Soirée Danseurs Chorégraphes : qui et quoi voir danser sur scène ?
Ecrit par : Amélie Bertrand
Alors que la saison 2010/2011 est en pause jusqu'en février, les artistes du Ballet de l'Opéra de Paris en profitent pour montrer leur talent de chorégraphes au public.
La soirée Danseurs chorégraphes se tiendra ainsi du 19 au 21 janvier, à l'amphithéâtre de Bastille. Le programme devrait plutôt s'appeler Danseurs et danseuses chorégraphes, d'ailleurs, il y a aussi des femmes qui tentent l'expérience.
Le programme est tombé, avec pas mal de choses qui ont l'air très alléchantes.
El Fuego de la Pasión.
Ballet d'Allister Madin (création, première chorégraphie).
Interprètes : Allister Madin et Carolie Bance.
Musique : Carlos Gardel, Alfredo Lepera et Gotan Project.
Ce qu'en dit le chorégraphe Allister Madin : "Une jeune femme élégante arrive seule dans un bar à une heure avancée de la nuit. Elle s’installe au comptoir, visiblement prête à mettre de côté l’aspect routinier de sa vie. Et se réinventer l’espace d’un soir. Un homme la regarde… Pas de deux réel ou rêvé ? Construit en deux temps, deux ambiances, il symbolise le conflit intérieur entre raison et passion… La danse aux lignés néo classiques et contemporaines se laisse emporter par une énergie toute hispanique".
Grosse pression pour le jeune sujet, puisque c'est sa toute première expérience de chorégraphie qui ouvre la soirée. Le propos a l'air assez classique, mais peut donner de belles choses, surtout avec l'Espagne en fond (rien d'étonnant de sa part).
Melancholia Splenica.
Ballet de Florent Melac (création).
Interprètes : Charlotte Ranson, Silvia-Cristel Saint-Martin, Julien Meyzindi et Maxime Thomas.
Musique : Deru, Alva Noto et Ryuichi Sakamoto.
Ce qu’en dit le chorégraphe Florent Melac : "La sensation du mouvement et la musique sont les éléments majeurs qui déterminent mon cheminement chorégraphique. Indissociables l’un de l’autre, ils déterminent une atmosphère originale, une authenticité que je veux souligner en évitant décor ou costumes. Cette création est conçue comme une étude sur la recherche du mouvement le plus juste, la poursuite d’une esthétique à la fois contemporaine et classique. Si la joie peut être un moment de la Beauté, elle n’e est le plus souvent qu’un des ornements les plus vulgaires, tandis que la Mélancolie en est pour ainsi dire l’illustre compagne".
Florent Melac est inspiré, puisque c’est déjà son deuxième ballet à tout juste 17 ans. Sa recherche personnelle semble être déjà très réfléchie, très intellectualisé, et déjà très mûre pour son jeune âge.
Le pressentiment du vide.
Ballet de Lydie Vareilhes (création, première chorégraphie).
Interprètes : Letizia Galloni.
Musique : Ketelun Duty, Bach.
Ce qu’en dit la chorégraphe Lydie Vareilhes : "Ce solo traduit l'introspection d'un individu - pouvant être aussi bien un homme qu'une femme - face au vertige existentiel que provoque chez lui l'impuissance à concevoir la finitude et l'infinitude. Ses rares tentatives pour combler un vide, sont vaines car, en vérité, il se complaît dans la solitude. Elle permet à son imaginaire de composer un autre monde, altérant ainsi sa perception des autres, avant de le mettre finalement face à la réalité".
Ce solo est inspiré du roman de Ionesco Solitaire. Je connais très peu Lydie Vareilhes, et sa présentation n’en dit finalement pas beaucoup. Mais j’aime beaucoup Letizia Galloni, et je suis curieuse de la voir dans un solo, qui devrait la lasser s’exprimer.
Bless - ainsi soit Il.
Ballet de Bruno Bouché.
Interprètes : Aurélien Houette et Erwan Le Roux.
Musique : Bach.
Ce qu’en dit le chorégraphe Bruno Bouché : "La Lutte de Jacob avec l’Ange, l’œuvre d’Eugène Delacroix peinte sur les murs de l'église Saint-Sulpice me regarde plus que je ne la regarde. Faut-il voir dans cette lutte une allégorie du combat de l'homme face aux forces qui le dépassent ? Elle me regarde au creux même de ma nuit, de cette passion que je crois fuir ‘sans bouger dans d'immenses efforts’, comme l’écrit Baudelaire".
Contrairement aux précédents artistes, Bruno Bouché est loin d’être un débutant de la chorégraphie. Cette pièce a d’ailleurs déjà été dansée. Plus qu’une recherche ou une expérience, ce ballet devrait être forcément plus abouti.
Fugitif.
Ballet de Sébastien Bertaud (création).
Interprètes : Laurène Levy, Sébastien Bertaud, Axel Ibot et Daniel Stokes.
Musique : Olivier Doerell, Stephan Whôhrmann.
Création vidéo : Héléna Bertaud (ndlr : vive la famille).
Ce qu’en dit le chorégraphe Sébastien Bertaud : "Fugitif questionne la danse classique dans une perspective contemporaine. L'espace scénique est ici numérisé, et approfondi par les projections vidéo qui se superposent aux différents trio, solo, duo et quatuor qui composent cette chorégraphie intimiste basée sur la fluidité, la musicalité et l'émotion. Fugitif comme un instant, un regard, une sensation…".
