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Ballet du Capitole – Dans les Pas de Noureev

Le Ballet du Capitole ouvre sa nouvelle saison avec un programme résolument classique. Son directeur Kader Belarbi continue à tracer son sillon en n’oubliant pas les maîtres qui l’ont formé. Cette soirée Dans les pas de Noureev est un double hommage : au danseur et chorégraphe russe Rudolf Noureev qui a marqué de son empreinte artistique la danse française, mais aussi à la danse académique défendue avec brio par la compagnie toulousaine. Cette nouvelle soirée Noureev s’enrichit ainsi d’une entrée au répertoire ambitieuse avec le Grand Pas classique du troisième acte de Raymonda. Une belle réussite, tout comme le retour de l’acte des Ombres de La Bayadère. Les pas de deux présentés entre les deux, sortis de leur contexte, paraissaient plus anecdotiques.  

Natalia de Froberville et Davit Gaylstan – Raymonda 

Plus que tout autre chorégraphe, Rudolf Noureev a laissé une trace indélébile sur le Ballet français. Par sa notoriété, il a fait sortir de l’ombre l’Opéra de Paris. Ses années à la Direction de la Danse ont vu l’éclosion d’une génération de danseuses et danseurs à l’immense talent, qui aujourd’hui continuent à transmettre son héritage dans les compagnies du monde entier ou dans les écoles de danse. Pour ce programme, Kader Belarbi a ainsi fait appel à deux Etoiles de l’Opéra de Paris de cette génération : Elisabeth Platel et Charles Jude, qui ont supervisé les répétitions. C’est en effet un travail d’orfèvre que de mettre au point ces chorégraphies, excessivement difficiles, que Rudolf Noureev compliquait à souhait.

Le Grand Pas classique du troisième acte de Raymonda ouvre la soirée. C’était un ballet méconnu en France jusqu’à la version de Rudolf Noureev qu’il a poli au fil des années, de sa première rédaction pour le Royal Ballet en 1964 jusqu’à sa création pour l’Opéra de Paris en 1983. Raymonda, sur la musique d’Alexandre Glazounov, est un ballet en trois actes, infiniment russe, l’un des derniers imaginé par Marius Petipa. Une oeuvre au grand style techniquement exigeant qui convenait parfaitement pour célébrer la nomination de quatre Etoiles du Ballet du Capitole. Et Natalia de Froberville et Davit Gaylstan font plus qu’honneur à leur nouveau titre. La danseuse russe, formée à la prestigieuse école de Kiev en Ukraine, est désormais un pilier de la compagnie. Elle déploie sur scène une élégance naturelle, des lignes superbes portées par une technique éprouvée. Elle est tout à son aise dans ce rôle virtuose, très attendue sur la fameuse variation de la claque sur laquelle de nombreuses ballerines se sont cassées les pointes. Il faut durant ces trois minutes une maîtrise parfaite et une liberté du haut du corps totale. Natalia de Froberville a tout cela. Son partenaire Davit Gaylstan la sert formidablement dans le rôle de Jean de Brienne. C’est aussi un danseur indispensable de la compagnie, charismatique sur scène, chaleureux et dont la danse est nourrie de l’école russe. Le corps de ballet n’est finalement pas beaucoup sollicité dans cet extrait de Raymonda. Sans atteindre des sommets, le pas de quatre s’est montré digne de la chorégraphie à la russe. 

Alexandra Surodeeva et Rouslan Savdenov- Roméo et Juliette de Rudolf Noureev

La seconde partie de la soirée est constituée de quatre pas de deux ou de trois extraits des grands ballets de Rudolf Noureev. Elle débute avec le célèbre pas de deux du balcon de Roméo et Juliette. Rudolf Noureev en livra sa version définitive à l’Opéra de Paris en 1984 avec les somptueux décors d’Ezio Frigerio. C’est l’un des plus grands ballets du répertoire porté par une partition sublime de Sergueï Prokofiev. Mais il n’est pas facile de danser ce pas de deux hors du contexte dramatique du livret inspiré de la célèbre pièce de William Shakespeare. Cet extrait doit être un sommet amoureux et érotique. Alexandra Surodeeva et Rouslan Savdenov  ne déméritent pas, ils sont techniquement au point, mais ils ne parviennent pas à nous faire croire à leur histoire d’amour. Roméo et Juliette est décidément un ballet qui se prête mal aux pièces de galas.

Il n’y a pas, dans le pas de deux du troisième acte de La Belle au Bois Dormant, d’enjeu dramatique. C’est un moment de pure danse et de bravoure technique. Là encore, Rudolf Noureev a mûri sa version durant plus de 20 ans avant de la créer au Palais Garnier en mars 1989 avec les costumes grand siècle de Franca Squarciapino. Tiphaine Prévost dans le rôle d’Aurore et Philippe Solano dans celui du Prince Désiré forment un couple idéal, dévoilent une vraie complicité et un partenariat efficace, indispensable pour se jouer des difficultés dont ce pas de deux et ses variations sont truffées avec les portés poisson passés en douceur. Du bel ouvrage !

