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François Mauduit fête en beauté les 15 ans de sa compagnie

François Mauduit a fêté en fanfare le quinzième anniversaire de sa compagnie. Fidèle au Théâtre de Caen, le danseur-chorégraphe a présenté un programme réunissant les onze danseuses et danseurs de sa troupe, mais aussi la Junior Company créée il y a cinq ans. Il s’est même adjoint pour cette soirée l’école de danse Carole Massoutié et concocté un programme ambitieux qui se voulait le reflet de l’esprit de son travail : défendre avec exigence l’art du ballet dans toute sa richesse, ainsi que le vocabulaire académique sans exclure les courants plus contemporains. Il porte ses spectacles et amène la danse là où elle n’est jamais.

Défilé – François Mauduit

Il y avait du beau monde, comme on dit, dans la salle du Théâtre de Caen, la ville qui a vu naître François Mauduit et où il s’initia à la danse. Au parterre, on repère Alain Marty, qui a délaissé quelques heures Aliénor qu’il vient de chorégraphier pour Agnès Letestu. Ou encore Gilbert Mayer, professeur mythique de l’Opéra de Paris qui a vu passer dans sa classe toutes les Étoiles de ces 60 dernières années et qui ne cache pas son enthousiasme devant le travail de François Mauduit. D’autres n’ont pas pu faire le chemin mais ont tenu à être présents en enregistrant un message : Delphine Moussin, José Martinez ou encore Karl Paquette. Il n’y a là nulle esbroufe mais le tour des ami.e.s et des fidélités qui se sont nouées au fil des années.

Car c’est un projet un peu fou que l’histoire de cette compagnie, à l’image de celle de François Mauduit. C’est en assistant au cours de danse de sa sœur que l’envie lui vient d’essayer les chaussons. Ses professeurs à Caen voient très vite que le petit garçon a du talent et qu’il lui faut quitter la province. Admis au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, il est repéré par Claude Bessy et intègre à 17 ans l’Ecole de Danse de l’Opéra de Paris. Rien ne semble lui résister et sans même connaître particulièrement le travail de Maurice Béjart, il se présente presque par hasard à une audition. Il est retenu par le Ballet de Lausanne et entre à 20 ans dans cette prestigieuse compagnie. Mais le démon de la création ne le laisse pas en paix et à 23 ans, il décide de quitter la compagnie de Maurice Béjart . Nous avions été un peu inquiets lorsqu’il avait décidé de faire de la danse sa profession mais nous l’avons soutenu. Lorsqu’il nous annonça qu’il quittait le Béjart Ballet pour créer sa compagnie, ce fut un second choc“, confient ses parents qui sont à ses côtés depuis le début de sa carrière. “Je suis allé voir Maurice, se rappelle François Mauduit. “Il m’a écouté. Je ne dirais pas qu’il m’a encouragé à partir mais il m’a dit qu’il comprenait et qu’il fallait mener ses projets et ses rêves quand on est jeune “.

Et Maintenant – François Mauduit

Voilà comment débute cette aventure improbable : créer de rien, avec son seul talent, une compagnie classique sans disposer du moindre financement des pouvoirs publics. Le Conseil Général du Calvados le soutient quelques années mais depuis 2012, sa compagnie est totalement privée : un cas unique en France. Au fil des années se sont noués des liens avec certains théâtres bluffés par l’accueil enthousiaste du public, tel le théâtre d’Albi qui lui reste fidèle saison après saison. Mais c’est à Caen que François Mauduit revient régulièrement présenter ses créations, et c’est dans la ville normande évidemment qu’il a fêté les quinze ans de la compagnie avec un programme comme un feu d’artifice.

François Mauduit conçut ainsi pour l’ouverture du spectacle un défilé, avec comme le veut la tradition, l’école de danse, puis la Junior Company et les onze danseuses et danseurs de sa troupe. Le chorégraphe ne semble avoir aucune difficulté à agencer tant de monde sur scène. C’est même ce qui caractérise la qualité de ses chorégraphies quand tant de créateurs en danse contemporaine se limitent souvent à une dizaine d’interprètes, tout au plus. François Mauduit rêve plus haut. À l’image de la compagnie pour jeunes artistes qu’il crée en 2016. Ces nouveaux artistes viennent quelques semaines en immersion avec sa compagnie, où ils se préparent à l’exercice féroce des auditions. Une dizaine a déjà trouvé un contrat dans une troupe européenne.

Boléro – François Mauduit

Cette ambition et ce goût des défis, on les retrouve aussi dans son répertoire. Comme le choix du Premier Concerto pour piano de Tchaïkovski auquel George Balanchine lui-même n’avait pas osé se frotter. François Mauduit en suit les articulations et la grandiloquence avec doigté pour construire une pièce balanchinienne en diable. Il s’attaque ensuite au Boléro. Quand on l’a soi-même dansé autour de la table et que Maurice Béjart semble avoir préempté pour toujours cette musique dont il a fait un chef-d’œuvre, il faut un sacré toupet ! Mais le résultat regorge d’idées chorégraphiques. Avec intelligence, François Mauduit n’est pas allé contre le Boléro de Maurice Béjart, mais s’est appuyé au contraire sur cette œuvre mythique pour la prendre à rebours. Là où le Boléro du maître débute dans la pénombre avec le ou la soliste, le rideau s’ouvre ici plein feux avec 30 danseuses et danseurs assis. Il serait criminel d’en dire davantage mais le Boléro version François Mauduit est un plaisir coupable : on peut s’amuser à y repérer les citations ou les hommages à Maurice Béjart, ou y avoir tout autant d’enthousiasme sans disposer de cette référence.

Comme toutes les compagnies à travers le monde, la troupe de François Mauduit a dû ronger son frein durant le confinement et les couvre-feux. Mais elle a aujourd’hui repris la route et la saison s’annonce riche et variée. Le succès de François Mauduit interroge sur le statut de la danse classique en France. Ce pays s’est doté de Centres Chorégraphiques Nationaux qui ont donné le meilleur comme le pire, mais les pouvoirs publics ont depuis 40 ans totalement délaissé le ballet académique. Ce dernier reste cantonné aux grandes maisons que sont Paris, Toulouse et Bordeaux, et qui par définition sont bien peu mobiles. On rêverait que le Ministère de la Culture vienne faire un tour dans les salles de province qui accueillent la compagnie de François Mauduit pour y voir la qualité de la danse et le bonheur du public.

Saluts – François Mauduit

Gala des 15 ans de la compagnie François Mauduit au Théâtre de Caen. Ouverture et Défilé ; Piano Concerto ; Fancy Dances ; Et Maintenant ; Boléro de François Mauduit. Avec  Haruka Ariga, Louise Djabri, Géraldine Lucas, Shiori Matsushima, Vittoria Pelegrino, Nelly Soulages, Lorenzo Bernardi, Francesco Cafforio, Nicola Lazzaro, Capucine Ogonowski, François Mauduit et la Junior Company, l’École de danse Carole Massoutié. Mardi 19 octobre 2021. 

La compagnie François Mauduit à voir au Théâtre de Caen toute cette saison, et en tournée avec Roméo et Juliette

 



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