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Gros plan sur Two cigarettes in the dark par le Tanztheater Wuppertal de Pina Bausch

La saison 2014-2015 à l’Opéra de Paris a démarré dès le 1er septembre, non pas par le Ballet, mais par une compagnie invitée, le Tanztheater Wuppertal Pina Bausch. La compagnie allemande danse sur la scène du Palais Garnier Two cigarettes in the dark de Pina Bausch, jusqu’au 7 septembre.

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Two cigarettes in the dark

Le Tanztheater Wuppertal

Anciennement Ballet des Théâtres de Wuppertal, le Tanztheater Wuppertal est dirigée par la chorégraphe Pina Bausch depuis 1973. La troupe danse uniquement des oeuvres de la chorégraphe allemande, pierre angulaire de toutes ses créations. Certains interprètes des premières années sont toujours là, d’autres ont été recrutés après la mort de Pina Bausch, en 2009. La troupe, qui a fêté ses 40 ans, continue de danser les grands ballets de Pina Bausch à travers le monde.

 

Pina Bausch et l’Opéra de Paris

Le Tanztheater Wuppertal est bien connu du public parisien, la troupe venant en effet chaque année au Théâtre de la Ville – lieu consacré essentiellement à la danse contemporaine – pour une série de représentations (toujours à guichet fermé). La compagnie est, par contre, peu souvent venue  à l’Opéra de Paris, sa dernière visite remontant à 1993.

Les liens qui unissent Pina Bausch à l’Opéra de Paris sont néanmoins particuliers. La troupe a en effet deux oeuvres de la chorégraphe à son répertoire : Le Sacre du Printemps et Orphée et Eurydice. À part bien sûr le Tanztheater Wuppertal, l’Opéra de Paris est la seule compagnie du monde à danser des oeuvres de Pina Bausch. Des discussions pour faire entrer Café Müller au répertoire, une pièce-maîtresse de la chorégraphe, avaient aussi débuté, interrompues par la mort de la créatrice.

Two cigarettes in the dark

Two cigarettes in the dark

Pina Bausch

Née en 1940, Pina Bausch (née Philippine Bausch) apprend la danse à l’École Folkwang d’Essen, où elle rentre à 14 ans. Diplômée quatre ans plus tard, elle part à étudier à la Juilliard School of Music de New York, notamment avec le chorégraphe Antony Tudor, qui devient l’un de ses maîtres. “Tudor a été mon maître, il m’a poussée à trouver ma voie (…). Il travaillait sur la nuance et employait toujours l’humour pour la faire comprendre. En répétition, il lâchait : ‘Je ne vois pas un seul muscle romantique ici !’. Je me sers encore de cette phrase avec mes danseurs“, racontait Pina Bausch. Deux ans plus tard, elle retourne danser en Allemagne avec le Folkwang Ballett, tout en retournant régulièrement aux États-Unis.

Pina Bausch se lance dans la chorégraphie à la fin des années 1960. Ses premiers spectacles sont issus de ses recherches, et relectures de grands classiques de la musique – Gluck, Weill, Stravinsky (Orphée et Eurydice a été créé à cette époque, en 1975). Elle est nommée en 1973 à la tête du Ballet des Théâtres de Wuppertal, qu’elle renommeraTanztheater, renouant avec les réformes initiées par Rudolf von Laban et Kurt Jooss dans les années 1920, fondateurs du “théâtre dansé”. La chorégraphe entame alors un long processus de création, à raison d’une ou deux oeuvres nouvelles par an, qu’elle ne cessera qu’à sa mort.

 

Les oeuvres de Pina Bausch

Pina Bausch“… Dans le monde de la danse, on aime bien prononcer ce mot avec un certain mysticisme. Le public parle d’ailleurs plus souvent de Pina (comme ses interprètes), comme s’il s’agissait d’une bonne connaissance. Sans tomber dans un certain fanatisme, il est vrai que voir une oeuvre de Pina Bausch est toujours une expérience en soi, dont l’on ressort souvent heureux.

Pina Bausch parle souvent de nous dans ses oeuvres. Nous, les humains, ces gens si pleins de défauts mais en même temps si touchants, car justement si remplis d’humanité. Ses oeuvres portent un regard qui peut ne pas être tendre, mais qui reste toujours bienveillant sur la faiblesse humaine, en y faisant naître une grande beauté. Sur le fond, une pièce de Pina Bausch peut être très joyeuse, d’où le sentiment de véritable apaisement en y ressortant (je sens que cette phrase en fait reculer certains-e-s et plonge tête la première dans un “certain fanatisme” qui veut être évité plus haut, mais cette impression d’apaisement est profondément juste).