Philippe Solano et Tiphaine Prévost – La Belle au Bois Dormant de Rudolf Noureev

Kader Belarbi fait aussi entrer au répertoire le pas de deux dit du tabouret de Cendrillon. C’est l’œuvre la plus personnelle de Rudolf Noureev qui, pour ce ballet, ne se limite pas à livrer sa rédaction d’après Marius Petipa mais crée de toute pièce un livret original qui transpose le conte de Charles Perrault dans le Hollywood des années 1930. Cendrillon devient une jeune fille avec des rêves de cinéma dont les talents seront repérés par un Jeune premier. Sylvie Guillem et Charles Jude furent le couple de la première le 25 octobre 1986 et le ballet fut ensuite filmé en studio avec cette même distribution. La chorégraphie néo-classique de Noureev sur la partition de Prokofiev regorge de moments splendides et inventifs. Mais le livret est faible et la transposition vide le conte de Perrault de toute sa substance narrative. Florencia Chinellato et Timofiy Bykovets dansaient le soir de la première certes avec brio, mais ce moment d’élégance et de légèreté agréable n’en reste pas moins anecdotique.

Il en va tout autrement avec le pas de trois du Cygne Noir du troisième acte du Lac des Cygnes. C’est le point d’équilibre de la version de Rudolf Noureev et de sa vision psychanalytique du ballet de Marius Petipa et Lev Ivanov. Il transforme le pas de deux entre Odile et le Prince Siegfried en un pas de trois dans lequel vient s’immiscer  le sorcier Rothbart. Là encore, Rudolf Noureev livre une chorégraphie complexe et ajoute une série de pas que tous les danseur.se.s ne parviennent pas à exécuter. La ballerine est évidemment la star de cet extrait. Kateryna Shalkyna, nouvelle soliste du Ballet du Capitole, endosse ce rôle écrasant sans frémir. Il requiert une technique affûtée afin de pouvoir incarner le personnage. Elle prouve sur scènes ces grandes qualités et incarne une Odile crédible entourée de Minoru Kaneko dans les habits du Prince Siegfried et Jérémy Leydier, épatant en Rothbart.

Kateryna Shalkina- Le Lac des Cygnes de Rudolf Noureev

Du Lac des Cygnes au troisième acte de La Bayadère il n’y a qu’un entracte. La Bayadère, c’est l’œuvre testamentaire de Rudolf Noureev, son ultime création sur la scène de Garnier le 8 octobre 1992. Longtemps, on ne connaissait en Europe que le dernier acte du ballet de Marius Petipa, l’acte des Ombres, absolu chef-d’œuvre du ballet académique. Cinq ans après son entrée au répertoire du Capitole, Kader Belarbi remet sur scène cet acte blanc qui est sans doute la page la plus belle et la plus  difficile jamais écrite pour un corps de ballet féminin. Cette descente des Ombres, dans le même mouvement répété ad libitum dans une parfaite synchronisation, est le climax de La Bayadère. Elles sont 18 à descendre en tulle vaporeux sur les mesures de la musique de Ludwig Minkus. On peut savoir beaucoup de choses sur l’état de santé d’un corps de ballet en regardant La Bayadère. Celui du Ballet du Capitole est tout à fait à la hauteur des ambitions de son directeur. Il y a encore quelques jambes qui tremblent plus qu’il ne faudrait, mais finalement rien qui ne peut altérer la beauté de l’ensemble. Celles qui ont brillé comme Etoile avec les pas de deux reviennent en solistes pour les trois Ombres.  Alexandra Surodeeva, Tiphaine Prévost et Kateryna Shalkina endossent avec courage leurs tutus blancs pour leur variation. C’est propre et de bonne tenue. Enfin la française Julie Charlet est Nikiya et le cubain Ramiro Gómez Samón Solor. Ce sont les deux autres Etoiles du Capitole et ils sont indiscutables dans leurs rôles.

Le spectacle sera ensuite repris à Montpellier au mois de janvier. Le Ballet du Capitole a désormais pris l’étendard quant il s’agit de défendre les couleurs de la danse académique française. Cette mission est aussi servie par l’Orchestre National du Capitole qui ne se contente jamais de jouer les utilités. 

Julie Charlet et Ramiro Gomez Samon – La Bayadère de Rudolf Noureev

 

Sur les Pas de Noureev par le Ballet du Capitole au Théâtre du Capitole. Raymonda avec Natalia de Froberville (Raymonda) et Davit Gaylstan (Jean de Brienne) ; Roméo et Juliette avec Alexandra Surodeeva (Juliette ) et Rouslan Savdenov (Roméo) ; La Belle au Bois Dormant avec Tiphaine Prévost (Aurore) et Philippe Solano ( Le Prince Désiré) ; Cendrillon avec Florencia Chinellato (Cendrillon) et Timofiy Bykovets (L’Acteur-vedette) ; Le Lac des Cygnes avec Kateryna Shalkina (Odile), Minoru Kaneko (Le Prince Siegfried ) et Jérémy Leydier (Rothbart ) ; La Bayadère avec Julie Charlet (Nikya ) et Ramiro Gomez Samon ( solor). Jjeudi 18 octobre 2018. A voir jusqu’au 23 octobre, puis les 23 et 24 janvier 2019 à Montpellier.

 

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