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Journal de Russie – Émoi de Mai

L’actualité du ballet russe va crescendo. Les péripéties d’avril avaient exhalé le parfum enivrant de prometteurs bourgeons ; le mois de mai nous offre un bouquet bariolé. De nouvelles têtes et une nouvelle saison au Bolchoï, des récompenses internationales, des invitations diplomatiques, un gala Zakharova et d’autres réjouissances ont rythmé le mois de mai du ballet russe.

L’annonce du mois

La prochaine saison du Ballet du Bolchoï a été annoncée, sous le patronage du nouveau directeur de la danse, Makhar Vaziev, dont le rôle a ici été mineur. À signaler pour 2016-2017 : l’entrée au répertoire d’Etudes (d’Harald Lander), que les habitué-e-s de l’Opéra de Paris connaissent bien, et la création d’un ballet Noureev. Ce sont Youri Possokhov (chorégraphe), Kirill Serebrennikov (metteur en scène) et Ilya Demoutski (compositeur), le trio à l’origine de l’audacieux Un Héros de notre temps, qui seront à l’oeuvre. À l’occasion des 90 ans de Youri Grigorovitch,  une reprise de L’Âge d’or est à annoncée ainsi qu’un festival de ses ballets de janvier à février 2017. La programmation complète est disponible ici.

L'Âge d'or - Youri Grigorovitch

L’Âge d’or – Youri Grigorovitch

La presse russe a globalement accueilli avec enthousiasme l’annonce de cette nouvelle saison. La grande critique danse, Tatiana Kouznetsova, précise dans le Kommersant qu’Etudes serait accompagné d’une deuxième oeuvre courte de Jerome Robbins, Jiri Kylian ou Glen Tetley.

L’annonce la plus surprenante concerne le projet de donner Joyaux (Balanchine) conjointement avec le New York City Ballet et l’Opéra de Paris, à l’occasion d’une tournée à New-York. George Balanchine en personne avait voulu rendre hommage à l’école française avec Emeraudes, américaine avec Rubis et russe avec Diamants. Dans ce contexte, il avait eu l’idée de faire appel aux interprètes des trois écoles de danse en question pour donner tout son sens au ballet mais le projet a échoué. Il devrait en quelque sorte être ressuscité par le Bolchoï.

La prochaine saison du Bolchoï ne déroge finalement pas à la règle. Entre quelques tableaux du XXIe siècle, elle met à l’honneur la tradition soviétique avec les grands ballets de Youri Grigorovitch et mise sur les valeurs sûres des ballets classiques et narratifs qui ont fondé la renommée du ballet russe. L’entrée au répertoire d’Etudes est intrigante tant sa structure est étrangère au vocabulaire du Bolchoï. Makhar Vaziev voudrait-il tester la virtuosité du bas de jambe de sa troupe ? La commande d’un ballet intitulé Noureev suscite quant à elle la surprise générale. Le danseur-chorégraphe, dont les oeuvres sont célébrées dans le monde entier, est en effet persona non grata au Bolchoï. Réconciliation mémorielle ? Danses avec la plume suivra cette création de près.

Evgenia Obraztsova et Vladislav Lantratov - Joyaux (Emeraudes)

Evgenia Obraztsova et Vladislav Lantratov – Joyaux (Emeraudes)

La rumeur court également que Natalia Ossipova pourrait – enfin – revenir au Bolchoï dès la saison prochaine. Des négociations seraient en cours, après la tentative de la saison passée de ramener la danseuse prodige au bercail. Ivan Vassiliev serait aussi courtisé pour danser à ses côtés. Pour rappel, l’ex-couple star du Bolchoï avait claqué la porte en 2011, provoquant un séisme dans le milieu de la danse russe.

 

Invitations diplomatiques du mois

Polémique à Palmyre alors que l’orchestre du Mariinsky s’est déplacé dans la cité antique, récemment libérée par les troupes russes, pour y donner un concert “Prière pour Palmyre“. C’est naturellement Valery Guerguiev, chef d’orchestre et directeur du théâtre, qui a donné le la devant de nombreuses caméras de télévision.

