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Ballet de l’Opéra de Bordeaux – Quatre tendances Kylián/Forsythe/Leon et Lightfoot/Ekman

Le Ballet de l’Opéra de Bordeaux a ouvert sa saison avec une nouvelle édition du format Quatre tendances, qui présente chaque année différentes facettes de la danse néo-classique et contemporaine. Le programme de cette saison 2021-2022 somptueux était alléchant avec deux chefs-d’œuvres signés Jiří Kylián (Petite Mort) et William Forsythe (Herman Schmerman), auxquels le directeur de la troupe Eric Quilleré a adjoint Step Lightly du duo Sol León et Paul Lightfoot et de l’inusable Cacti d’Alexander Ekman, Ce panorama forcément fragmentaire est un écrin varié déclinant différents styles et influences pour une compagnie qui, à son tour, retrouve le chemin d’une saison normale, montre ses atouts techniques et artistiques et met en exergue quelques personnalités remarquables.

Petite Mort de Jiří Kylián – Ballet de l’Opéra de Bordeaux

Mettre Petite Mort de Jiří Kylián et Herman Schmerman de William Forsythe dans une même soirée, c’est une promesse d’excellence. Il y a là deux pièces majeures écrites par deux chorégraphes qui ont révolutionné chacun à leur manière l’esthétique néo-classique. Elles ont vu le jour à quelques mois d’intervalle en 1991 et 1992. Et près de 30 ans après leur création, leur pouvoir d’attraction reste intact. Plusieurs générations de danseuses et de danseurs ont dansé ces œuvres iconiques qui furent interprétées par les plus grands. On pense évidemment à Sylvie Guillem, interprète fétiche de William Forsythe, qui imposa Herman Schmerman au répertoire du Royal Ballet et repris Petite Mort avec Massimo Murru dans ses tournées internationales. Les vidéos sont là et auraient de quoi effrayer celles et ceux qui aujourd’hui mettent leurs pas dans ceux de prestigieux anciens.

Le Ballet de l’Opéra de Bordeaux est parfaitement équipé pour se confronter à ces monstres du répertoire et il le prouve. Les six duos de la soirée ne semblent ainsi guère impressionnés et empoignent sans soucis l’esthétique lumineuse de Jiří Kylián. Petite Mort se divise en deux parties très distinctes, au son tout d’abord du sublime adagio du Concerto 23 pour piano de Mozart. L’entrée en lice des six danseurs armés de fleurets saisit, tout comme les immenses robes à panier des six danseuses. Comme une division bien ordonnée des symboles et attributs du masculin et du féminin ! Mais Jiří Kylián veut précisément nous égarer pour nous conduire dans l’intime, dans cette petite mort qu’est l’orgasme et le parcours empreint de sensualité et d’érotisme qu’elle suppose. Avec un entrelacs continu de mouvements sur les notes de l’andante du Concerto 21 pour piano, autre tube du répertoire mozartien. De tensions en enroulements, les corps de chaque couple semblent ne faire plus qu’un. 

Herman Schmerman de William Forsythe – Ballet de l’Opéra de Bordeaux

La danse contemporaine lui doit beaucoup, tout comme elle est redevable à William Forsythe, innovateur de génie qui décida d’utiliser la grammaire académique pour la subvertir. Après le fameux In The Middle Somewhat Elevated (1987), il poursuit dans cette veine, utilisant les pointes, multipliant les hyper-extensions et les déséquilibres, introduisant courses et marches dans ces pièces qu’il bâtit sur la musique électronique de Thom Willems et les costumes de Versace. Créé pour le New York City Ballet en 1992, Herman Schmerman débute par un quintette de trois danseuses (Diane Le Floc’h, Hélène Bernardou, Ahyun Shin) et deux danseurs (Diego Lima, Pierre Devaux) dans une série de solos et pas de deux où chacune et chacun semble se challenger en permanence. Tous les cinq y sont excellents et remarquablement coachés par Noah Gelber qui remonte les ballets de William Forsythe dans le monde entier. Depuis la création de la pièce, le chorégraphe y a adjoint très vite un duo, sommet de difficultés techniques qui jamais n’impressionnent Marini Da Silva Vianna et Ashley Whittle. Ils se glissent sans difficultés dans les pas des interprètes prestigieux qui les ont précédés.

Step Lightly de Sol Leon et Paul Lightfoot – Ballet de l’Opéra de Bordeaux

C’est à la même époque que Sol León et Paul Lightfoot créèrent Step Lightly pour le Nederlands Dans Theater, qu’ils dirigèrent ensuite jusqu’en 2020. Le couple a signé pour le NDT quelques pièces remarquables, développant une écriture originale qui s’inspire du théâtre. Leur rayonnement a dépassé le seul cadre du NDT et leur politique artistique a permis de faire émerger de grands talents. Mais il eut été plus sage de déplacer Step Lightly après l’entracte. Car dans la foulée des ballets de Jiří Kylián et William Forsythe qui n’ont rien perdu en puissance 30 ans après leur création, la pièce de Sol León et Paul Lightfoot apparaît déjà désuète et vieillie. Les voix bulgares, si populaires dans les années 1090, n’ont plus la même force que lors de leur découverte. Le style des deux chorégraphes qui débutent dans cet exercice semble trop sous l’influence de maitres tels que Mats Ek. Ce n’est ni indigne et encore moins déplaisant mais quelque peu cruel après les deux maîtres de la danse. 

La seconde partie voit le retour de Cacti, pièce signature d’Alexander Ekman dansée par une multitude de compagnies à travers le monde. Œuvre de jeunesse et succès immédiat pour le chorégraphe suédois qui se joue des codes de la danse contemporaine avec humour. Perchés sur leurs cubes géants amovibles, les 16 danseuses et danseurs du Ballet de Bordeaux s’amusent follement et amusent le public. Entrée au répertoire il y a deux ans, la compagnie a désormais Cacti dans les jambes. Ça coule tout seul et c’est joyeux. Quoi de mieux pour conclure une soirée ?

Cacti d’Alexander Ekman – Ballet de l’Opéra de Bordeaux

 

Programme Quatre tendances par le Ballet de l’Opéra de Bordeaux, au Grand-Théâtre de Bordeaux. Petite Mort de Jiří Kylián, avec Anaëlle Mariat, Ryoto Hasegawa, Diane Le Floc’h, Alexandre Gontcharouk, Perle Vilette de Calenstein, Pierre Devaux, Emma Fazzi, Diego Lima, Clara Sptiz, Tangui Trévinal, Pascaline Di Fazio et Marc-Emmanuel Zanoli ; Herman Schmerman de William Forsythe avec Diane Le Floc’h, Hélène Bernardou, Ahyun Shin, Diego Lima, Pierre Devaux, Marini Da Silva Vianna et Ashley Whittle ; Step Lightly de Sol León et Paul Lightfoot, avec Anne Guého, Marina Kudryashova, Clara Spitz, Anaëlle Mariat, Oleg Rogachev et Tangui Trévinal ; Cacti d’Alexander Ekamn, avec Marini Da Silva Vianna, Riccardo Zuddas et le Corps de Ballet. Samedi 30 octobre 2021.

 



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