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Golden Stage Tour – Géométrie variable et El Squad

Depuis 2015, le Golden Stage Tour fait se défier sur scène quelques crews, des groupes de hip hop, en misant sur la découverte et l’émergence de talents internationaux. Le thème de l’édition 2019 : le futurisme. Soit deux groupes montrant vers quoi peut aller le hip hop de demain. Et que ce soit pour Géométrie variable (crew français) et El Squad (crew japonais), les deux groupes de cette saison, l’on sent l’inspiration des télé-crochets, comme La France a un incroyable talent, qui laisse souvent une belle visibilité au hip hop. Les deux démonstrations misaient ainsi beaucoup sur les jeux d’ombre et de lumière, sur les effets d’optique, plutôt que sur la profondeur ou la hauteur du plateau. Beaucoup de saynètes étaient aussi faites pour être vues de face, comme face caméra. Une tendance qui n’empêche pas la créativité et l’originalité, tout comme la recherche d’une véritable écriture chorégraphique chez Géométrie variable. Deux groupes à suivre de près.

Play The Darkness – El Squad

Le hip hop s’institutionnalise en entrant dans les théâtres, mais le Golden Stage Tour ne veut pas perdre l’esprit de la culture hip hop qui est né dans la rue. Vicelow, un ex membre du groupe Saïan Supa Crew, se charge donc d’être le maître de cérémonie, de présenter les deux groupes et de mettre un peu d’ambiance dans la salle. Et d’inciter le public à manifester sa joie quand il voit quelque chose qui lui plaît (le public du ballet classique est là-dessus précurseur)… Tout comme d’attendre les saluts pour faire des stories. Pour cette édition 2019 du Golden Stage Tour, place à deux groupes : le crew français Géométrie variable et le crew japonais El Squad. Soit deux façons de voir et appréhender le hip hop de demain.

Créée en 2017 et repérée dans La France a un incroyable talent la même année, Géométrie variable est une troupe de cinq jeunes danseurs hip hop. Et la pièce éponyme qu’ils présentent va droit au but : 20 minutes de danse bien écrites, précises et en place en millimètre. Costumes noirs et absence de décor, il n’y a pas d’artifice dans Géométrie variable. Ce qui compte, c’est le geste et son efficacité. Et le résultat est étonnant. Le groupe travaille beaucoup sur une gestuelle saccadée et pointues, très habile surtout sur le haut du corps. Les bras des cinq danseurs se croisent et se décroisent, s’actionnent, se poussent, forment des vagues, jouent sur la géométrie et la symétrie, pour créer ensemble comme de nouveaux corps… Et ouvrir ainsi un nouveau champ des possibles des possibilités du corps humain.

Géométrie variable

Géométrie variable a été montrée dans une émission de télé, et cela se sent : elle est faite surtout pour être vue de face (c’est en tout cas de face que la chorégraphie fait le plus d’effets), jouent sur les contrastes d’une lumière vive sur des mains et des corps dans l’ombre. Et ça fonctionne tout aussi bien dans une salle de spectacle (même si parfois, le plateau très peu utilisé paraît un peu grand). La chorégraphie ne peut fonctionner que régler au cordeau, et c’est le cas pour les cinq danseurs profondément à l’écoute les uns des autres. Les 20 minutes proposées sont bien dosées, alternant les séquences, les surprises, les ambiances, tout en imprimant un style bien à eux. L’on peut regretter une absence de jeu sur l’émotion – si ce n’est l’étonnement et l’effet Whaou, ce qui est déjà pas si mal. Mais la pièce a une vraie ligne directrice. Et surtout une écriture chorégraphique originale, travaillée et développée. Géométrie variable est un groupe à suivre !

Géométrie variable

El Squad, venue du Japon, a une histoire différente. Créée en 2012 par Yokoi, danseur emblématique au Japon, elle a déjà pu roder son spectacle Play The Darkness et sa patte sur pas mal de salles. Là encore très visuelle, la pièce joue beaucoup sur les illusions. Et mis à part Yokoi qui joue là le liant entre toutes les saynètes du show, les danseurs et danseuses ne sont jamais visibles. Tout se joue en fait dans le noir. Seuls sont visibles des traits de couleur fluo sur les costumes des artistes, qui dessinent ainsi de nouveaux personnages cartoon et tout un univers imaginaire. Des danseurs, toujours dans le noir, assurent les rôles des porteurs, permettant à ces personnages comme dessinés au feutre sur une feuille noire de s’envoler et de se transformer.

L’effet est indéniablement réussi. Cela donne un drôle de monde où le réel (le personnage dansé par Yokoi) se mêle à des créatures numériques. Mais la trame du spectacle se répète. Ou manque un peu de respiration. Et le jeu des lumières prend très vite le pas sur la danse même, tout comme sur les personnalités des artistes. Quelle surprise d’ailleurs de découvrir au moment des saluts qu’ils sont une dizaine, alors qu’il n’y a en général que deux ou trois personnages à chaque saynète. Surprenant… et frustrant. Car la bande de danseurs et danseuses dégagent une énergie folle de groupe, qu’on ne perçoit jamais pendant le spectacle. C’est aussi uniquement à la fin que l’on voit leur forte personnalité – et leurs magnifiques costumes dessinés par un membre de la troupe – complètement cachés par le procédé du show. Frustrant, donc, car si ce jeu des lumières fonctionne, il finit par tourner néanmoins en rond pendant 40 minutes. Alors que les danseurs et danseuses d’El Squad, sans artifices, ont visiblement plein de choses à montrer. Trop d’effets tuent l’effet ? Peut-être bien. 

Play The Darkness – El Squad

 

Golden Stage Tour à la Maison de la Danse de Lyon. Géométrie variable d’Ammar Benbousid et Sadeck Berrabahde par le groupe Géométrie variable, avec Bouside Aït-Atmane, Ammar Benbousid, Sadeck Berrabah, Jibril Maillot et Kanon Zouzoua ; Play The Darkness de Yokoi et El Squad par El Squad, avec Yokoi, Shingo, Shiori, Sumako, Yu, Show’key, Yuma, Serena, Maho et Konitan, lumières de Hideo Hasegawa (H2), costumes de Show’key. Jeudi 21 novembre 2019. À voir du 28 au 30 novembre à La Villette à Paris.
 



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