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La Ribot et Mathilde Monnier – Gustavia

C’est un spectacle créé à Montpellier Danse en 2008 mais qui depuis n’a cessé d’être repris par les deux chorégraphes, danseuses et performeuses au gré de leurs calendriers respectifs. L’espagnole La Ribot et la française Mathilde Monnier ont donné naissance à ce personnage qu’elles incarnent à deux, Gustavia, comme un double l’une de l’autre où elles jouent sans cesse de leur gémellité physique. Empruntant ses techniques au théâtre burlesque qui fait toujours la part belle à l’usage extrême et comique du corps et à la danse, Gustavia est un spectacle délicieusement déjanté qui, 12 ans après sa création, offre un plaisir intact.

La Ribot et Mathilde Monnier – Gustavia

Que ces deux-là se rencontrent et collaborent semble une évidence. Mathilde Monnier et La Ribot n’ont pas le même parcours, mais ces deux artistes partagent un goût commun pour la recherche et l’expérimentation. Même s’il n’y a rien de cérébral dans ce duo Gustavia. Vêtues de  justaucorps noirs et juchées sur des chaussures à talons, les deux danseuses entrent en scène tapie de velours noir avec pour seuls accessoires un fauteuil au centre et un micro à l’avant-scène. Elles tancent du regard des spectateurs et spectatrices retardataires, donnant le ton comique des 60 minutes qui suivent. C’est côte à côte et au micro que débute cette incarnation de Gustavia, avec des cris qui petit à petit se transforment en larmes. Ou plutôt en caricature de larmes. Mathilde Monnier et La Ribot deviennent des pleureuses inconsolables ! Elles alternent alors entre le micro et le fauteuil, semblant s’ignorer mais sans aucun répit. Elles dessinent  un théâtre burlesque irrésistible impeccablement interprété, lorgnant tour à tour du côté de Charlie Chaplin, Buster Keaton ou Tati.

Elles n’ont pas peur d’oser et d’user du classique comique de répétition : la chute qui en est  l’expression la plus évidente, ou encore le gag récurrent de la planche de bois portée par La Ribot qui tourne sur  elle-même et heurte immanquablement Mathilde Monnier. Un climax clownesque qui offre alors l’occasion de ciseler la marche de l’une et les esquives de l’autre. Ce combat malicieux expose leurs corps en toute liberté sans refuser de le sexualiser. Quelle rivalité se joue entre ces deux femmes si différentes et si semblables ? Quel rapport de force tentent-elles d’installer ? Ces questions  émergent mais n’embolisent jamais le spectacle qui  se veut avant tout drôle, fantaisiste, refusant obstinément de se ranger dans quelque genre que ce soit mais se revendique aux confins de tous.

Mathilde Monnier et La Ribot – Gustavia

Peu de spectacles traversent ainsi le temps, qui est souvent cruel avec la création contemporaine. Mais c’est aussi ce que partagent La Ribot et Mathilde Monnier : ni l’une ni l’autre ne sauraient être esclaves des modes et de l’air du temps. Gustavia est ainsi un travail de création à quatre mains et deux corps qui séduit, fait rire aux éclats sans jamais le moindre soupçon de vulgarité. Il y a beaucoup de classe dans ce spectacle et une manière élégante de se moquer de tout et de soi. Comme un shoot de gaité dans cet automne incertain.

Gustavia de et avec La Ribot et Mathilde Monnier au Carreau du Temple. Mercredi 23 Septembre 2020. 

 



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