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Jerome Robbins, chorégraphe aux vies multiples

Jerome Robbins aurait 100 ans cette année ! Le 11 octobre très précisément. 2018 est donc riche en célébrations de son héritage considérable. Elles ont déjà commencé au New York City Ballet et vont se poursuivre à travers le monde, notamment à Paris avec Les Étés de la danse et cinq compagnies invités du 25 au 30 juin, et un programme hommage très attendu au Ballet de l’Opéra de Paris en octobre.  Retour sur la vie et l’oeuvre d’un des plus éminents chorégraphes du XXe siècle qui a contribué à populariser le ballet classique sans jamais le rendre trivial, mettant à profit ses expériences sur Broadway.

Dances at a gathering de Jerome Robbins – New York City Ballet

Une arrivée tardive à la danse pour ce fils d’émigrés

Jerome Robbins né Rabinowitz est le fils d’un couple d’émigrés juifs polonais arrivés à New York en 1904. Né dans l’Upper East Side à Manhattan, il passe son enfance de l’autre côté de l’Hudson, à Jersey City. Mais New York est proche et restera toujours le centre d’attraction principal pour le jeune Jerome qui très tôt se découvre une passion pour la musique, la danse, le théâtre et les arts en général. Il se destine à des études de chimie mais il est contraint d’abandonner son cursus pour des raisons financières. Ces circonstances vont précipiter son entrée dans le show-business grâce à sa soeur Sonia qui a déjà dansé comme professionnelle avec Irma Duncan et Gluck Sandor, à cette époque l’un des piliers de la danse contemporaine à New York. Première expérience avec une personnalité artistique qui déjà mélange les styles et mêle dans ses compositions technique classique, danse moderne et expressionnisme théâtral. Cette proximité avec Gluck Sandor, qui lui conseille de prendre “Robbins” comme nom de famille, développe son goût pour la comédie musicale. Il complète néanmoins sa formation en prenant des cours de danse classique.

Dés la fin des années 1930, Jerome Robbins s’essaye au “musical” en créant des revues dans le style de Broadway. Mais le tournant décisif dans sa carrière intervient en 1940 lorsqu’il entre dans la compagnie du Ballet Theatre tout juste créé et qui deviendra l’American Ballet Theatre. Il gravit très vite les échelons du corps de Ballet pour se voir confier des rôles de solistes. S’il manque de technique purement classique, Jerome Robbins est un artiste exceptionnel, doté de qualités dramatiques qu’il souhaite exploiter en créant ses propres chorégraphies. Jerome Robbins a déjà à cette époque la folie des grandeurs et ses projets sont écartés par la direction du Ballet Theatre qui lui propose de concevoir une pièce plus modeste. Il propose alors l’histoire de trois marins  en permission qui se disputent gentiment pour s’attirer les faveurs de deux jeunes filles. Pour la musique, il s’adjoint les services d’un jeune compositeur inconnu à l’époque, Leonard Bernstein. Fancy Free est créé sur la scène du Metropolitan Opera House le 18 avril 1944 et le triomphe est immédiat. À tel point que la ballet deviendra une comédie musicale On The Town. Voilà lancée la carrière de Robbins qui va sans cesse balancer entre le ballet classique et Broadway, se partageant entre les comédies musicales au rythme d’une production par an et le Ballet Theater dont il enrichit le répertoire avec des pièces telles que Interplay (1945) ou encore du très osé Faccsimile (1946) qui explore les affres de l’amour à trois, sur une partition de… Leonard Bernstein.

 

L’apogée des années 1950 : le New York City Ballet et West Side Story

1949 est l’autre grand tournant  dans la vie de Jerome Robbins. Lincoln Kirstein et George Balanchine viennent de fonder le New York City Ballet et ils demandent à Robbins de les rejoindre. Il est presque aussitôt nommé directeur artistique associé. George Balanchine a immédiatement perçu tout ce que Jerome Robbins pouvait apporter à sa compagnie : un style qui tout en utilisant les canons de la danse académique s’ouvre sur la culture new-yorkaise et le monde réel, une manière de raconter des histoires d’aujourd’hui.  C’est une époque bénie pour Jerome Robbins, danseur et chorégraphe au New York City Ballet et auteur de comédies musicales à succès.

