TOP

Ion – Voyage hypnotique de Christos Papadopoulos

La nouvelle pièce de Christos Papadopoulos, Ionest actuellement en tournée mondiale et est passée par Paris. Une très bonne nouvelle pour ce chorégraphe grec qui a surgi comme un météore sur la planète danse en présentant des œuvres complexes, abouties et dotées d’un style singulier. Le chorégraphe propose avec Ion un voyage hypnotique et envoutant, déclinant un questionnement sur les rapports du groupe à l’individu après s’être plongé dans la vie des oiseaux migrateurs.

Ion de Christos Papadopoulos

C’est en tout cas ce que colportent les différentes notes d’intentions du spectacle. Pourquoi pas ! L’important est ailleurs. Le propos de Christos Papadopoulos n’est jamais didactique mais tout entier porté vers une esthétique du mouvement et la cohésion du spectacle. Pour celles et ceux qui n’auraient que de vagues souvenirs de leurs classes de chimie, un Ion est un atome ou une molécule chargée électriquement et qui donc est attirée par son contraire. Ce rappel n’engage que son auteur mais il a l’avantage d’éclairer le propos de Christos Papadopoulos. Le spectacle s’ouvre en effet sur une course folle que l’on devine plus que l’on distingue car elle s’opère dans la pénombre. Il n’y a en fond de scène qu’un néon fatigué pour éclairer les six danseuses et les quatre danseurs qui surgissent, tournent, glissent et manquent même de chuter (involontairement). Il faut attendre quelques minutes pour les découvrir en groupe soudé, torses nus, fixant la salle impassibles et presque désincarnés.

Ion de Christos Papadopoulos

L’effet est saisissant et se poursuit avec une longue glissade collective où les dix interprètes, tous ensembles, entreprennent de se promener sur la scène, pieds ancrés au sol en évoluant lentement avec un déhanché synchronisé, sans jamais cesser de regarder le public. On discerne à peine le mouvement de groupe avant de s’apercevoir qu’il a déjà parcouru du chemin. Si la lumière est apparue, elle demeure chiche bien que petit à petit, sa puissance augmente tout au long du spectacle. De cette scène puissante de groupe émerge un mouvement centripète, laissant danseuses et danseurs s’écarter et individualiser leurs gestes. Mais ces tentatives de se singulariser ne sont finalement que des épiphénomènes qui n’entravent pas le mouvement général. Chacune, chacun revient finalement reprendre sa place pour poursuivre le voyage collectif à l’instar des oiseaux migrateurs. Ils finissent par nous tourner le dos alors que la scène retourne à la pénombre du début. Le voyage est accompli. Il a été accompagné de bout en bout par la musique de Coti K qui offre une rythmique lancinante et répétitive sur laquelle s’organise la chorégraphie.

Il y a un souffle épique dans le travail de Christos Papadopoulos. Le chorégraphe a tendance à assécher le propos en le faisant durer un peu trop mais sa maitrise de la géométrie est fabuleuse. Ion est sa troisième création et pourtant, le chorégraphe grec affiche déjà une personnalité stylistique aboutie. Il fut à bonne école en collaborant durant de longues années avec Dimitris Papaioannou dont il fut l’interprète et avec qui il a mené un  long débat artistique. Il vole désormais – c’est le cas de le dire ! – de ses propres ailes. Le Théâtre de la Ville sera  dans l‘avenir l’un de ses ports d’attache. Chorégraphe à suivre et à ne plus lâcher !

Ion de Christos Papadopoulos

 

Ion de Christos Papadopoulos au Théâtre des Abbesses. Avec Maria Bregianni, Alexandros Varelas, Nanti Gogoulou, Amalia Kosma, Hara Kotsali, Giorgos Kotsifakis, Dimitra Mertzani, Efthymis Moschopoulos, Ioanna Paraskevopoulou et Alexis Tsiamoglou. Mercredi 7 novembre 2018. À voir aux Halles de Schaerbeek à Bruxelles les 7 et 8 décembre, au Lieu Unique à Nantes les 27 et 28 mars 2019.

 

Poster un commentaire