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May B. – L’éternel retour du chef-d’oeuvre de Maguy Marin

May B. est de retour. Ou plutôt ne cesse de tourner. La pièce iconique de Maguy Marin, qui nous habite depuis plus de 35 ans, ne cesse en effet d’être dansée, chaque année, un peu partout en France. La revoir reste un enchantement permettant à de nouvelles générations de découvrir un classique du répertoire de la chorégraphe et aux plus anciennes de constater la vitalité insolente de ce chef-d’œuvre de la danse contemporaine.

May B – Maguy Marin

Aujourd’hui, tout semble aller de soi pour May B : les places s’arrachent dès qu’elles sont mises en vente, le public ovationne longuement soir après soir les dix interprètes. Mais ce ne fut pas toujours ainsi, aime à rappeler Maguy Marin : “Le public était tout de même très conservateur, toute cette saleté sur scène dérangeait“, explique la chorégraphe dans le film Maguy Marin : L’Urgence d’agir réalisé par son fils David Mambouch. Il fut un temps où l’on huait May B. Mais il en aurait fallu bien davantage pour décourager Maguy Marin qui tenait avec cette pièce un regard unique sur l’humanité.

May B. est née de la lecture de Samuel Beckett et du choc qu’elle provoqua chez Maguy Marin. La chorégraphe française imagina un spectacle, ou plutôt une proposition, qu’elle présenta à l’écrivain franco-irlandais lors d’un rendez-vous aux Editions de Minuit, l’éditeur historique de Samuel Beckett. Sans beaucoup de mots, le courant passe et l’écrivain donna carte blanche à Maguy Marin qui créa May B. Le 4 novembre 1981 au Théâtre Municipal d’Angers. La date n’est pas innocente. On est quelques mois après la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle qui avait suscité un vaste élan d’espoir, notamment dans le monde de la culture.

May B – Maguy Marin

Pourtant May B. apparaît à contre-courant de ce mouvement d’optimisme. C’est une pièce sombre qui parle de manière crue et sans détours de l’être humain, de son quotidien composé d’absurde et de fantaisie. Pour restituer  sur scène le monde de Samuel Beckett, Maguy Marin a un coup de génie : les visages des dix interprètes sont recouverts d’argile dessinant un masque qui à la fois fait ressortir les traits singuliers du visage de chacune et chacun et en même temps compose l’unité du groupe. Ils sont pieds nus, sur un sol poussiéreux, vêtus de tuniques qui ont du être blanches, les yeux trop grand ouverts. Ils vivent à la fois comme un groupe et sont néanmoins atomisés. Ils se déplacent comme des morts-vivants. Les mots si fameux de Samuel Beckett, extraits de  sa pièce Fin de Partie résonnent tel un présage : “Fini, c’est fini, ça va peut-être finir…“.

Si elle est aujourd’hui familière, la danse-théâtre de May B n’est pas encore un genre bien identifié par le public français lors de la création de la pièce. Maguy Marin invente là une pièce révolutionnaire par sa forme dans le paysage chorégraphique français de l’époque et superbement ciselée. May B. est un véritable ballet où les ensembles sont d’une beauté confondante. Les dix danseurs et danseurs passent de l’immobilité totale à des mouvements convulsifs qui décrivent toute une palette d’émotions et de sensations. Jusqu’à cette scène de masturbation qui n’est en rien une exhibition gratuite mais la nécessité de montrer cette part de nous-mêmes.

May B a été représentée près d’un millier de fois partout dans le monde. Plus d’une centaine d’interprètes se sont succédés depuis 1981 dans un mouvement perpétuel de transmission. Ce succès nous interroge sur ce qu’est une œuvre classique. Une pièce qui ne se  démoderait pas parce qu’elle ne fut jamais à la mode. May B peut se voir et se revoir sans cesse. Elle nous délivre chaque fois une nouvelle face cachée de notre humanité. 

May B – Maguy Marin

 

May B de Maguy Marin par la Compagnie Maguy Marin à l’Espace Pierre Cardin. Avec Ulises Alvarez, Kais Chouibi, Laura Frigato, Françoise Leick, Louise Mariotte, Cathy Polo, Agnès Potié, Rolando Rocha, Ennio Sammarco et Marcelo Sepulveda. Vendredi 8 mars 2019. À voir en tournée en France jusqu’au 3 juillet.

 

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