Le Festival Noureev, qui se tient annuellement à Kazan, a invité Léonore Baulac, François Alu et Sae Eun Park à étrenner leur Bayadère. Bien que Léonore Baulac soit la danseuse la plus mise en avant par Benjamin Millepied, elle n’avait pas eu l’occasion de faire ses débuts dans le rôle de Nikiya lors de la dernière reprise du ballet. C’est donc sur une scène russe que la Première danseuse a expérimenté les ondulations orientalisantes de l’héroïne tragique. Les répétitions laissaient présager une belle interprétation, très à fleur de peau, de la variation du serpent. L’air du Tatarstan a peut-être éveillé en elle des intonations d’Orient.

https://www.instagram.com/p/BFcUJ3ki0zJ/?taken-by=leobaulac

 

Les transferts du mois

Dans la famille Khan-MacKay, je demande le fils. Julian danse comme tous ses frères et soeurs. Né aux États-Unis, dans le Montana, il a été formé au Bolchoï et participé au prix de Lausanne, ce qui lui a permis de faire ses classes au Royal Ballet. Son parcours cosmopolite ne pouvait que le mener vers l’inattendu. La nouvelle est tombée ce mois-ci : Julian MacKay, 18 ans, est à présent soliste dans la troupe du Théâtre Mikhaïlovsky, à Saint-Pétersbourg. Riche de plusieurs influences, il saura s’épanouir dans le répertoire éclectique de sa nouvelle maison.

De l’Est à l’Ouest : les mouvements artistiques ne se tarissent pas. Maria Shirinkina et Vladimir Shklyarov ont suspendu leur contrat avec le Ballet du Mariinsky pour une durée d’un an afin de goûter la programmation du Ballet de Bavière. L’arrivée d’Igor Zelensky, ancien danseur du Mariinsky, à la direction de la danse de l’Opéra de Munich coïncide avec un renouvellement des effectifs : la moitié des danseurs et danseuses de la troupe sont sur le départ. Et on pourrait bien entendre de plus en plus de russe dans les couloirs. Oksana Skorik, Étoile du Mariinsky, serait également sur le départ pour Munich d’après la rumeur ambiante.

 

Le point Zakharova du mois

Svetlana Zakharova a tout dansé, sur toutes les scènes du monde. Son nouveau projet ? Exporter son talent triomphant à travers un spectacle itinérant “Amore“, avec une petite troupe de danseurs et danseuses du Bolchoï triée sur le volet. La première a eu lieu le 12 mai à Modène (Italie) et le gala a fait l’objet d’une soirée spéciale les 24 et 25 mai sur la scène du Bolchoï. Des extraits filmés sont disponibles sur 1 tv.ru avec des passages des trois ballets constitutifs du gala.

Amore se décline en trois parties, allant du classique au contemporain. Francesca da Rimini (Youri Possokhov, sur un poème symphonique de Tchaïkovsky) narre la liaison maudite des célèbres amants italiens Francesca et Paolo. Les accents torturés de la musique trouvent une juste résonance dans les portés virtuoses de la chorégraphie. Les mots de Dante jaillissent comme des furies. C’est l’occasion pour Svetlana Zakharova et Denis Rodkine d’explorer une nouvelle facette de leur partenariat artistique.

Svetlana Zakharova - Francesca da Rimini

Svetlana Zakharova – Francesca da Rimini

Dans une veine néoclassique dans l’air du temps – costumes et scénographie épurées – The Rain before it falls poursuit les réjouissances en explorant l’imaginaire d’une écrivaine en quête d’inspiration. Patrick de Bana a chorégraphié sur mesure cette pièce d’une vingtaine de minutes pour Svetlana Zakharova, qu’il accompagne dans quelques pas de deux. Robe violette et coiffure à bandeaux donnent l’impression d’une héroïne romantique à La Dame aux Camélias. Mais le vocabulaire chorégraphique la fait entrer résolument dans le XXIe siècle.

La soirée se clôt avec une pièce moderne et déjantée de Marguerite Donlon. Dans Strokes through the tail, qui joue furtivement sur la corde transgenre, Svetlana Zakharova explore l’autodérision et embrasse ainsi à bouche pleine le registre contemporain. La chorégraphe livre ses impressions après ses séances de travail avec la tsarine du ballet classique. Apparemment, elle est conquise par le talent et la beauté de l’Etoile. Comme on la comprend !

Elle Russia célèbre ses 20 ans et quel meilleur présent qu’une interview illustrée de la Tsarine de la danse pour fêter cet événement ? Rapport au travail, à la maternité (sa petite fille, Anna, a 5 ans), à la mode, Svetlana Zakharova répond aux questions du magazine féminin. En toute simplicité, elle assure “ne pas se prendre pour une star“. Toujours en russe, une autre interview a été publiée sur le site RusMonaco.

