace de danse sur la terrasse, ces ateliers permettront l’accueil de plus de compagnies en résidence, multiplier les rencontres avec le public et avoir un plateau plus grand, pouvant proposer d’autres spectacles difficiles de faire venir techniquement à la Maison de la Danse. Un projet ambitieux, que Tiago Guedes démarre déjà par sa nouvelle programmation, avec la volonté forte de mettre en avant de jeunes talents ou d’ouvrir encore plus les portes de l’institution au public (Dominique Hervieu ayant déjà fait un beau travail sur ce sujet).

Concernant la programmation des spectacles, Tiago Guedes se veut ambitieux avec 43 compagnies, dont 19 qui n’étaient jamais venues danser dans l’institution. Et beaucoup de projets transversaux comme des cartes blanches, des focus historiques et neuf artistes en résidence : Lia Rodrigues, Jan Martens, Marco da Silva Ferreira, François Chaignaud, Dorothée Munyaneza, Nach, Phia Ménard, Vincent Dupont et le Collectif ÈS. Éclectique, exigeante, variée… cette programmation est un très beau panorama de la danse contemporaine. Mais on ne peut pas se dire “la maison de toutes les danses“, comme l’a défendu son directeur. La technique classique, que ce soit par son répertoire ou des créations, est absente de la programmation. Il y a un tout petit peu de néo-classique, mais pas sûr cependant qu’une paire de pointes soit visible sur le plateau de toute la saison. Cela se joue sur les spectacles proposés, sur le choix des neuf artistes en résidence (tous et toutes formidables, mais aucun.e ne travaillant le langage classique dans sa création), sur les jeunes créateurs et créatrices en résidence (idem). Même sur le projet – passionnant en soi – “Histoire(s) de la danse”, voulant revenir sur “les grand.e.s chorégraphes du XXe siècle“, comme si l’histoire de la danse ne démarrait qu’en 1901 ou ne valait la peine d’être racontée qu’à ce moment-là.

Carcass de Marco Da Silva Ferreira

Historiquement, la Maison de la danse a toujours présenté un peu de tout. Sous la direction de Dominique Hervieu, la danse contemporaine prédominait mais la technique classique y avait sa place, avec par saison un ballet du répertoire, plusieurs Ballets de région proposant des créations. Il y a certes plein de raisons valables pour ne plus les proposer : le plateau de la Maison de la Danse est petit pour que les ballets du répertoire y soient confortables (ce qui est vrai), c’est à l’Opéra de Lyon de le faire (ce qui n’est pas faux), il y a trop peu de propositions de créations par le classique en France (à moitié faux : même s’il y a trop peu de compagnies, il y a plein de talents néo-classiques à découvrir, pour peu de se donner la peine de chercher), il y a des cycles (cela peut être vrai). Il y a surtout une question de volonté. Le fait est que, si la Maison de la Danse ne propose pas de danse classique (par du répertoire ou des créations), il n’y a aucun autre endroit pour en voir à Lyon, et l’on pourrait presque parler à l’échelle de la région Auralpe. C’est aussi une responsabilité de l’institution, pôle de création à l’échelle européenne, salle de danse si importante en France, qui avait réussi justement à fédérer le public autour d’une très grande diversité de styles, de se soucier à ce que toutes les techniques aient leur place. Malgré la volonté d’afficher “cinq grands ballets” dans la programmation – qui sont cinq magnifiques compagnies contemporaines ou ballets contemporains, ou venant avec des pièces de danse-théâtre, mais en rien des “grands ballets” tels que l’entend le public et c’est tout de même trompeur – , il est impossible à cette saison de s’afficher comme celle de “toutes les danses“.