Une oeuvre de Pina Bausch n’est pas forcément facile à aborder (et il est même possible de ne pas aimer, faisant fi de toute la bienséance qui impose d’être happé par la chorégraphe allemande). La chorégraphe ne cherche pas à faire de l’effet, à avoir un fil conducteur visible, à prendre le public par la main. Il faut se laisser guider par ce qu’on l’on voit et ressent, sans chercher à forcément analyser le chemin que l’on prend. Être ouvert-e aux surprises. L’émotion arrive quand on ne l’y attend pas. Il s’agit en tout cas toujours d’oeuvres entières, personnelles, ne ressemblant à rien d’autre.

Two cigarettes in the dark

Two cigarettes in the dark

Le théâtre dansé

Le nom “Tanztheater” donné à la compagnie, qui pourrait se traduire par “danse théâtre” ou “théâtre dansé”, n’a pas bien sûr été trouvé au hasard. Ce mouvement est apparu en Allemagne dans les années 1920. L’École Folkwang d’Essen, où Pina Bausch a été formée, en était d’ailleurs l’un  des berceaux, dirigée par Kurt Jooss.

Au début de sa carrière de chorégraphe, Pina Bausch reste dans une forme relativement traditionnelle de la danse, si l’on peut dire. Le Sacre du Printemps ou Orphée et Eurydice sont très forts théâtralement, mais qui restent des oeuvres entièrement dansées, avec une chorégraphie précise. À la fin des années 1970, Pin Bausch rompt définitivement avec cette conception de la danse, pour se tourner entièrement vers la danse-théâtre (le ballet de Wuppertal qu’elle dirige, sera d’ailleurs rebaptisé “Tanztheater” à ce moment-là).

Le théâtre dansé est un mélange de danse et de théâtre, où les interprètes sont à la fois danseur et acteur. Il n’y a pas forcément de chorégraphie écrite, chaque rôle est construit en fonction de la personne qui le joue. C’est aussi pourquoi la question de la transmission chez Pina Bausch est si compliqué, il n’est pas forcément évident de remonter ses pièces avec d’autres interprètes.

Créé en 1985, Two cigarettes in the dark est une oeuvre du théâtre dansé.

 

Two cigarettes in the dark

Le titre Two cigarettes in the dark est inspiré d’une chanson de Bing Crosby, qui évoque la solitude et la perte de l’être aimé. Comme toutes les pièces de Pina Bausch, Two cigarettes in the dark parle de l’être humain dans toutes ses failles et attendrissement. “Dans un décor clos et immaculé, les interprètes s’interpellent, se croisent, se succèdent dans des séquences violentes et burlesques, cherchant peut-être à combler le vide de leur existence. Entre tragédie et dérision, souffrance et espoir, les tableaux se télescopent, laissant transpirer toute la complexité des rapports entre hommes et femmes et les contradictions de la nature humaine“.

Two Cigarettes in the Dark, pièces pour onze danseurs-acteurs, ne traite plus de la lutte des sexes. Elle expose simplement la solitude dans laquelle chacun semble prisonnier et qu’exprime une impénétrable froideur“, explique Norbert Servos, qui a écrit Pina Bausch ou l’Art de dresser un poisson rouge (2001).

N’hésitez pas à donner votre avis sur le spectacle en commentaire.

Commentaires (4)

  • tachy

    Vu la séance du 1er septembre. Des moments de grâce très forts, un décor et une mise en scène superbes, des danseurs réellement habités…mais aussi de la violence, des longueurs et une bande son “grésillante”.
    Impression mitigée donc, et vous ?

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  • Oui, quelques longueurs, mais tellement de moments superbes et intenses ! Déroutant et inclassable, le travail de Pina Bausch reste unique.

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  • malko

    De sublimes passages au milieu de tunnels brechtiens surannés.

    Ce n’est pas le meilleur de Pina.

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  • Patrick L

    Vu le 05/09, moments magiques, Mechtild Grossman impressionnante, Dominique Mercy magistral,
    les autres acteurs/danseurs magiques et le tout dans un endroit magnifique…..

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