Svetlana Zakharova

Svetlana Zakharova

Les récompenses du mois

Les Benois de la danse – Oscars du ballet, comme on dit dans le milieu – ont remis leurs récompenses à Moscou ce mois-ci. Hannah O’Neill, nominée pour son rôle dans Paquita en 2015, a remporté le prix de la ballerine de l’année, aux côtés d’Alicia Amatrian. Kimin Kim a été sacré meilleur danseur et Ekaterina Kryssanova, la désormais célèbre “mégère” du Bolchoï a gagné un prix spécial. Le chorégraphe Youri Possokhov a par ailleurs été récompensé pour son travail sur Un Héros de notre temps. Un joli sacre printanier pour le ballet russe.

Hannah O'Neill

Hannah O’Neill

L’interview du mois 

L’édition de mai du magazine du Bolchoï met Olga Smirnova à l’honneur. Propulsée par Sergueï Filine, selon qui la danseuse est l’interprète la plus intéressante de la compagnie actuellement, Olga Smirnova est tout aussi appréciée du nouveau directeur de la danse. Elle aura le privilège d’ouvrir la tournée du Bolchoï à Londres cet été, en lieu et place de la Zakharova. Rendez-vous page 50 pour découvrir l’interview en anglais de la nouvelle coqueluche du Bolchoï.

Olga Smirnova toujours : l’émission Un billet pour le Bolchoï lui a consacré un épisode sur ses débuts en Kitri dans Don Quichotte.

On ne quitte pas les dorures du Bolchoï. Sergueï Filine ayant quitté la direction artistique du théâtre, il se confie sans langue de bois au New York Times sur les difficultés d’un mandat qui lui a coûté, notamment, une perte partielle de la vue.

 

Le couple du mois

C’est le couple le plus médiatique du monde de la danse classique : Natalia Ossipova et Sergueï Polounine se livrent dans une interview croisée sur leur actualité artistique. Ils évoquent timidement leur rencontre et l’image qu’ils avaient l’un de l’autre avant de se connaître intimement. A lire en anglais sur le site du Guardian : backstage with ballet’s most explosive couple.

A propos de Sergueï Polounine, rebelle du ballet, la bande-annonce d’un documentaire (“Dancer“) qui lui est consacré vient de paraitre. Ces quelques images préliminaires mettront l’eau à la bouche de ses nombreuses admiratrices. Génie torturé de son temps ou trublion médiatique, Sergueï Polounine laisse rarement indifférent-e.

De nouvelles têtes au Bolchoï

Une nuée de cigognes planant sur le Bolchoï, de nombreuses danseuses ont été retirées des distributions ces derniers mois. La tournée de la compagnie à Londres verra en toute logique émerger de nouvelles têtes ; la génération de Makhar Vaziev s’esquisse petit à petit. Yulia Stepanova et Margarita Shrainer héritent de rôles de solistes et d’Étoiles. A Moscou, Olga Marchenkova, longue liane blonde comme le Bolchoï n’en avait plus, multiplie les apparitions. Danses avec la plume avait remarqué ses lignes divines lors de la dernière reprise de Don Quichotte où elle interprétait une dryade.

Olga Marchenkova

Olga Marchenkova

Anniversaire du mois

L’empreinte de Catherine II sur la formation d’une politique artistique d’Etat en Russie est considérable. C’est d’ailleurs l’impératrice qui a fondé la compagnie du Bolchoï en 1776. A l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, apprenez à connaître cette esthète ambitieuse, férue d’art et mère de grandes politiques culturelles. Cette interview passionnante, en anglais, rappelle la relation unique qui unissait Catherine II à l’art.

Le quizz du mois

Le sablier est enclenché jusqu’à la tournée du Bolchoï à Londres cet été. Pour bien se préparer avant la tornade moscovite, Russian beyond the Headlines propose un quizz de connaissances du ballet russe. Testez votre niveau ! Si votre score est faible, c’est que vous ne lisez pas assez assidument nos Journaux de Russie mensuels.

Rendez-vous de juin

La première d’Ondine au Bolchoï, c’est le 24 juin. Le chorégraphe Viatcheslav Samodourov, créateur de ballets originaux, peaufine les derniers pas de deux qui ressusciteront la naïade. Les premières images des répétitions ont été diffusées pour nous faire patienter.

On n’oublie surtout pas l’anniversaire de Svetlana Zakharova le 10 juin prochain.

 

Commentaires (1)

  • taboga

    super le programme mais pourquoi nous mettre dans le monde entier “Balanchine” est ce que c’est le seul repertoire existant au monde….ou est ce un histoire de sous

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