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Soirée de créations Goyo Montero et Jean-Christophe Maillot – Ballets de Monte-Carlo

Pas moins de deux créations étaient à l’affiche du programme de printemps des Ballets de Monte-Carlo. La soirée, baptisée Corpus, explore  les possibilités et les interactions du groupe. Jean-Christophe Maillot y propose Core Meu, une pièce à 100.000 volts sur le rythme effréné de tarentelle. De son côté, Goyo Montero est allé puiser du côté de l’hindouisme pour construire Atman qui signifie l’âme en sanskrit. Deux œuvres radicalement différentes dans le style mais qui ont en commun de proposer un travail de groupe sollicitant la totalité du corps de ballet. Soirée réjouissante d’une compagnie à la santé insolente explosant de jeunesse.   

Atman de Goyo Montero – Ballets de Monte-Carlo

Quelle est la place de l’individu dans le groupe ? Comment s’insère-t-il dans la dynamique d’un ensemble ? De quelle manière l’être humain peut être en harmonie avec  la société ? Ces questions ne sont pas propres à la philosophie hindoue et peuvent facilement se transposer à la vie d’une compagnie de ballet. Cette interrogation existentielle a fourni à Goyo Montero la semence de cette création pour les Ballets de Monte-Carlo. Atman affiche une belle ambition avec pas moins de 30 danseuses et danseurs sur scène. Le chorégraphe madrilène a imaginé une scénographie très sobre fondée sur un jeu de lumières qui entoure tour à tour le groupe et ses individualités. Cette idée d’une microsociété presque tribale est soulignée par les costumes que Goyo Montero a dessinés en collaboration avec Jean-Michel Lainé. Ils ont fait le choix de justaucorps pour toutes et tous rouge ou rouille, renforçant la vision d’une communauté unie.

Atman de Goyo Montero – Ballets de Monte-Carlo

Le rideau s’ouvre alors que les danseuses et les danseurs sont au sol, allongés. Ils s’animent petit à petit, se redressent, font naître des individus. Goyo Montero sait les faire bouger comme un ensemble unique, créant des images saisissantes d’où surgit parfois une forme d’inquiétude renforcée par l’aspect arachnoïde du groupe lorsqu’il danse au sol.

Le phrasé est parfaitement maitrisé et des fondus au noir font passer d’une séquence à l’autre. En rond, en quadrilatère, serrés et avançant telle une chenille mécaniques, les 40 danseurs et danseuses utilisent tout l’espace du grand plateau de la Salle des Princes du Grimaldi Forum. Le vocabulaire de Goyo Montero emprunte aux figures de la danse académique assortie de moments plus acrobatiques exigeant une grande virtuosité. Le corps de ballet de la compagnie y est brillant, s’appropriant sans difficulté le style du chorégraphe madrilène qui signe avec Atman une pièce sombre sur la musique de son fidèle comparse Owen Belton. Aujourd’hui à la tête du Ballet de Nuremberg, Goyo Montero (désigné Meilleur Danseur en 2004 par le magazine Dance Europe, médaille d’or du Prix de Lausanne 1994) est un chorégraphe très demandé qui a collaboré entre autres avec Carlos Acosta et Diana Vishneva. Mais paradoxalement, les compagnies françaises semblent être passées à côté de son immense talent.

Core Meu de Jean-Christophe Maillot – Ballets de Monte-Carlo

C’est Jean-Christophe Maillot qui signe la seconde pièce de la soirée et on ne peut imaginer deux univers plus dissemblables. Quand Atman développe une esthétique épurée, sombre, philosophique, Core Meu est une œuvre terrienne, charnelle, pleine d’humour et joie, qui développe sur 40 minutes une poétique de la séduction, de la confrontation amoureuse et de la légèreté de la jeunesse dans un climat de fête de village et de bal populaire. Le directeur des Ballets de Monte-Carlo s’est servi d’un travail précédent réalisé en juillet 2017 à l’occasion de F(é)aites de la danse où il confrontait la compagnie au public comme dans une arène. La pièce a été fortement remaniée et enrichie pour donner naissance à Core Meu qui réunit sur scène la totalité de la compagnie à laquelle s’ajoutent  au centre du plateau les onze chanteurs et musiciens du Tarenta Sounds dirigé par Antonio Castrigano, virtuose de la musique traditionnelle des Pouilles et ardent défenseur de l’art de la tarentelle.

Si Goyo Montero s’attache à ne pas définir les genres, Core Meu s’attarde au contraire sur le dialogue entre les hommes et les femmes dans une vision traditionnelle, presque historique. On y voit des jeunes gens rivaliser pour d’attirer l’attention du sexe féminin. Cette différenciation est merveilleusement dessinée par les costumes créés par Salvador Mateu Andujar : les femmes en larges jupes de mousseline vaporeuses dans un camaïeu de bleus et les hommes en pantalon hauts qui soulignent la taille. Jean-Christophe Maillot surprend encore en inventant une pièce où il mêle danse folklorique et ballet classique, bouleversant les codes de l’académisme. Core Meu est ainsi une œuvre d’une infinie gaieté, une ode à la joie de vivre qui fait se lever le public tout uniment alors que danseuses et danseurs prolongent la fête en se mêlant au public. Rien que du bonheur !

Core Meu de Jean-Christophe Maillot – Ballets de Monte-Carlo

 

Soirée Montero/Maillot par les Ballets de Monte-Carlo au Grimaldi Forum. Atman de Goyo Montero  et Core Meu de Jean-Christophe Maillot par les Ballets de Monte-Carlo. Vendredi 26 avril 2019.

 

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