Cela risque peut-être (on ne le souhaite pas) de se sentir dans les abonnements. Au-delà du ballet classique champion du remplissage, il manque comme quelques noms très fédérateurs ralliant facilement tous les publics – Akram Khan, Angelin Preljocaj, Mourad Merzouki par exemple – pour peut-être lancer pleinement la machine. La Maison de la Danse, qui a toujours soigné sa relation au public, a presque retrouvé son niveau d’abonnements d’avant-Covid. Un impératif pour une salle qui a besoin d’afficher un bon remplissage pour son équilibre économique. Et une bonne nouvelle qui lui a permis de vivre la récente inflation sans diminuer le nombre de levers de rideaux ou supprimer des séries, comme de trop nombreuses troupes et théâtres ont été obligés de le faire. Même si l’augmentation des cachets est bien là et pèse de plus en plus, l’on sentait une direction un peu plus sereinement prudente que d’autres. Mais les abonnements doivent suivre. Et ce serait, soit dit en passant, tout ce qui a été dit plus haut, dommage qu’ils ne le fassent pas : malgré les déséquilibres, cette saison 2023-2024 est riche et puissante, avec beaucoup de beaux noms et de projets passionnants. Comme souvent pour une première saison, Tiago Guedes a peut-être privilégié ce qu’il aimait et connaissait avant l’institution. Mais les équilibres peuvent se refaire au fil des saisons.

Ukiyo-e de Sidi Larbi Cherkaoui

Nos coups de coeur

En toute subjectivité, les spectacles à privilégier dans vos abonnements ! En premier lieu, la GöteborgsOperans Danskompani. L’une des plus belles compagnies contemporaines d’Europe vient avec un programme qui sait plaire, avec des pièces des incontournables – et pour le coup souvent fédérateurs – Hofesh Shechter et Sharon Eyal. L’on guette aussi la São Paulo Dance Company, régulièrement invitée à Lyon, qui vient cette année avec un programme plus contemporain, de chorégraphes américain.e.s et brésilien.ne.s peu connus en France.

L’on aime aussi les temps forts “Histoire(s) de la danse”. D’un côté, la superbe Trisha Brown Dance Company, venant avec deux pièces de répertoire et une création de Noé Soulier. De l’autre, So Schnell de Dominique Bagouet. Ces deux pièces sont entourées, pendant plusieurs jours, de conférences, rencontres, projections ou ateliers, pour mieux comprendre et se plonger dans l’univers et le travail de ces deux chorégraphes, emblématiques, chacun.e à leur façon, du XXe siècle. Belle idée de programmation là encore : les Cosmologies, une carte blanche donnée à un artiste autour de son spectacle, mêlant rencontres, performances de jeunes artistes, projections et même soirée cabaret. Pour cette saison Jan Martens et François Chaignaud se prêtent au jeu, l’occasion de découvrir, au-delà de leurs spectacles programmés, toute la richesse de leur univers.

L’on note aussi le puissant Carcass de Marco Da Silva Ferreira, la création Invisibili du toujours formidable Aurélien Bory ou One Shot du regretté Ousmane Sy. Côté jeune public, on ne manque pas Gaëlle Bourges et (La Bande à) Laura, performance inventive questionnant la place des femmes dans l’histoire de l’art. Enfin la programmation cirque joue les valeurs sûres, entre le cirque Eloize, le Cirque Le Roux et le tube Möbius de la compagnie XY. Avec une découverte (pour Lyon, car la troupe tourne depuis 30 ans) intrigante : Gandini Juggling, troupe de jonglage unique puisant son inspiration dans Merce Cunningham.

Working Title de Trisha Brown – Trisha Brown Dance Company

Les têtes d’affiche

Les grands noms ne manquent pas dans cette programmation. Maguy Marin fait figure de tête d’affiche avec sa nouvelle création, dont la Maison de la Danse aura la première. Phia Menard, Mathilde Monnier, Dimitris Papaioannou ou Régine Chopinot présenteront leur récente pièce. Côté grande forme, on guette On achève bien les chevaux, mêlant la compagnie de théâtre des Petits Champs et le Ballet du Rhin, ainsi que le Ballet de Genève venant avec la dernière pièce de Sidi Larbi Cherkaoui, son nouveau directeur depuis 2022. L’on note aussi les incontournables Nach ou David Coria, ainsi que le chouchou de la scène hip hop Mehdi Kerkouche avec sa pièce Portrait.

