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Festival Séquence Danse – Christian et François Ben Aïm, Alessandro Sciarroni, Josef Nadj, Angelin Preljocaj

Rendez-vous essentiel de la création chorégraphique contemporaine, le septième Festival Séquence Danse qui se déroule au 104 s’est refermé le 21 avril, après cinq semaines d’un programme foisonnant. Divers et international, il offrait un panorama d’une variété inouïe, d’Oliver Dubois, artiste associé, à Angelin Preljocaj, proposant des incursions hors des frontières hexagonales avec Alessandro Sciarroni mais aussi hors-les murs avec Christian et François Ben Aïm, qui ont pris possession de la Sainte Chapelle à Paris. Retour sur cette fête chorégraphique avec un florilège de spectacles.

Arise de Christian et François Ben Aïm à la Sainte-Chapelle – Louis Gillard

Oliver Dubois  avait réservé à Séquence Danse la primeur de sa nouvelle création Tropismes, dernier volet d’une trilogie inspirée de La Divine Comédie de Dante. Voilà un spectacle pour neuf danseurs et danseuses envoûtant de bout en bout. Mais ce sont les frères Ben Aïm qui causèrent le premier grand choc du festival. Pour cette création singulière, le 104 s’était associé au programme Monuments en mouvement. Il faut du toupet ou une forme d’inconscience pour oser se confronter à la Sainte-Chapelle, chef-d’œuvre architectural gothique. Les deux frères ont relevé ce défi avec audace et une forme d’humilité. Il eut été périlleux de surcharger la chorégraphie. On ne lutte pas en effet avec la Sainte-Chapelle. Les frères Ben Aïm l’ont parfaitement compris, tirant profit de la majesté du lieu pour le servir. La danse s’organise tout au long de la nef encadrée par le public. Courses, allers-retours dans lesquels s’insèrent des duos très charnels et empreints d’une belle gravité qui sied parfaitement à l’endroit. Ils ont convié pour cette proposition Louis Gillard, tout en longueur et dégingandé, l’air christique et fabuleux interprète d’un solo où il se vrille au sol. Piers Faccini a composé et interprète une partition qui là aussi résonne en miroir de la Sainte-Chapelle. Arise est évidemment un “work in progress”, destiné à se modifier et s’adapter aux lieux dans lesquels il sera accueilli.

Augusto d’Alessandro Sciarroni

Alessandro Sciarroni est un habitué du 104 qui l’avait fait découvrir au public français. L’italien était de retour avec Augusto, création qui propose d’explorer le rire et ses complexités. Augusto est une référence explicite à l’auguste, la figure du clown burlesque, celui qui fait rire. Neuf garçons et deux filles en jeans, salopette ou bermudas qui se lancent dans une ronde à toute allure pour se mettre un à un, puis tous ensemble, à rire aux éclats. Et ça tourne, de plus en plus vite, dans un cercle infernal du rire qui se communique – un peu ! – au public. Ce rire peut aussi devenir hystérique, violent, se transformer en cri de rage ou déformer les corps. Si le propos interroge, il n’est pas forcément concluant. Cette séquence en rond s’étire en vain et c’est quand elle cesse pour se recentrer sur les individus que le spectacle retrouve une énergie cinétique plus apaisée. Mais la dramaturgie du spectacle est trop prévisible pour entièrement séduire.

Mnemosyne de Josef Nadj

Le festival avait convié Josef Nadj à reprendre Mnémosyne, créé lors de la dernière Biennale de la Danse de Lyon. Quel plaisir de retrouver  le chorégraphe français qui à 60 ans, n’a rien perdu de sa créativité et propose cette pièce miniature dans une scénographie étonnante : un mini théâtre comme une boite noire, dans un grand espace d’exposition où Josef Nadj nous montre une autre facette de son art. Aux cimaises, une multitude de clichés qu’il a réalisés donnant à voir un bric-à-brac de clichés dont chacun évoque un souvenir du photographe. Après avoir déambulé, le public (une quinzaine de personnes) est invité à prendre place dans cette intrigante  boîte noire pour un spectacle en miniature interprété par Josef Nadj qui semble encore convoquer ses souvenirs, ceux de son univers artistique, la mémoire de ses spectacles. On retrouve là cette figure familière du visage bandé, caché et le geste robotique. En nos confrontant à sa mémoire, Josef Nadj nous renvoie à la nôtre du singulier à l’universel.

Ghost d’Angelin Preljocaj

C’est Angelin Preljocaj qui a refermé le bal de cette édition 2019 de Séquence Danse avec la reprise de Still Life (2017), superbe variation chorégraphique sur le thème des vanités. En prélude, le chorégraphe présentait Ghost, son hommage à Marius Petipa imaginé  l’an dernier pour le centenaire de sa mort et commandé par le festival Diaghilev de Saint-Pétersbourg. Co-réalisé avec le Ballet de de l’Opéra de Bordeaux, Ghost -fantôme en français – met en scène quatre danseuses en tutu et sur pointes, évocation de la ballerine de la Russie impériale, figure privilégiée  de Marius Petipa qui révolutionna le langage académique. Quatre danseuses et… ce qu’on imagine être le fantôme de Marius Petipa qui se réveille et voudrait bien continuer à manipuler ses ballerines comme des poupées. Las ! Elles se sont émancipées de cette superbe tutelle pour prendre leur envol vers d’autres cieux. C’est une fort belle allégorie de la danse et un hommage magnifique à Marius Petipa qui nous offre Angelin Preljocaj qui clôt en beauté Séquence Danse 2019.

 

Festival Séquence Danse au 104 à Paris. Arise de et avec Christian et François Ben Aïm et Louis Gillard, à voir le 7 juin au Théâtre Châtillon et le 15 juin au Festival June Events ; Augusto d’Alessandro Sciarroni ; Mnémosyne de et avec Josef Nadj, à voir en tournée jusqu’au 30 juillet. Ghost d’Angelin Preljocaj avec Mirea Deloglu, Antoine Dubois, Nuriya Nagimova (Ballet Preljocaj), Anna Gueho et Alice Leloup (Ballet de Bordeaux).  

 

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