Sébastien Bertaud n’en est pas lui non plus à sa première chorégraphie. Le ton a l’air d’être très contemporain, avec une forte utilisation de la vidéo. J’aime bien en tout cas le quatuor des interprètes.
Nocturne.
Ballet de Nans Pierson (création).
Interprètes : Juliette Hilaire et Alexandre Gasse.
Musique : Chopin, joué au piano par le danseur Pierre-Arthur Raveau.
Ce qu’en dit le chorégraphe Nans Pierson : "C’est la sphère intime d’un couple dans un reste de lumière, Isolé dans l’immensité énigmatique de l’univers, Et un Nocturne de Chopin pour l’emmener au bout de la nuit".
Là encore, le propos me semble assez classique. Mais avec le Nocturne n2 comme musique, il peut faire de très jolies choses. Très bonne idée d’avoir mi un danseur au piano, et oui, les danseur-eu-s sont aussi des musicien-ne-s.
Près de toi.
Ballet de Myriam Kamionka création).
Interprètes : Marine Ganio et Mathieu Ganio.
Musique : DJ Myst 22 et Sébastien H.
Costumes : Ken Okada.
Ce qu’en dit la chorégraphe Myriam Kamionka : "L’idée de cette chorégraphie nous est venue de la contemplation de nos propres enfants et de leur relation qui nous touche et nous interpelle. Être frère et sœur est une chose singulière, forte, intime. Regarder cette relation, c’est découvrir une bulle, un univers qui fonctionne avec ses propres repères, ses émotions, s’invente chemin faisant à la fois dans et hors du lien parental. A cette histoire, s’est ajoutée la rencontre de Mathieu et Marine Ganio, autres frères et sœurs, enfants de danseurs, aujourd’hui devenus interprètes. Nous avons voulu à notre tour écouter et interroger ce lien et c’est aujourd’hui à eux que nous dédions cette chorégraphie, fruit d’un véritable travail commun avec l’ensemble des créateurs".
Ahhhh, un duo entre les deux frères et sœurs Ganio, il fallait y penser. Si Mathieu, l’étoile, est connu de tous, Marine est assez peu mise en avant. Une occasion donc de la découvrir, et surtout de les voir tous les deux à égalité. La musique semble être électro, en tout cas très contemporaine, cela peut donner une belle énergie sur scène.
Me2.
Ballet de Samuel Murez.
Interprètes : Takeru Coste et Samuel Murez.
Musique : The Misters.
Texte et liseur : Raymond Federman.
Ce qu’en dit le chorégraphe Samuel Murez : "Inspiré du poème bilingue Me Too de Raymond Federman, Me2 explore chorégraphiquement les thèmes abordés dans le texte - identité, dédoublement, schizophrénie, confusion - dans une pièce où la virtuosité du mouvement joue avec celle des mots".
Samuel Murez a déjà créé pas mal de ballets, surtout avec sa compagnie 3e étage. Ce ballet a d’ailleurs déjà été donné, et le travail montré devrait être aussi assez abouti.
Narkissos.
Ballet de Mallory Gaudion.
Interprètes : Mallory Gaudion (ndlr : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple).
Musique : Arvo Pärt.
Ce qu’en dit le chorégraphe Mallory Gaudion : "Se libérer du regard des autres. Etre soi, seul et sans contrainte. Fuir une altérité impossible. Des verres épars s’échappent les vapeurs alcooliques qui portent le solo vers un Eden égoïste. Dans le miroir liquide et euphorisant, Narkissos se contemple, androgyne, extatique et libre. De l’autre côté de la frontière, il laisse dans le fond d’autres verres l’image vénéneuse et inquiétante".
Mallory Gaudion a lui aussi déjà plusieurs chorégraphies sur son CV. Cette pièce a déjà été donnée, mais dans une autre version, en 2009. Un solo chorégraphié pour lui même, il doit s’agir là, plus que d’un propos, d’un étude ou d’une recherche chorégraphique, d’une expérience personnelle.
Ça tourne à l’amphi.
Ballet de Béatrice Martel (création).
Interprètes : Isabelle Ciaravola, Amandine Albisson, Marion Barbeau, Aubane Philbert, Pauline Verdusen, Jennifer Viscocchi, Lionel Delanoë (le retour), Mathieu Botto, Yann Chailloux, Jean-Baptiste Chavignier et Alexandre Gasse.
Musique : Carla Bruni.
Costume : Béatrice Martel et Michel Ronvaux.
Ce qu’en dit la chorégraphe Béatrice Martel (attention, décryptage) : "Clip campagne - Tapis d’amour, premier baiser / Clip urbain - Banc de filles et beau gosse / Clip noctambule - Trois accords façon fatale / Clip clap – Trop poudrée… ".
Béatrice Martel, qui a déjà créé plusieurs chorégraphie, est l’une des figures phare de la compagnie et du corps de ballet. Elle a réuni autour d’elle des talents de toutes les générations, de l'Etoile au nouveau venu, jusqu’à même faire revenir Lionel Delanoë. Je sens quelque chose d’assez drôle. Sa petite troupe me fait en tout cas bien envie.
© Photos : Gala Reverdy
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