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Funny Girl – Théâtre Marigny

Que ce soit au Théâtre du Châtelet ou maintenant au Théâtre Marigny, Jean-Luc Choplin a le chic pour faire revivre à Paris les joyeuses comédies musicales de l’âge d’or de Broadway, toujours dans des productions soignées et menées par une troupe de haut niveau. Son pari pour cette saison ? La truculente Funny Girl, la pièce qui a révélé l’immense Barbra Streisand. L’histoire, mince comme un fil, repose d’ailleurs beaucoup sur ce personnage de meneuse de revue pas vraiment dans les normes – pas assez grande et trop de bagou – mais qui fait carrière malgré tout. C’est la formidable Christina Bianco qui reprend dignement le flambeau pour cette reprise parisienne, secondée par une vingtaine d’artistes au diapason. Ça pétille et ça chante haut, il y a des paillettes, des plumes et des claquettes dans tous les coins – et aussi quelques coeurs brisés, sinon ce n’est pas une vraie comédie musicale. En un mot : cette Funny Girl est tout simplement irrésistible ! Et plutôt bien dans notre époque.

Funny Girl

La scène du Théâtre Marigny n’a pas les dimensions de celle du Théâtre du Châtelet, mais qu’importe. Jean-Luc Choplin, amoureux des comédies musicales, fait des merveilles quand il veut faire découvrir au public parisien une pépite du genre – et toujours avec lui en version originale, menée par une troupe anglo-saxonne qui sait ce que c’est qu’un musical. Le metteur en scène et chorégraphe Stephen Mear fait danser et jouer tout son monde (une vingtaine d’artistes multi-casquettes) avec talent et efficacité pour faire revivre Funny Girl, dans un classicisme du genre assumé – et trop bien mené pour lui reprocher de ne pas de temps en temps tenter d’être un peu hors des clous. Cette pièce, créée dans les années 1960, tournait autour de son actrice principale Barbra Streisand. La trame tient en quelques lignes (si ce n’est quelques mots), l’enjeu est plutôt de faire vivre un personnage. En l’occurence celui de Fanny Brice, véritable meneuse de revue des Ziegfeld Follies de New York dans les années 1920. Ne cherchez pas les histoires à rebondissements comme c’est souvent le cas à Broadway : Funny Girl, c’est avant tout le portrait d’une femme hors normes qui, un soir de première alors que son mari doit sortir de prison, se remémore sa carrière.

Et la surprise nous cueille dès la première chanson. Alors que les classiques de Broadway de cette époque ont parfois difficilement vieilli dans le caractère de leurs personnages, Funny Girl résonne drôlement bien avec notre époque. Car Fanny Brice est tout sauf un canon de beauté dans les normes des meneuses de revue. Adolescente trop petite et ingrate, elle se fait jeter de toutes les auditions. Mais elle s’accroche, enfonce les portes. Et quand enfin le contrat est là, elle n’hésite pas à tenir tête au metteur en scène qui a des idées un peu trop vieillottes à son goût. On veut la marier ? Elle cherche l’amour et un équilibre entre sa vie privée et sur scène. Elle devient maman ? Elle remonte sur les planches quelques mois après la naissance. Son mari fait faillite ? C’est elle qui fait bouillir la marmite. Voilà ainsi l’histoire d’une artiste archi-douée, qui, avec sa petite taille et son grand nez, réussit sans rentrer dans les normes, par son talent, son humour et son autodérision. Alors que le body positive s’immisce de plus en plus un peu partout, Funny Girl ne pouvait tomber mieux.

Funny Girl

Et il faut voir Christina Bianco, deux têtes de moins que toutes ses danseuses à plumes, se glisser avec un régal non dissimulé dans ce personnage – mariée et enceinte jusqu’au cou ou cheffe des armées drolatique. Cet artiste a le bagou et le grain de folie de Fanny Brice, la personnalité pour ne pas rester dans l’ombre de Barbra Streisand. Elle tient la scène, présente d’un bout à l’autre du plateau pendant les plus de deux heures de show, toujours lumineuse et la joie du spectacle chevillé au corps. Toute la pièce est là pour la mettre en valeur, tout tourne autour d’elle. Un sacré poids que Christina Bianco relève avec brio et enthousiasme, unanimement devenue la nouvelle coqueluche de Paris.

Allez, sur le dernier quart d’heure, les scénaristes ont dû se dire qu’il fallait tout de même caser quelques rebondissements. Tout cela tombe un peu comme un cheveu sur la soupe – et le mari de Fanny Brice ne manque décidément aucune crétinerie, y compris celle de larguer sa si géniale épouse à cinq minutes d’une grande première parce qu’elle réussissait mieux dans sa vie que lui. Quand on vous dit que Funny Girl résonne encore très bien à notre époque. Nobody, no, nobody is gonna rain on my parade!, chante une dernière fois Fanny, seule, la rage au ventre cette fois-ci. On le sait déjà : elle repartira de l’avant et gardera la tête d’affiche et retrouvera le bonheur par la force du poignet. Petite pirouette finale, alors que Funny Girl aligne tous les clichés du genre des comédies musicales, le final laisse presque sur sa faim. Mais les paillettes dans les yeux et la tête sont bien installées pour encore quelque temps. Un spectacle-régal de ces Fêtes.

Funny Girl

 

Funny Girl d’Isobel Lennart (livret), Lyrics Bob Merrill (chansons) et Jule Styne (musique), mise en scène et chorégraphie de Stephen Mear, au Théâtre Marigny. Avec Christina Bianco (Fanny Brice), Ashley Day (Nick Arnstein), Rachel Stanley (Mrs Brice),Matthew Jeans (Eddie Ryan), Mark Inscoe (Florenz Ziegfeld), Ashley Knight (Mr Keeney), Shirley Jameson (Mrs Strakosh), Jessica Buckby (Mimsie), Isabel Canning (Emma) et Joanna Goodwin, Jinny Gould, Jennifer Louise Jones, Jessica Keable, Billie Kay, Gabby Antrobus, Emily Ormiston, Matthew John Gregory, Ben Oliver, Oliver Tester, Emma Johnson et Josh Andrews. Jeudi 7 novembre 2019. À voir jusqu’au 7 mars.



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