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Ballet du Rhin – Kamuyot de Ohad Naharin

Après deux créations – Les Ailes du Désir et Danser Schubert le Ballet de l’Opéra National du Rhin poursuit sa riche saison avec l’entrée au répertoire de Kamuyot d’Ohad Naharin. Cette pièce de 50 minutes, pour quinze danseurs et danseuses, était originellement destinée au jeune public. Mais elle dégage une puissance universelle qui agit sur toutes et tous et à tous les âges, tant elle peut se lire de manière multiple. Avec son dispositif quadri frontal favorisant l’interactivité avec le public, Kamuyot est un spectacle réjouissant, rempli d’énergie, mais qui sait aussi susciter des émotions diverses. Créé en 2003 pour le Young Ensemble de la Batsheva, les artistes du Ballet du Rhin s’en saisissent avec bonheur et virtuosité et offrent un moment de pur plaisir collectif.

Kamuyot de Ohad Naharin – Ballet du Rhin

Bruno Bouché se souvient du choc qu’il avait reçu lorsque, à Tel-Aviv, il avait pour la première fois découvert Kamuyot dans les studios de la Batsheva. “Dans cette région du monde où il fait doux et où le soleil inonde, ce fut un moment d’émotion rare, précieux”, se souvient le directeur du Ballet du Rhin.  C’est dans ces mêmes studios que Benoît André, qui dirige le superbe paquebot de La Filature à Mulhouse, vit pour la première fois cette pièce qui ne ressemble à rien si ce n’est à Mamootot, une version pour adultes créée à la même époque. Le Ballet du Rhin et La Filature ont décidé d’unir leurs forces pour faire entrer au répertoire Kamuyot et lui permettre de voyager hors des salles de spectacles, puisque c’est finalement sa destinée : être au plus près du public. La compagnie va donc se délocaliser toute cette saison pour investir des gymnases et des centres sportifs afin de toucher un autre public, celui qui ne pénètre jamais dans les salles de spectacle. Il y aura ainsi une quinzaine de représentations cette saison.

Et on ne peut rêver meilleure introduction à la danse que Kamuyot. C’est à la fois la quintessence de l’art d’Ohad Naharin, (son goût pour le lâcher prise, la précision du geste, les musiques pop saturées, les costumes décalés) mais aussi l’expérience la plus directe et inventive d’interaction avec le public. Le chorégraphe israélien est familier de ce va-et-vient entre la scène et la salle, mais avec Kamuyot, il met en place un dispositif simple mais inventif. Il n’y a ainsi ni scène, ni rideau et on se sent davantage dans l’antre d’un studio de danse autour de ce quadrilatère entouré de bancs fort inconfortables ! On ne sait pas vraiment quand la représentation va commencer, et si d’ailleurs elle n’a pas finalement déjà commencé. Les danseuses et danseurs n’ont-ils pas déjà pris place assis parmi nous sur les bancs ?

Si on les distingue, c’est à leurs chemises blanches, aux collants couleur pop pastel des filles, aux jupes et pantalons écossais. Et soudain, ça démarre… et bientôt, ça ira à toute allure ! Huit femmes filles et sept hommes, et autant de solos imbriqués dans des ensembles construits comme sait le faire le maître du gaga, en mettant dans chaque geste une intention, un désir qui mène d’un point à un autre dans l’espace.  Tout paraît improvisé devant nous, alors que chaque séquence est réglée avec une précision horlogère grâce à Matan David, l’un des principaux répétiteurs du répertoire d’Ohad Naharin. Il va suivre le Ballet du Rhin durant plusieurs représentations et consolider ainsi la cohésion de Kamuyot pour éviter que la pièce ne se dilue.

Kamuyot de Ohad Naharin – Ballet du Rhin

C’est en effet le danger avec le répertoire de la Batsheva. Plusieurs compagnies  désirent avoir une ou plusieurs pièces d’Ohad Naharin à leur répertoire. Mais comment rivaliser avec les danseuses et les danseurs israéliens, biberonnés à la technique gaga ? Le Ballet du Rhin s’en sort à merveille. La troupe, qui a été en grande partie renouvelée, affiche une jeunesse insolente. Ce groupe a l’âge des rôles de Kamuyot et possède les qualités physiques et athlétiques nécessaires. Cinquante minutes durant, toutes et tous rayonnent avec insolence – ou insouciance – et dégagent une énergie de tous les instants.

La tournée de Kamuyot en Alsace devrait faire mouche et atteindre ces nouveaux publics. Ce spectacle est aussi le coup d’envoi d’une collaboration plus étroite  entre le Ballet du Rhin et La Filature de Mulhouse, avec en point d’orgue dès le mois de janvier 2022 un festival réunissant 11 Ballets européens. Soit trois soirées de spectacles avec le plus large éventail possible de pièces montrant toute l’étendue du répertoire. Mais aussi, un moment de réflexion pour penser ce que peut être un Ballet au XXIe siècle et quelle est leur place dans la danse aujourd’hui.

Kamuyot de Ohad Naharin – Ballet du Rhin

Kamuyot d’Ohad Naharin -par le Ballet du Rhin à La Filature de Mulhouse. Samedi 27 novembre 2021. À voir au Centre socio-culturel de la Meinau de Strasbourg du 16 au 22 juin et au Gymnase Maurice Schoenacker de Mulhouse les 5 et 7 juillet. 

Ballets européens au XXIe siècle, du 23 au 29 janvier à La Filature de Mulhouse.

 




 

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