Ludmila Pagliero nommée Danseuse Étoile
Ecrit par : Amélie Bertrand
Il y a des nominations auxquelles tout le monde s'attend, comme celle de Josua Hoffalt il y a quinze jours.
Et puis il y en a d'autres qui sont plus surprenantes. Jeudi 22 mars, la soirée est tranquille de mon côté. La Bayadère est retransmise en direct dans une centaine de cinéma, mais n'étant pas fan de la danse sur écran, je préfère rester tranquillement chez moi. Et puis vers 23 heures, ce réflexe très XXIe siècle, checker ses mails avant d'aller se coucher.
Et tomber sur un communiqué de presse qui me fait me précipiter sur Twitter.
Sur sa proposition et par délégation de Nicolas Joel, Directeur de l’Opéra national de Paris, Brigitte Lefèvre, Directrice de la Danse, a nommé Ludmila Pagliero, Danseuse Étoile de l’Opéra national de Paris à l'issue de la représentation de La Bayadère de Rudolf Noureev - au cours de laquelle elle interprétait le rôle de Gamzatti – à l’Opéra Bastille, le jeudi 22 mars 2012.
Alors là quelle surprise ! La veille, Ludmila Pagliero ne devait pas danser ce soir. En fait, elle ne devait même pas interpréter ce rôle de Gamzatti sur cette série. Mais il y a eu ce qu'on appelle des blessures en pagaille : Dorothée Gilbert tout d'abord. Elle devait être remplacée par Mathilde Froutstey, qui doit étrenner ce rôle le 28 mars. Mais le matin même, la danseuse se blesse, et doit renoncer. Marie-Agnès Gillot, l'autre Gamzatti, est sur toutes les soirées Robbins/Mats Ek, pour remplacer Laëtitia Pujol, blessée. C'est donc Ludmila Pagliero, qui a déjà dansé ce rôle lors d'une précédente série, qui montera sur scène au pied levé.
Cette représentation du 22 mars était on ne peut plus particulière, et prestigieuse, car elle était retransmise en direct dans une centaine de cinémas dans le monde. Une nomination en direct dans le monde entier, les habitué-e-s il y avait bien pensé, mais cela concernait plutôt Josua Hoffalt.
La nomination de Danseuse Etoile de Ludmila Pagliero ne surprend pas en soi. Depuis déjà plusieurs mois (années ?), la rumeur court. Cela devait arriver sur Les Enfants du Paradis, puis sur La Source. La Direction a sûrement voulu profiter de cette belle occasion. En montant sur scène, Brigitte Lefèvre aurait dit vouloir "récompenser le courage extraordinaire de remplacer au pied levé la danseuse prévue ce soir", mais il y avait tout de même plus que ça.
Alors que dit-on lors d'une nomination d'Etoile ? Déjà, on félicite l'heureuse élue, qui se voit entrer au firmament de l'une des plus belles compagnies du monde. Le parcours de Ludmila Pagliero n'avait en plus rien d'évident. Née en Argentine en 1983, elle devient soliste dès 2002 au Ballet de Santiago. Mais pour venir à Paris un an plus tard, elle décide de revenir au bas de la hiérarchie. Elle suit le parcours habituel, remplaçante, quadrille... et donc moins de 10 ans plus tard, elle est nommée étoile.
Que dit-on ensuite ? Tout dépend si l'on apprécie la danseuse ou non. Il y a des nominations qui font l'unanimité, comme celle de Josua Hoffalt. Et puis il y en a d'autres, comme celle de Ludmila Pagliero, qui mettent moins de monde d'accord.
Ludmila Pagliero n'est pas la danseuse qui me fait rêver. La dernière fois que je l'ai vu, lors de la première de la soirée Robbins/Mats Ek dans Dances at a Gathering, elle m'a fait le même effet que d'habitude. C'est propre, c'est net, c'est engagé, mais ça ne passe pas la rampe. En tout cas ça ne m'atteint pas. Forcément, je n'ai pas spécialement cherché à la voir souvent. Je l'ai d'ailleurs très peu vu dans des rôles de solistes cette saison, il serait donc mentir de dire que je connais bien cette danseuse.
Pour moi, une étoile, c'est quelqu'un qui m'éblouit, qui m'émeut, qui me fait rêver. Ce n'est pas quelqu'un qui a un travail propre, net, et qui peut remplacer quelqu'un au pied levé, même si c'est un énorme travail à saluer. Ludmila Pagliero est très certainement, et je n'en doute pas, une énorme bosseuse. C'est cruel, mais ce n'est pas ça qui va faire qu'une danse me touche. Ce matin, je pense à une autre première danseuse. Peut-être n'est-elle pas aussi rassurante techniquement et physiquement, mais quand elle rentre sur scène, je suis happée.
La danse est, comme tout art, subjectif. Subjectivement parlant, Ludmila Pagliero me laisse indifférente, sa danse me laisse indifférente, sa nomination me laisse indifférente. J'espère sincèrement que cela changera.
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