TOP

Trucs et astuces – La parfaite interview de la Danseuse Étoile

La danse – et notamment la danse classique – n’a pas forcément une place de choix dans les médias. Alors quand une Danseuse Étoile est là pour une interview, il ne faut pas se rater. Petit déroulé en dix points (et tout en humour) pour réussir l’interview parfaite d’une star de la danse.

 

1- L’Étoile n’est pas une star : elle est venue en métro

Cela démarre par une description béate de l’interviewée : l’Étoile est élégante, gracieuse, en perpétuels mouvements. Mais elle est venue en métro. Elle a auréolé de sa présence les transports en commun.C’est une personne normale. C’est fou. En bonus pour les interviews radio, le tout commencera sur une délicate musique de Chopin, avec “Bonjour l’Étoile” à peine soufflée dans le micro. Nous sommes dans un monde où tout est léger comme le tulle des tutus.

Agnes Letestu - La Dame aux camélias

Agnes Letestu – La Dame aux camélias

2 –  La découverte de la danse par les costumes

Première question de taille : comment la danse est entrée dans la vie de l’Étoile ? La réponse sera presque invariablement par les costumes, pour ressembler à une princesse qui brille dans son tutu. Et pour une Étoile homme, par la joie de l’effort physique. Clichés, quand tu nous tiens. Mais l’interview d’une Étoile se doit de complaire à certains clichés, pour rassurer l’interviewer sur sa vision du monde de la danse.

 

3 – L’École de Danse

L’École (qui doit toujours s’écrire avec un grande É) est présentée comme un lieu étrange, une bulle difficile à percer, un monde de tensions et d’angoisse. L’Étoile rassure : elle a aimé l’École de Danse. Oui c’était sévère, mais elle aimait la discipline, elle était passionnée. Non, on ne s’entretuait pas à coup de laque dans le Nutella ou de clous dans les pointes. Quelques voix discordantes font parfois entendre des souvenirs douloureux de ces années d’École, de quoi classer immédiatement l’Étoile concernée dans la catégorie des rebelles.

 

4 – La vie dans la compagnie et la question de Black Swan

Place à la partie “vie professionnelle” de l’Étoile. Et là, la question qui taraude le-la journaliste : est-ce que le film Black Swan, c’est comme dans la vraie vie ? Sous-entendu : est-ce que tous les maîtres de ballet sont des harceleurs sexuels et les danseuses des schizophrènes qui finissent par se suicider sur scène ? Oui bien sûr, c’est pour ça qu’il y a un si gros turn-over dans les compagnies de ballet. L’Étoile émet un soupir légèrement perceptible avant d’être rassurante : parfois, les danseurs et danseuses sont des gens normaux.

Aurélie Dupont - L'Histoire de Manon

Aurélie Dupont – L’Histoire de Manon

5 – L’anorexie

Black Swan amène inévitablement à l’anorexie. Avec cette grande question : est-ce que l’Étoile mange. Petit rire de l’intéressée. Elle a une excellente constitution, elle peut manger ce qu’elle veut. Elle adore dévorer un gros burger et son placard déborde de Kinder Bueno. Elle est aussi la reine du fondant au chocolat coeur coulant caramel ou de la tartiflette double reblochon (dans tous les cas, un plat bien gras et/ou bien sucrée).

 

6 – Le travail dans la douleur

L’Étoile peut manger aussi ce qu’elle veut  car elle danse six heures par jour. Ce qui amène le sujet de la souffrance. Le-la journaliste s’inquiète : est-ce que l’Étoile aime souffrir ? Est-ce qu’elle aime avoir mal partout ? Est-ce que la douleur est son credo chaque jour en se levant, vite vite allons à la barre que je puisse avoir mal, c’est tellement bon ? Polie, l’Étoile explique que le travail physique n’est qu’un outil pour s’exprimer, que son rôle est de raconter une histoire en scène, faire vivre un personnage, que le plaisir est là. À noter que l’on ne demande jamais à Roger Federer, lors un 5e set en demi-finale de Roland Garros par 40 degrés à l’ombre, s’il fait du tennis avant tout pour le plaisir de souffrir.

