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Camille Boitel et Sève Bernard – (ma,aida,…), spectacle instable !

Camille Boitel, homme-orchestre du cirque et acrobate virtuose, s’est associé une nouvelle fois à sa comparse Sève Bernard pour un spectacle au titre mystérieux : (ma,aida,…). Et qui fait le pari de montrer en moins d’une heure non pas 1 mais 36 spectacles différents. À la fois farce, gageure et défi, cette dernière création explose tous les codes du théâtre au sens propre du terme quand le plateau ne cesse de s’effondrer et d’engloutir les artistes. Camille Boitel et Sève Bernard expérimentent en permanence l’art de l’équilibre instable sur une scène saturée d’objets en tout genre. Loufoque, poétique et parfois inquiétant, (ma,aida,…) se joue des catégories pour offrir un spectacle qui emprunte aussi bien au cirque, au théâtre qu’à la danse et qui ne garde jamais les  pieds sur terre.

Camille Boitel et Sève Bernard – (ma,aida,…)

Camille Boitel et Sève Bernard nous piègent d’entrée avec une feuille de salle accrochée au fauteuil. Mais pas de signatures ou de génériques : une simple liste de mots et de phrases qui semblent n’avoir aucun sens… sauf si on accepte de les partager avec son voisin et sa voisine et de se compléter l’un l’autre. Là, le sens se créé, les mots se font phrases et décrivent un univers où l’on voit déjà percer une infinie poésie de l’absurde. Sur scène a été posé un bric-à-brac d’objets de toutes sortes qui n’attendent qu’à être utilisés ou détournés. Mais le spectacle commence, le rideau se ferme et se rouvre sur un plateau déserté et à peine éclairé. De part et d’autre avancent vers le milieu pour se rejoindre, deux corps informes et sans tête revêtus d’une immense chasuble qui finissent par disparaitre sous la scène. Voilà posée la figure centrale du spectacle qui se joue dans un dialogue entre le plateau et ses entrailles. Sous la scène, on s’active alors que d’une saynète à l’autre, elle se casse, disparait et avale en permanence nos deux artistes. Camille Boitel et Sève Bernard sont accompagnées sur scène  par Tokiko Ihara et Jun Aoki alors que sous la scène, Hugo Frison et Kenzo Bernard s’activent sans relâche. 

Et c’est l’art aussi de l’éternel retour ! À peine les a-t-on perdus qu’ils resurgissent. On pourrait facilement imaginer un couple en proie à ses démons et à ceux de l’existence, une métaphore sur l’incommunicabilité. Mais tout va à toute allure, ne laissant guère au public le loisir de réfléchir. Les situations burlesques nourries par l’art de la répétition s’enchaînent dans une chute sans fin dans le tréfonds du plateau de théâtre. De ces entrailles parvient un bruit de plus en plus assourdissant : tout se casse et s’effondre. Certes, le spectacle paraît parfois prisonnier de ce dispositif et de sa répétition. Mais l’humour décalé qui s’en dégage et le refus de se prendre au sérieux séduisent et nous emportent dans ce cirque théâtre inspiré et instable qui ne ressemble à rien d’autre.

Camille Boitel – (ma,aida,…)

 

(ma,aida,…) de Camile Boitel et Sève Bernard, avec Tokiko Ihara, Jun Aoki, Hugo Frison et Kenzo Bernard. Mardi 3 mars 2020 au 104.

 



 

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