West Side Story

Une époque qui culmine en 1957 avec la création sur Broadway de West Side Story, un remake contemporain du drame shakespearien Romeo et Juliette sur le chef d’oeuvre musical du très fidèle Leonard Bernstein et le livret écrit par Stephen Sondheim et Arthur Laurentis. West Side Story  révolutionne la comédie musicale, exigeant des interprètes qui soient à la fois excellents comédien.ne.s, chanteur.se.s et danseur.se.s. West Side Story reste près de trois ans à l’affiche à New York avant de partir en tournée dans les États Unis puis d’être transféré à Londres et dans d’autres villes du monde. Face à ce triomphe nait le film dirigé par Robert Wise avec Natalie Wood et George Chakiris dans les rôles de Maria et Tony. Le film remporte 10 Oscars ! Un triomphe planétaire qui conduit Jerome Robbins à quitter le New York City Ballet et à créer sa propre compagnie qui ne trouvera jamais son audience. C’est l’époque de son apothéose sur Broadway avec des comédies musicales telles que Gypsy ou Un Violon sur le Toit qui sont jusqu’a aujourd’hui, régulièrement à l’affiche.

 

L’Opéra de Paris, sa “seconde maison

En 1969, Jerome Robbins a 50 ans et il opère son grand retour au New York City Ballet auquel il offre des oeuvres majeures de son répertoire : Dances at a Gathering (1969), In The Night (1970), Les Variations Goldberg (1970), En Sol (1975), The Four Seasons (1979) et le magistral Glass Pieces (1983). Toutes ces pièces entrent aussi au répertoire du Ballet de l’Opéra de Paris, sa “seconde maison” comme il se plaisait à le dire. Il y vient pour la première fois en 1974 et il dirigea personnellement toutes les entrées au répertoire et collaborant étroitement avec les Étoiles de la maison. Ghislaine Thesmar, Noëlla Pontois, Michaël Denard, Patrick Dupond, Sylvie Guillem, Monique Loudières, Manuel Legris, Marie-Claude Pietragalla, Kader Belarbi, Laurent Hilaire , Nicolas Le Riche… la liste n’est pas exhaustive. C’est dire l’influence et l’impact que Jerome Robbins a pu avoir sur toute une génération de danseuses et de  danseurs de l’Opéra de Paris et en particulier la génération Rudolf Noureev. Perfectionniste obsessionnel, Jerome Robbins ne sut jamais déléguer et avait un souci maniaque du détail ce qui lui valut quelques batailles homériques dans les studios de danse.

En sol de Jerome Robbins – Ballet de l’Opéra de Paris

Atteint de la maladie de Parkinson, Jerome Robbins continue pourtant de diriger le New York City Ballet après la mort de George Balanchine en 1983. Il pousse plus avant ses recherches, revisite aussi ses chef-d’oeuvres  passés, offrant au NYCB un West Side Story Suite qui condense l’histoire en 45 minutes et devient un succès du répertoire. Affaibli, il voulut néanmoins mettre sur la scène du New York City Ballet en 1998 Les Noces qu’il avait crée pour l’American Ballet Theatre. Le 29 juillet 1998, il s’éteint chez lui à New York. À l’annonce de son décès, les lumières de Broadway se sont estompées quelques minutes en hommage à celui à qui le théâtre new-yorkais devait tant. Depuis, il est rare qu’une saison ne s’écoule à New York sans qu’au moins une comédie musicale chorégraphiée par Jerome Robbins ne soit à l’affiche. Il a évidemment laissé une empreinte profonde sur l’histoire, le répertoire du New York City Ballet. Les soirées All Robbins qui sont à l’affiche chaque saison font salle comble au Lincoln Center. Jerome Robbins a influencé toute une génération de chorégraphes et ses ballets sont dansés par toutes les grandes compagnies internationales. Il aura contribué à populariser la danse, renouvelé la comédie musicale qui vit toujours sur son héritage. C’est un maître dont on fête le centenaire !

 

Hommage à Jerome Robbins aux Étés de la Danse du 25 au 30 juin à la Seine Musicale, avec le New York City Ballet, le Miami City Ballet, le Joffrey Ballet, le Perm Opera Ballet et le Pacific Northwest Ballet.

Hommage à Jerome Robbins par le Ballet de l’Opéra de Paris du 27 octobre au 14 novembre, avec Afternoon of a Faun, A Suite of dances, Fancy Free et Glaa Pieces.

 



Commentaires (1)

  • Bonjour,
    Une des danseuse principale du Ballet du Nord à Roubaix durant 10 ans engagée à la création de cette compagnie par Alfonso Cata, j’ai eu l’extrême chance de pouvoir danser du Balanchine et d’avoir comme chorégraphe, John Clifford qui était un des danseurs de West Side Story… Pour moi, Jerome Robbins est celui qui a su insuffler une nouvelle façon de bouger aux danseurs classique, créant ainsi le néo-classique. Il avait une vision peut commune de ce qui allait devenir La Danse d’aujourd’hui. Dépoussiérer la danse classique était indispensable… avant la venue de M. Jackson qui a révolutionner aussi le monde de La Danse… La Danse étant implicitement liée à l’évolution de l’Etre Humain.

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