 

7 – La soirée de nomination

Une fois rassuré sur l’environnement de l’Étoile, il est temps de parler de LA soirée. Celle où tout a basculé. La soirée de nomination d’Étoile. La règle de la base : cette nomination a été une surprise totale. Le principe de la rumeur qui arrive toujours à éviter la principale intéressée est fascinant. À savoir que l’intégralité du public est au courant qu’il va y avoir nomination, tout le gratin de la danse est installé à l’orchestre, les balletomanes du monde entier sont suspendus à Twitter, mais la principale intéressée n’a entendu parler de rien. Après l’anecdote de circonstance (En fait, ce soir, je ne devais pas danser/En fait, ce soir, je m’étais cassé le bras/En fait, ce soir, je devais danser un autre rôle dans une autre salle), le tout est conclu par la phrase indispensable : “Cette nomination, ce n’était pas un accomplissement. C’était au contraire le début de quelque chose. On a toujours quelque chose à apprendre“.

Amandine Albisson lors de sa nomination d'Étoile

Amandine Albisson lors de sa nomination d’Étoile

8 – Le rôle préféré de l’Étoile

La réponse est tellement attendue que la question semble presque futile. Le rôle préféré de l’Étoile, c’est Juliette. Ou Giselle. Ou Marguerite. En bref, une femme qui aime et qui meurt à la fin (“J’adore mourir en scène“, quote Aurélie Dupont). À noter qu’en France, les femmes-animaux n’ont pas vraiment la cote. Le Cygne, c’est pour les Russes.

 

9 – Et après la danse ?

Le.la journaliste s’attend à ce qu’à sa question “Que ferez-vous après vos adieux“, l’Étoile réponde : “Transmettre mon art à la jeune génération“. Mais la trajectoire danseuse-professeure aigrie n’est plus systématique. En cas de refus de l’option enseignement, le.la journaliste penche vers la comédie et le cinéma. Non plus. Aïe. Mais que faire alors ? La réponse mélange art et sens de l’entreprenariat : créatrice de bijoux, dessinatrice, designer de costumes, etc, le tout en dehors de la vénérable institution. Même si, souvent, l’Étoile va finir répétitrice au sein de ladite vénérable institution.

 

10 – Les choix musicaux

Dernière inquiétude du.de la journaliste : est-ce que l’Étoile n’aime que la musique classique ? Est-ce que, chez elle, elle passe son temps à n’écouter que de bons vieux disques de Minkus ? Non, parfois l’Étoile arrive à se connecter au monde et à écouter autre chose : Michael Jackson (c’est un danseur tout de même) ou Queen (parce que The Show must go one) par exemple. La rebelle, celle qui n’aimait pas trop l’École de Danse, peut citer le nom de quelques groupes plus underground. Et le.la journaliste de conclure, émerveillé.e, que l’Étoile vit avec son époque, bien au XXIe siècle. À défaut de vraiment parler de danse, cela donne donc une conclusion rassurante.

Isabelle Ciaravola - Les Enfants du paradis (Garance)

Isabelle Ciaravola – Les Enfants du paradis (Garance)






 

Commentaires (4)

  • Aventure

    Très drôle ! Un peu cinglant, mais bien drôle (ahahah la mention à Federer est très très bien trouvée !!)

    Répondre
  • Cams

    Et maintenant de plus en plus l’étoile est un héro du quotidien qui en plus de se consacrer à son art, entretien une vie de famille avec des enfants. (question plutôt réservée aux femmes)

    Répondre
  • Annso31

    Ah oui très bonne analyse lol !! C’est vrai pour les interviews d’étoile mais pas que, j’ai l’impression d’entendre toutes les questions auxquelles j’ai droit à chaque fois que je dis à quelqu’un que je fais de la danse classique !!

    Répondre
  • Anna

    C’est pour des articles comme celui-ci que je lis Danses avec la Plume depuis plusieurs années !

    Répondre

Poster une réponse Annuler la réponse