Amandine Albisson nommée Danseuse Étoile
Ecrit par : Amélie Bertrand
Amandine Albisson a été nommée Danseuse Étoile du Ballet de l'Opéra de Paris le mercredi 5 mars, à l'issue d'une représentation d'Onéguine de John Cranko, où elle interprétait le rôle de Tatiana.
Amandine Albisson est de celles qui ont eu un parcours fulgurant. Née en 1989 à Marseille, elle entre à l'École de Danse de l'Opéra de Paris à l'âge de 10 ans, alors que l'établissement est encore dirigé par Claude Bessy. En première division, elle se fait remarquer en dansant les rôles principaux dans les ballets Divertimento de George Balanchine ou Variations Don Giovanni de Maurice Béjart. Lorsqu'elle rentre dans le corps de ballet en 2006, il ne fait déjà pas de doute qu'elle fera une belle carrière. Elle met toutefois un petit peu de temps pour passer Coryphée, poste qu'elle n'obtient que trois ans plus tard. Sujet en 2010, elle passe Première danseuse en 2014.
Malgré cette attente relative, Amandine Albisson est vite très bien distribuée. Le public la découvre d'abord dans des oeuvres contemporaines, elle danse Mats Ek, William Forsythe, Anne Teresa De Keersmaeker. Petit à petit, elle obtient des petits rôles dans des ballets classiques où elle montre qu'elle sait aussi se défendre dans un genre plus académique. Très appréciée par la direction, Amandine Albisson obtient des rôles de premier plan avant même sa promotion de Première danseuse : la Reine des dryades dans Don Quichotte, le pas de deux des paysans dans Giselle, l'une des soeurs dans Cendrillon, la Bohémienne dans Le Loup... puis des premiers rôles comme Le Rendez-Vous de Roland Petit. Et, surtout, La Sylphide de Pierre Lacotte en juin ainsi que La Belle au bois dormant en décembre dernier. Elle avait réussi le premier, montrant un beau personnage, moins le deuxième qu'elle avait eu du mal à faire évoluer. Danseuse brillante, sans conteste, mais il lui fallait encore un peu de temps.
Alors que penser de cette nomination ? D'abord, félicitations à cette danseuse pour cette nomination. Ensuite, perplexité. Car, il faut bien le dire, Amandine Albisson est passée à côté du personnage de Tatiana qui lui vaut cette nomination d'Étoile. Une chronique sera réservée à cette soirée, mais disons-le d'emblée, ce ne fut pas une réussite. La ballerine avait une danse superbe. Mais c'est comme si elle avait passé la représentation à ne faire que se regarder dans une glace. Pas d'évolution, pas d'interaction avec ses partenaires, quelques mimiques d'émotion mais sans aucun fil conducteur. Ses pleurs du deuxième acte ont même fait rire mes voisins. Amandine Albisson est jeune, elle n'est Première danseuse que depuis deux mois, elle a dansé très peu de premiers rôles, elle a le droit de se planter. Mais une nomination après une si oubliable représentation, vraiment, quel gâchis.
Personne ne doute qu'Amandine Albisson serait devenue Étoile un jour ou l'autre. Et une Étoile brillante, elle a la virtuosité et la personnalité pour ça. Attendre un ou deux ans qu'elle murisse, choisir un rôle qui lui va mieux et sa nomination aurait eu du panache. Au lieu de quoi cela donne quelque chose de fait à la va-vite et pour de mauvaises raisons, une soirée qui ne restera pas dans les mémoires. Un titre d'Étoile devrait pourtant venir après une soirée marquante.
Il y a comme un petit arrière-goût avec cette nomination, que les choses n'ont pas forcément été faites pour les bonnes raisons. Brigitte Lefèvre veut visiblement caser ses favoris avant de partir, quitte à ne laisser aucune marge de manoeuvre au futur directeur Benjamin Millepied. Ce dernier était d'ailleurs à Paris cette semaine, mais certainement pas à Garnier, le 5 mars étant la première de son L.A. Dance Project au Châtelet. Un peu mesquin comme timing. Ce soir, une bonne partie du parterre était aussi réservée par une grosse entreprise mécène de l'Opéra, qui dînait ensuite dans le grand foyer. Dîner où s'est visiblement rendue la nouvelle Étoile, au vu des applaudissements qui y ont retenti une heure après le spectacle.
Et puis il y a tout de même une certaine inélégance à nommer une nouvelle Étoile à peine une autre partie, et sur le même rôle. Quel fossé, pourtant, entre l'interprétation d'Isabelle Ciaravola et celle d'Amandine Albisson.
On ne peut pas pourtant dire que cette nomination soit absolument imméritée au vu du potentiel de la ballerine. Mais qu'elle arrive trop tôt, pas sur le bon rôle, pas au bon moment, très certainement. Et c'est dommage. À Amandine Albisson désormais d'assurer son nouveau titre.
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