Portrait de Mehdi Kerkouche

Les découvertes

Si les Ateliers de la danse n’ouvrent que dans quelques années, l’aide à la création se fait sentir pour cette prochaine saison, avec 42 semaines de créations artistiques (26 semaines à la Maison de la Danse et 17 dans des lieux partenaires). Dans la programmation, cela se voit avec le lancement des “premières parties”. L’on connaît le concept pour un concert, le voilà pour la danse. Plusieurs fois dans la saison, avant un spectacle d’une tête d’affiche, un ou une jeune talent est programmé. L’occasion de découvrir cette année Hortense Belhôte, Mellina Boubetra, Patricia Allio, Les Idoles, Joachim Maudet et Femke Gyselinck. Des artistes qui vont vers des démarches un peu différentes, entre la danse et la performance.

 

L’ouverture au public

La Maison de la Danse soignait déjà son public. Tiago Guedes continue dans cette veine avec l’instauration de plusieurs rendez-vous réguliers. Le constat ? La Maison de la Danse est ouverte toute la journée, mais le public ne s’y presse que le soir. Comment l’amener à transformer cette salle de spectacle en véritable lieu de vie ?

Cela commence par des choses simples, comme adapter le bar pour en faire un lieu facile de coworking (que nous allons tester). C’est aussi, plus fortement, l’instauration d’un plateau ouvert : un grand plancher de danse installé dans le hall de la Maison de la Danse. Le lundi soir, il sera réservé à l’Atelier singulier, soit un cours de danse (classique, contemporain, hip hop and co) pour tous et toutes, donné par un artiste chorégraphique ou un professeur de la région. 5 euros pour les habitant-e-s du 8e arrondissement, 7 euros pour les autres, c’est bien. Ce Plateau servira aussi pour les ateliers de découverte menés par les artistes invités, pour initier le public en amont du spectacle à leur façon de danser. Un rendez-vous qui existait déjà, mais qui se voit renforcé et amélioré par la mise en place d’un vrai plateau. Ce Plateau ouvert sera enfin un espace réservé chaque mercredi soir et mis à disposition gratuitement aux danseurs et danseuses de tous styles, souhaitant s’entraîner. L’institution proposera aussi des temps d’aide aux compagnies sur des questions administratives, doublant un peu la mission du CND.

Les temps de rencontres bord de plateau ont été multipliés, tout comme tout ce qui est projections et conférences autour des spectacles, avec de nombreux temps pensés pour le jeune public ou les personnes en situation de handicap. Place aussi à des journées “House On Fire”, qui mêleront conférences, workshop et DJ set dans tous les espaces de l’institution, de 14h à minuit. C’est enfin l’instauration de trois soirées Cabaret, avec trois collectifs qui feront du restaurant leur terrain de jeu. Voilà au final une programmation tournée vers le public ambitieuse et plutôt bien pensée.

So Schnell de Dominqie Bagouet

Tarifs

Les tarifs pour cette saison 2023-2024 ne bougent pas, avec quelques spectacles à 49 et 45 euros, la plupart à 40 et quelques-uns à 30. Les abonnements, à partir de 4 spectacles, permettent quelques petites réductions. Familles, moins de 18 ans, moins de 14 ans, minima sociaux… De nombreuses réductions sont possibles.

Mais la grande nouveauté intéressante est faite pour les moins de 30 ans. D’abord un abonnement pour le coup très avantageux, amenant la place à 19 ou 13 euros. Puis la carte – 30 ans, un vrai changement pour une institution fonctionnant surtout par abonnement. Elle permet plus de flexibilité (on choisit ses spectacles en cours de saison) et de belles réductions garanties. Attention toutefois si vous aimez les grandes formes : les spectacles du Ballet du Rhin, de la GöteborgsOperans Danskompani et de la São Paulo Dance Company en sont exclus.

Toutes les informations pratiques et détails de cette saison 2023-2024 sont à découvrir sur le site de la Maison de la Danse. Les abonnements sont disponibles depuis le 8 juin.

 



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